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Grand Angle

Les tortues mauresques, espèces protégées mais encore menacées au Maroc

Espèce protégée au Maroc, la tortue mauresque n’est toujours pas à l’abri de plusieurs facteurs la menaçant d’extinction. Dans une étude, une chercheuse espagnole alerte sur le fait que même la domestication de ces tortues peut s’avérer comme l’une des principales menaces guettant cet animal.

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Des tortues mauresque (Testudo graeca), appelées également tortures grecques. / DR
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Bien qu’elle soit déclarée comme espèce protégée, notamment en vertu d’un arrêté ministériel datant du 19 novembre 2007, la tortue mauresque fait toujours face à plusieurs dangers au Maroc qui menacent sa survie.

Dans une thèse de doctorat intitulée «Drivers and threats of mediterranean spur-thighed tortoise population dynamics in the core of the distribution range», Amalia Segura González, de l’Université Castilla-La Mancha a ainsi mené des recherches sur le sujet. Elle s’est intéressée aux populations de tortues de la forêt de Maâmora, près de Rabat, pour étudier plusieurs aspects, dont les différences démographiques en termes de taille et de structure de population, la fécondité et la survie des juvéniles, entre autres. 

Plusieurs facteurs menaçant une espèce pourtant protégée

Elle affirme, dans son étude, que bien que les tendances de sa population n'aient pas été quantifiées avec précision, tous les experts s'accordent à dire que les populations de l'espèce ont «considérablement diminué dans presque toutes les zones depuis 1970). L’experte rappelle que Testudo graeca, appelée également torture grecque, a été classée comme espèce vulnérable dans toute son aire de répartition dans la Liste rouge de l'UICN des espèces menacées. Depuis 1975, elle est aussi inscrite à l'annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces menacées.

Au Maroc en particulier, la perte d'habitats propices à la tortue mauresque est «progressive depuis 1969 en raison du déclin de l'arganier et du chêne-liège dans les forêts, principalement en raison du surpâturage», souligne Amalia Segura González. Celle-ci ajoute que le défrichage des terres pour les développer à des fins agricoles a augmenté au fil du temps, réduisant ainsi les sites de nidification et rendant les tortues plus visibles pour les prédateurs.

De plus, l’étude signale la prédation des jeunes tortues, considérée comme une cause majeure de mortalité pour de nombreuses espèces de tortues. «La prédation par le grand corbeau a été identifiée comme étant responsable d'une diminution significative des populations de tortues», alerte-t-on.

La domestication des tortues mauresques comme principale menace de sa survie

Hormis le commerce et les maladies qui touchent l’espèce, comme les «macroparasites en général, et les ectoparasites en particulier, la thèse met la lumière sur un autre phénomène ; celui de la domestication des tortues, qu’elle qualifie de «principale menace pour la conservation» de cette espèce. Pour Amalia Segura González, cette pratique «module la taille et la structure des populations de l’espèce et, par conséquent, leur démographie».

«La forêt de Maamora étant l'un des habitats les plus appropriés pour cette espèce, sa proximité avec Rabat indique la possibilité que ces populations de tortues soient particulièrement sensibles à une collecte excessive.»

Amalia Segura González

Les résultats de la recherche menée ont, dans ce sens, montré des «différences significatives en ce qui concerne la taille et la structure de la population entre les zones protégées et non protégées». L’étude évoque ainsi «plus de densité (23-17 individus par hectare), des populations équilibrées, des jeunes adultes prédominants» et «des condition corporelle plus élevée dans les aires protégées, en particulier les femelles», dans les aires protégées. En revanche, elle note une «faible densité», une «population plus déséquilibrée et une prédominance des femelles âgées et de males plus jeunes», dans les zones non protégées.

En outre, une enquête réalisée par la chercheuse en interrogeant des Marocains a montré que la plupart possèdent des tortues (61%), principalement des juvéniles (65%).

«La forêt de Maamora abrite l'une des populations les plus denses de tortues terrestres méditerranéennes documentées à ce jour, et sa conservation est essentielle si cette espèce doit être maintenue», plaide la chercheuse. Celle-ci estime, en guise de conclusion, que «l'un des défis reste de changer la perception sociale de la tortue mauresque en tant qu'animal de compagnie et de mettre en évidence sa valeur écologique intrinsèque».

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