«Sur tous les plateaux, les débats font rage sur la question de la légitimité de l’extradition de Baghdadi Mahmoudi», et pourtant, «personne ne parle d’une décision du gouvernement, bien plus grave pour notre avenir», souligne, dans un communiqué relayé mardi dernier par le portail-web Kapitalis, le président de l’Association Tunisienne pour la Transparence Financière (ATTF), le Dr. Sami Remadi. A l’origine du ton alarmiste adopté par ce médecin de profession, la décision du gouvernement tunisien consistant à permettre aux ressortissants maghrébins d’entrer en Tunisie sans visa, ni passeport :
«Cette décision a été annoncée par Abdallah Triki [le secrétaire d’état tunisien chargé des Affaires arabes et africaines]» précise-t-il. «Elle consiste à permettre, à partir du 1er Juillet 2012, aux ressortissants des pays du Maghreb Arabe, à savoir la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie et la Libye, de:
- entrer en Tunisie sans visas ni passeport;
- effectuer des séjours de longue durée ou résider d’une manière permanente en Tunisie sans aucun document;
- accéder au marché de l’emploi sans autorisation préalable;
- participer aux élections municipales».
Remadi : «La Tunisie est en passe de se transformer en repère pour terroristes»
Selon le président de l’ATTF, la décision d’ouvrir l’accès du territoire tunisien aux ressortissants maghrébins représente une menace pour la sécurité du pays à bien des égards. A commencer par la sécurité des tunisiens eux-mêmes: «de la sorte, il n’y a plus aucun contrôle de nos frontières, dans une région du monde devenue désormais ‘’chaude’’» explique-t-il, craignant de voir ainsi la Tunisie se transformer «en repère pour les terroristes et délinquants en tout genre». M. Remadi appréhende également que la ratification de cette décision ait de lourde conséquences sur le marché de l’emploi tunisien. «A notre stupéfaction, au lieu de créer des emplois, le gouvernement ouvre nos frontières à une main d’œuvre venue d’autres pays, et ce sans aucun contrôle» s’étonne-t-i. Il ne manque pas de rappeler à cet effet que l’une des principales revendications de la révolution tunisienne était «le droit d’accéder à l’emploi et à une vie digne pour tous». Autres pans menacés selon lui par une ouverture inconsidérée des frontières du pays : l’identité et la cohésion nationale. «Cette décision menace de dissoudre notre identité, nos traditions et nos coutumes» et de mettre en porte-à-faux une cohésion nationale «déjà bien fragile depuis les élections du 23 octobre 2011» prophétise-t-il. De façon connexe, il s’interroge sur les implications d'une telle décision pour la souveraineté de son pays : «Le parti au pouvoir chercherait-il un réservoir de voix dans les pays voisins? Je vous rappelle que les pays de vieille tradition démocratique n’ont toujours pas tranché la question du vote des étrangers, alors que dire de notre démocratie balbutiante?».
L’appel à la mobilisation du peuple tunisien
Autant de questions légitimes que M. Remadi se pose avec gravité face à un gouvernement tunisien qui, selon lui, n'a de fait «aucune légitimité à prendre une décision tellement déterminante pour notre avenir et celui de nos enfants, sans consulter les principaux intéressées: les Tunisiens». Intéressés qu’ils appellent d’ailleurs solennellement à la mobilisation générale: «Jusqu’à quand allons-nous nous taire? À qui profites notre passivité? Mobilisons nous tous et empêchons que cette décision ne soit appliquée, pour nous, pour nos enfants, pour notre pays, pour que le mot «Tunisien» continue à avoir un sens».
Le militantisme du président de l’ATTF semble vain -- ou tout du moins, caduc. En effet, mercredi dernier, soit le lendemain de la publication de son communiqué, M. Abdallah Triki, confirmait sur les ondes de Shems Fm, la décision unilatérale de la Tunisie d’instaurer une liberté d’accès aux Maghrébins par simple présentation de la carte d’identité, précisant que l’accord avait déjà été signé avec le Maroc, l’Algérie et la Mauritanie. L'unification du Maghreb est en marche.