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Grand Angle

Maroc : Pourquoi le nombre de tests PCR et de cas Covid+ ont-ils diminué ?

Au Maroc, ces dernières semaines ont été marquées par une légère baisse des infections quotidiennes au nouveau coronavirus. Mais le nombre de décès et la pression sur les services de réanimation continuent à être importants. Pourquoi les dépistages ont-ils baissé d'intensité ?

Publié
Photo d'illustration / Ph. AFP
Temps de lecture: 4'

Au 6 décembre 2020, le taux de reproduction (R0) du nouveau coronavirus au Maroc a connu une légère baisse sur deux semaines. Cet indice est désormais de 0,92, selon Abdelkrim Meziane Belfkih, chef de la division des maladies transmissibles à la direction de l’épidémiologie et de lutte contre les maladies au ministère de la Santé. Annonçant le bilan bimensuel lors d’un point de presse, le responsable a souligné que cette tendance est particulièrement observée dans l’Oriental (-25%), Drâa-Tafilalet (-22%), Guelmim-Oued Noun (-21%), Casablanca-Settat (-14%), Rabat-Salé-Kénitra (-5%), Marrakech-Safi (-5%), Laâyoune-Sakia El Hamra (-2%) et Fès-Meknès (-1%). Les décès ont connu une baisse de 3,6% sur la même période. Dans l’ensemble, plus de 4 millions de tests PCR ont été réalisés dans le pays.

Bien que la mortalité ait connu une légère baisse dans le royaume, les décès demeurent relativement élevés ainsi que la pression sur les services de réanimation et de soins intensifs en milieux hospitaliers. Les spécialistes tentent d’expliquer le paradoxe entre cette observation et la baisse de la contagion à travers plusieurs hypothèses. Celle de la baisse du recours aux tests de dépistage pourrait être un facteur, mais qui ne saurait à lui seul constituer un élément déterminant pour l’heure.

Moins de tests pour les cas symptomatiques

Contactée par Yabiladi, la Fondation MAScIR a indiqué que sa startup Moldiag a aujourd’hui «une capacité de production de 1 million de test par mois. Cette capacité de production qui peut aller jusqu’à 3 millions de tests par mois». Malgré leur disponibilité, le recours aux tests PCR serait moins fréquent, selon Dr. Zineb Alaoui, cheffe de service de santé publique à la direction régionale de la Santé de Casablanca – Settat et responsable du Centre régional des opérations d’urgence de santé publique (CROUSP). «Nous avons remarqué en effet que le nombre de prélèvements a diminué partout au Maroc, autant dans les structures publiques que privées, mais il est compliqué de faire un lien direct avec la baisse des infections», a-t-elle déclaré à Yabiladi.

Cette attitude, selon la spécialiste, pourrait s’expliquer par le fait que «les gens sentent moins la nécessité de faire un prélèvement et font moins le lien entre les premiers symptômes et le virus en lui-même». «Si l’on prend un rapport général entre le nombre de prélèvements et le nombre de cas positifs, nous remarquons une baisse, en ce sens où il y a moins de patients covid+ sur 100 personnes prélevées, en comparaison avec les statistiques d’il y a deux mois», explique par ailleurs Dr. Alaoui.

Chef du service des maladies infectieuses au Centre hospitalier universitaire de Casablanca, professeur Kamal Marhoum El Filali considère pour sa part qu’«il est très difficile d’interpréter les données chiffrées par rapport aux infections réelles, si cela n’est pas fait sur la base des éléments recueillis sur les semaines à venir, pour voir si cette tendance se confirme». «Pour l’heure, nous pouvons dire qu’elle se confirme très légèrement, si l’on tient compte du nombre de décès ainsi que celui des patients présentant des symptômes sévères et qui sont hospitalisés au niveau des services de réanimation et de soins intensifs», indique le médecin auprès de Yabiladi. Il estime par ailleurs que «tant que nous n’avons pas une concordance entre ces différents éléments, nous ne pouvons pas affirmer que la baisse des infections ou de la contagiosité serait liée principalement à la baisse du recours aux tests PCR».

La mortalité et la pression sur les structures hospitalières, facteurs clés du suivi

Pr. Marhoum El Filali confirme plutôt «une concordance de la baisse de contagion et d’infection avec le nombre de décès». «Nous avons quelques premières observations sur une légère baisse de mortalité. Cette tendance n’est pas spectaculaire, mais elle reste un indicateur positif, par rapport aux semaines où nous avions entre 70 et 80 morts par jour», affirme-t-il, ajoutant qu’«il faudrait qu’elle se maintienne et que le nombre continue à diminuer» pour constituer réellement une tendance marquante.

En plus de cette baisse qui doit se confirmer dans la durée, «il faut observer le niveau de pression sur les structures hospitalières dans la prise en charge des cas sévères», selon le chef de service. «Cette pression est toujours là au niveau de la réanimation et des soins intensifs dans les CHU, qui sont très fortement sollicités», a-t-il précisé. Dans ce contexte, il est difficile de faire des conclusions sur le facteur du nombre de tests PCR, selon Pr. Marhoum El Filali.

«Nous pouvons dire qu’à cette étape de la pandémie, ces tests visent les cas présentant des symptômes plus que ceux asymptomatiques, comme c’était le cas au début de l’état d’urgence sanitaire, car la priorité actuellement est d’identifier et prendre en charge prioritairement les patients les plus sévères.»

Pr. Kamal Marhoum El Filali

Un autre changement à prendre en compte est que les cas positifs ne sont plus confirmés exclusivement par tests PCR, mais aussi par tests antigéniques, ce qui peut expliquer un écart sur les chiffres remontés. «Le fait ici est que nous ne sommes plus dans la même démarche que celle d’il y a quelques mois, où on faisait un dépistage systématique de tous les cas contacts d’un patient positif, ce qui est plus rare aujourd’hui s'ils ne présentent pas de symptômes», précise le professeur.

Mais le recours au dépistage reste d’une grande importance, malgré la baisse du taux de contagion ou l’approche du lancement de la campagne de vaccination. Comme le professeur Marhoum, Zineb Alaloui plaide pour que la stratégie de prévention continue à s'appuyer sur le dépistage et la vaccination.

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