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KRANKLE a écrit:
BRIBES
A Dar Al Baïda d'antan, la ligne de bus, reliant Aïn Chok à Derb Omar, en passant par Garage Allal, était électrique. Et électrique était notre joie à la vue du malheureux receveur , qui tentait avec rage ,de remettre les longues aiguilles en métal du bus à leur place, tout en s'excusant auprès des passagers et des passants que les aiguilles ont failli heurter en se décrochant
A Dar Al Baida, nous nous précipitions les nuits d'été, vers minuit de chaque samedi ,en direction de la Route de Médiouna et plus précisément à la hauteur de la station d'essence "Shell" sise juste en face de Derb Sadni , pour voir passer à bord de leurs voitures les feus Bouchaib Al Bidaoui , Al Kadmiri , Oumi Lharnounia , et le Maréchal kibbou, qui venaient juste de nous régaler par les ingrédients savoureuses, de chants et de sketchs durant toute une fantastique soirée artistique diffusée en direct , en noir et blanc et sans coupures depuis le studio de Ain Chok sur la seule chaine de TV qui excellait à l'époque .
A Dar Al Baida des sixties , les quartiers , rues : Sidi Allal El Kerouani , Jamaa Chleuh , Sidi Belyout , le Mellâh , la squala , Bousmara , Onawa , Jrane , Bousbire Lakdime , Botouile et Souk Aawa, étaient des endroits magiques pleins à craquer d'une nuée de savoir et de connaissance sans égale
.
A Dar Al Baida des années folles, les soi-disant insensés et vagabonds qui erraient à travers les ruelles de Derb Chorfa, n'étaient pas des fous à lier. Ils étaient quelque part ,des sages et des penseurs .Je cite parmi eux un certain sourd-muet nommé " Al Aidi Boulklab " un géant , haut de deux mètres avec le teint étrangement brun , vêtu d'une large foukia de couleur vert criard , avec de longues cheveux noirs huilés avec de la brillantine et soigneusement tressés descendants jusqu'à ses hanches . Et l'autre " Aarafa " de petite taille, avec le crâne rasé et le regard glacial , habillé jour et nuit, d'un seul burnous en laine noir , usé par les intempéries.
A Dar Al Baida la côtière, nous avions appris en groupe les ABC de la natation à la fontaine de Ain Chok et aux marécages de Laarissa (L'actuel Hay Al Amal) avant de se perfectionner à Mrizigua, puis aux plages des Ain Diab et Sbaa. Le prix du ticket de la piscine municipal (Mosquée Hassan II) était à l'époque faramineux et hors de portée de nos petites bourses (Argent de poche).
A Dar Al Baida la métropole, le théâtre municipal était énigmatique mais réellement théâtral. Par contre, les cabinets de toilette publiques situés à quelques pas étaient des vilains endroits à éviter surtout par nous les gosses, car ils étaient fréquentés le plus souvent par des ressortissants étrangers malintentionnés , de mœurs légères qui cherchaient à assouvir une certaine vilaine faim .
A suivre de très près…..
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KRANKLE a écrit:
Bribes :
A lire les derniers pages de ce forum consacrées à Derb Assaltane, on a l'impression que les vétérans natifs de ce quartier ont déserté les lieux pour aller s'installer à la planète Mars.
Depuis le 7 janvier, seuls, Mme Charifa 20 et Mr. Bara222, persistent encore et incitent les autres à donner plus d'ampleur et d'animation aux souvenirs ayant rapport aux gens, endroits et événements qui ont marqué ce beau coin de la métropole.
Mr., bara222, Salam mon grand,
Je garde moi aussi et jalousement ma carte d'inscription au Centre Culturel Français sis Bd. Zerktouni des sixties.
" Hé, jeune homme, je suis désolée, mais, vous devez enlever votre manteau avant d'accéder à la grande salle, Je le garderai pour vous et vous le récupérerai à la sortie, je m'excuse, mais c'est le règlement "
C'est ainsi, que j'ai été toujours accueilli lors de ma visite hebdomadaire au C.C.F, les jours d'hiver, et ce de la part, d'une bonne vielle dame française qui dépassait largement les soixantaines et qui se tenait sereine comme un sphinx, derrière un joli bureau, placé juste à droite de l'entrée du centre.
Je m'exécutais sans objection et j'enlevais mon soi-disant manteau avant de lui monter ma carte d'inscription et d'entrer par la suite à la salle où régnait un silence de mort, brisé à intervalles irréguliers, par le bruit des pages de livres inlassablement tournées par des gens de tout âge avides de savoir .
