Menu

Grand Angle

Maroc : La réutilisation des eaux usées, une arme à double tranchant

L'utilisation des eaux usées traitées dans l'irrigation des terres agricoles et des espaces verts pourrait constituer des risques sanitaires pour la population, selon une nouvelle étude qui s’est penchée sur le cas de la STEP d’Oujda, au moment où le Maroc compte porter à 164 le nombre de ses stations d’épuration des eaux usées à l’horizon 2023.

Publié
Photo d'illustration. / Radeeo
Temps de lecture: 3'

A l’horizon 2023, le Maroc ambitionne de porter à 164 le nombre de stations d’épuration des eaux usées (STEP) pour une capacité globale de plus de 530 000 m3 par jour. La réutilisation des eaux usées en agriculture est monnaie courante dans le monde entier depuis plusieurs décennies. Plusieurs pays considèrent cette pratique pour répondre au déficit hydrique et à la croissance démographique et économique.

Entre 1990 et 2020, la production annuelle moyenne d’eaux usées au Maroc est passée de 370 millions de m3 (Mm3) à près de 900 Mm3. Une quantité d’eau essentiellement utilisée pour l’irrigation de certains espaces verts. Toutefois, dans certaines zones du royaume et bien que cela soit interdit, cette denrée recyclée peut facilement trouver son chemin vers l’agriculture. Car, bien qu’elles soient traitées, les eaux usées peuvent contenir des polluants chimiques et agents pathogènes, ce qui représente un risque environnemental et sanitaire.

Pour se pencher sur cette question, huit chercheurs marocains du Laboratoire d'amélioration de la production agricole, biotechnologie et environnement, de la Faculté des Sciences, de l’Institut supérieur des professions infirmières et techniques de Santé et du Laboratoire de chimie et d'analyse des minéraux solides, à l’Université Mohammed 1er d’Oujda, ont évalué la qualité des eaux usées traitées par la STEP de la capitale de l’Oriental. Ils se sont intéressés, dans leur étude acceptée il y a quelques jours, à son aptitude à l'emploi, sans décontamination au chlore, à des fins agricoles.

L'étude s'est également intéressée à la capacité d'autoépuration d'une rivière de l'Oued Bounaim en aval de la STEP. Par ailleurs, un suivi bactériologique a été réalisé pour déterminer la vulnérabilité de l'aquifère dans la zone entourant la station d'épuration. En effet, dans le cas de la STEP d'Oujda, l'eau traitée est rejetée dans l'Oued Bounaim, à l'est de la ville et est utilisée officieusement pour l'irrigation des terres environnantes.

Des risques sanitaires pour la population

Dans leur étude, les 8 chercheurs indiquent que depuis 2017, une partie de l'eau traitée est utilisée pour l'irrigation goutte à goutte de 25 hectares d'espaces verts dans le parc écologique de la ville d'Oujda. De plus, les autorités de la ville prévoient d'irriguer 1 500 ha de terres agricoles avec de l'eau traitée d'ici 2030. De ce fait et «selon les normes marocaines, les eaux usées traitées et rejetées dans l'Oued Bounaim ou acheminées vers le parc écologique ne doivent pas contenir des bactéries (telles que Salmonella ou Vibrio cholerae) ou des parasites (tels que les larves d'ankylostome et la furcocercose de Schistosoma hoematobium)».

Après s’être penchés sur les eaux usées de la STEP, celles rejetées dans l’Oued Bounaim et celles d’un puits autour de la station d'épuration, l’étude a conclu que la station d'épuration de la ville d'Oujda, bien qu'elle offre de bons rendements épuratoires, «nécessite un traitement supplémentaire pour atteindre une meilleure qualité bactériologique». Ils ajoutent que les eaux traitées par cette STEP pourraient être réutilisables pour certaines cultures selon les normes marocaines, mais pas pour d’autres.

«La qualité de l'eau de l'Oued Bounaim, en aval de la STEP, montrait des signes de prolifération phytoplanctonique importante ainsi qu'une forte densité bactérienne, dépassant souvent celle observée à la sortie de la STEP, ce qui pourrait indiquer d'autres sources de contamination, notamment animale», alertent-ils. Quant à l'eau du puits autour de la station d'épuration, elle présente, toujours selon l’étude, «une contamination bactérienne importante la rendant impropre à la consommation humaine». «Cette contamination serait le résultat d'une infiltration d'eaux usées traitées (contamination récente), mais aussi d'eaux usées brutes qui se déversaient dans la zone avant la mise en service de la STEP en 2010, signalée par la présence de bactéries révélatrices d'une contamination antérieure», explique l’étude.

Pour ses auteurs, «l'utilisation des eaux usées traitées avec leur qualité bactériologique actuelle dans l'irrigation des terres agricoles et des espaces verts pourrait constituer des risques sanitaires pour la population», d’où la nécessité d’ajouter un autre procédé de traitement.

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com