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Interview

AMDH : «Plus la crise économique s'intensifie à Nador, plus il y'aura de départs» vers Melilla

Lundi soir, la section Nador de l’Association marocaine des droits humains (AMDH) a réagi à l’information sur l’arrivée de 16 Marocains par bateau à Melilla, alertant sur le fait qu’il y a «toujours plus de jeunes marocains qui tentent d'accéder à Melilla par tous les moyens». «Plus la crise économique s'intensifie à Nador, plus il y'aura des départs vers cette voie de migration la moins chère», met-elle en garde. Son président, Mohamed Amine Abidar, revient avec Yabiladi sur la situation des jeunes dans cette région du Maroc.

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Photo d'illustration. / DR
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Quel est le constat établi par l’AMDH-Nador aujourd’hui ?

Lorsque nous parlons de la migration à Nador, nous distinguons entre celle des Marocains et celle des personnes qui arrivent des pays subsahariens, du Yémen et du Soudan pour demander l’asile à Melilla. Ces dernières années, ce sont les jeunes de la région qui migrent de plus en plus vers l'encave espagnole à cause de la situation socio-économique difficile à Nador.

Des dizaines de jeunes tentent fréquemment de traverser la frontière. D’ailleurs, l’AMDH-Nador avait alerté sur le cas de deux personnes souffrant de handicap qui avaient traversé effectivement la barrière de séparation avant d’être expulsés par les forces espagnoles et remis aux autorités marocaines. Il y a d’autres cas de jeunes qui ont tenté de traverser par la voie terrestre et qui ont été finalement expulsés.

De plus, il y a aussi un grand nombre de jeunes qui se sont aventurés à effectuer cette traversée à la nage depuis des plages proches de Melilla. Il y a des cas de décès malheureusement, tandis que leurs dépouilles sont restées à Melilla des mois sans enterrement. L’AMDH avait, dans ce sens, plaidé auprès des autorités marocaines pour permettre le rapatriement des corps. Hélas, rien n’a été fait dans ce sens, et les dépouilles de ces jeunes ont fini par être inhumées à Melilla.

Il y a plusieurs manifestations de ce drame vécu par les jeunes, qui témoigne de la misère dans laquelle ils vivent. Plusieurs tentent quotidiennement de se rendre à Melilla, pour déposer une demande d’asile humanitaire ou politique. Ce phénomène est de plus en plus répandu.

Quelles sont selon vous les raisons de cette «misère» ?

L’économie de la ville était basée sur l’informel et la relation économique avec Melilla. Depuis la décision du Maroc de définitivement fermer sa frontière commerciale avec la ville en 2018 et l’arrêt de la contrebande, plusieurs milliers de personnes qui travaillaient à Melilla se sont retrouvées sans ressources. Leur condition sociale déjà précaire s’est détériorée davantage. Cela impacte une large frange de la population de Nador, en l’absence d’opportunité d’emploi et de chômage. C’est le résultat de l’échec de plusieurs politiques menés par l’Etat et de programmes qui n’ont pas impacté positivement la vie quotidienne des jeunes.

D’autres tentent le périlleux voyage de traverser notamment la méditerranée vers la péninsule ibérique à bord de bateaux pneumatiques.

Les programmes mis en place par l’Etat, comme à Ceuta, sont-ils suffisants ?

Les emplois créés par les autorités marocaines depuis la fermeture des frontières commerciales pour pallier à la contrebande n’ont pas été suffisants. La ville toute entière est liée, économiquement, socialement et commercialement avec Melilla. L’Etat ne peut pas trouver près de 20 000 postes d’emploi créé par ce commerce. Il faut savoir que rien que le nombre de personnes disposant de permis de travail dans la ville s’élevait à plus de 6 000. Ajoutez à ce nombre celui des personnes qui travaillaient sans papier dans la ville et ceux qui ne rentraient que pour importer des marchandises.

En tout cas, ce qui a été fait par l’Etat n’a pas encore donné, selon nous, ses fruits. Plusieurs de ces personnes vivent toujours aujourd’hui dans la pauvreté.

Aujourd’hui, l’Etat doit avoir une volonté réelle pour soutenir directement cette population. Il doit veiller à établir une vraie économie formelle dans la ville de Nador et sa région, avec des investissements et la création d’emploi pour les jeunes. Il doit parvenir à remplir le vide créé par l’Etat lui-même, qui est le résultat d’une exclusion ayant durée depuis plusieurs années. Melilla cachait en fait cette réalité amère et frustrante d’une vraie crise économique et sociale dans la ville.

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