A propos: L'habit que je portais en dessus de ma jaquette de cuir et mon pantalon en jeans (Lee ou Wrangler) et mes souliers larges en daim, n'était point un manteau. C'était une lourde " Djellaba " en laine, de couleur marron tissée au " Manjaj ".
Il était interdit à l'époque aux inscrits voulant accéder à la bibliothèque de porter ce genre de vêtements .les responsables du centre prétendaient que c'était un bon endroit pour camoufler un, deux, voir trois ouvrages non empruntés mais chipés du centre et ils avaient raison. (Tu vois ce que je veux dire Mr. Bara222. Al Faham Yafham )
Ma visite terminée, je récupérais mon (beau manteau), je sortais du centre pour reprendre ma bagnole garée à côté (une bicyclette bleue 650) et emprunter le premier tournant à droite du côté de l'église catholique qui mène en montant vers le palais royal avant de virer vers la Route Médiouna, en évitant biensûr les agents de police de la circulation postés au niveau de garage Allal car j'avais perdu le reçu de mon luxueux moyen de transport .Tu te rapelles , On n'avait pas de police d'assurance pour nos bicyclettes .Un simple reçu d'achat suffisait.
Pour ce qui est des bandes dessinés que nous nous régalions à lire, et à côté de tintin et capitaine swing que tu as cité : il y avait Zembla – Akim- Blec le rock, Tarzan etc….
P-S Je garde tjrs ma carte de transport scolaire en bus portant les lignes 20-6 et 36
cordialement
A suivre de très près
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KRANKLE a écrit:
Bribes sur le chemin de l'école
C'était au temps où Miki, joli Miki et Mina, jolie Mina, ainsi que Miro, étaient des bons amis.
C'était au temps où le père de Mina avait une moto et une pipe.
C'était au temps où, Bichon, le petit âne, voulait aller dans la lune, sans amener avec lui, la pauvre petite chèvre de monsieur Seguin.
C'était au temps où, Souad était à la librairie (Al maktaba) et Youssouf aimait jouer le rôle de son père.
C'était au temps de kitaboun (livre), kouboun (verre) et katoutoun (poussin).
C'était au temps de baba, boubi, baboun et boubi bi babi.
C'était au temps où Ahmed Boukmakh et H. Tranchart nous enseignaient, par l'intermédiaire de nos instituteurs à l'école primaire, le meilleur moyen de bien lire et comprendre les langues arabe et française.
C'était au temps où les tables des classes étaient des pupitres, les pupitres contenaient des encriers et l'encre était bien noire, pour nous permettre, d'écrire lisiblement sur le blanc des pages de nos cahiers avec des plumes en métal.
C'était au temps où l'impératif du verbe lire (ikraä) était le titre et le symbole incontournable, de nos manuels en langue arabe.
C'était au temps où deux plus deux égalait bien quatre.
C'était au temps où le temps était bon temps
C'était au temps où le bon temps était notre temps, nous les écoliers de l'école mixte de koréa.de Casablanca.
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KRANKLE a écrit:
Certes, la belle chanson populaire et typiquement marocaine, laisse toujours entendre que : " A Oulads Haddou, chacun à son propre cheval …..". Cependant nous les petits des années soixante ,on s'imaginait que chacun des Oulads Haddou avait son propre vélo , car , parmi ces gens fiers ,hospitaliers et dignes de respect , ils y avaient certains qui poussent l'hospitalité jusqu'à l'extrême pour se lever tôt chaque matin , se diriger à bicyclette vers Dar Al Baida et se regrouper plus précisément au milieu d'un terrain vague ,situé à quelque pas de la Route de Médiouna , avoisinant le terrain dénommé à l'époque " Al Harte" ( Collège Al Jahid actuellement).
Une fois bien installés, ils déficelaient leurs précieuses cargaisons et débouchaient leurs fameuses chakwas (peaux tannées des ovins confectionnées à la main en forme de récipients), pour mettre à la disposition de la foule des consommateurs qui les attendaient avec impatience, une multitude variée de lait, de petit lait, de beurre Al baldia (dans des bols en argile), des œufs et de Krinbouche.
Ces valeureux banlieusards n'étaient en aucune manière des mercantiles voraces, car les prix de leurs savoureuses denrées alimentaires étaient dérisoires. Ils cherchaient, à mon avis, la chaleur du contact quotidien avec leurs concitoyens et rien de plus.
La saveur différait d'une bicyclette à l'autre, mais la bonne et pure qualité était la seule condition et unique marque déposée, à tel point que, les jours du printemps, on pouvait sentir, en buvant leur petit lait, le goût de cette fleur des champs qu'on appelait communément " kalkaze ".
Les jours d'été, les vendeurs des figues de barbarie (Lhendi ou Karmousse nsara) envahissaient avec tumulte la même place et dérangeaient dans une certaine mesure nos laitiers, qui préféraient garder toujours une distance, les séparant d'eux, pour éviter les vilaines et fines épines qui tournoyaient en l'air et ne choisissaient que nos pupilles pour s'y refugier. Celles, collées à nos mains, on pouvait les déraciner avec un Mangach., et pourtant nous aidions volontiers ,les femmes à nettoyer les figues avec un petit balai en osier, moyennant un Rial ou deux , mais la plus part du temps sans rien recevoir en échange ,car on était peu nombreux à Derb Assaltane, on se connaissait bien les uns et les autres, même si on n'habitait pas le même quartier ." Allah yardi älik ya ould flane (ou) ya ould flana", nous suffisait largement et on en était fiers.
Qu'il s'agissait des vendeurs des dérivants de lait ou des figues de barbarie, la bonne entente y régnait, l'indulgence était monnaie courante, la camaraderie était de mise et TABIDAOUITE était omniprésente.
Le chien sait et saura toujours lire.
Esperantos va et ira toujours au marché et non à Marjane ou ailleurs
La 700 restera la plus rapide et gagnera un jour ,le tour de France, voir même le tour du monde et son conducteur sera médaillé en or sous l'ovation des millions de spectateurs/lecteurs qui fredonneront éternellement " Gafnouho alama al ghazal
cordialement
A suivre de très près.
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KRANKLE a écrit:
Bribes de notre guerre à nous:
Notre guerre à nous, ne ressemblait point, à celle des boutons de Louis Pergaud, ni à l'autre qualifiée de feu de J-H Rosny.
Nous n'avions pas besoin de reconquérir la flamme pour rallumer le feu à l'effet de cuire la viande de nos gibiers et nous n'avions jamais perdus nos agrafes même après certaines défaites.
Notre guerre à nous, n'était pas des étoiles et n'avait rien à voir avec la guerre de cent ans et ses terribles batailles.
S'ils étaient de notre époque, le général Robert E Lee et son éternel rival du même grade Ulysses S Grant, auraient été des apprentis de guerre, devant l'ampleur de Notre guerre à nous. Et Geronimo, l'apache, aurait apprécié nos stratégies et nos manœuvres.
Nous avions tous le même grade et durant Notre guerre à nous, ils n'y avaient pas de dégâts matériels ni pertes humaines.
Nous livrions des batailles acharnées, rangées, parfois de corps à corps, le dimanche matin pour récupérer une parcelle de terrain conquise le samedi après-midi par le camp hostile.
Nos présumés ennemis avaient le même âge et des motivations similaires.
Derb Sadni était notre état major et notre refuge en cas de retraite.
Le passage souterrain "AL Karroumia " était le lieu emprunté (le plus sûr) pour accéder silencieusement et par petits groupes, aux marécages de " Lalla Maäyza" (Hay Al Amal actuellement).
" Lalla Maäyza" : (des parcelles de champs cultivées par des ouvriers à la solde de Ben Msik où poussaient, la coriandre, le persil, les radis, les choux, les choux-fleurs et les artichauts), était le champ de bataille de Notre guerre à nous, nous les petits morveux des années soixante
Elle fût l'objet du conflit qui nous opposait avec Eux, eux les petits morveux des années soixante de Derb Al Kabir. " Lalla Maäyza" fût le grand étang où nous péchions sans souci, ni péchés, les petits poissons rouges d'eau douce, les grenouilles et les têtards. Elle était à nos yeux les jardins d'Eden et de même pour beaucoup d'oiseaux sédentaires et migrateurs. Elle fût, mieux encore, l'endroit de plusieurs petits terrains (Rouguiyate) pour exercer le sport (footing et football).
Aucun réalisateur marocain, n'a daigné jusqu'à présent, porter sur le grand écran Notre guerre à nous et pourtant elle était grandiose, joyeuse et pleine de clichés communs et mémorables.
Les jets de pierres à la main, les frondes et les minuscules gourdins, étaient les seules armes utilisées et autorisées par la communauté Derbsaltaniste de l'époque.
Ceux qui se sont baignés à " Lalla Maäyza" (ils sont nombreux), gardent toujours à la bouche, j'en suis sûr, ce goût nostalgique des algues douces de l'étang de " Lalla Maäyza" et cette senteur dégagée de la terre chaude soudainement trempée par les premiers averses bienfaisantes de l'automne.
A suivre de très près.
Cordialement.