Jeune Afrique - 26 août 2007 - par FOUAD LAROUI Vous vous souvenez sans doute du film La Vie de Bryan, tourné en 1979 par la bande anarcho-comique anglaise des Monthy Python. Il s’agissait de l’histoire d’un certain Bryan, qui avait eu l’infortune de naître le même jour que Jésus, mais dans l’étable voisine. Du coup, sa vie est une suite de malentendus rigolos et de mésaventures aussi cocasses qu’invraisemblables. On le prend pour le Messie, ce qui l’ennuie profondément parce qu’il n’aspire qu’à une vie tranquille et surtout pas à l’existence mouvementée d’un envoyé de Dieu.
Cliquez ici Il a beau répéter sur tous les tons « Je ne suis pas le Messie », ses adorateurs répondent « Mais si, mais si ! »
Notons que Jésus lui-même n’apparaît que deux fois dans La Vie de Bryan : une première fois comme bébé dans l’étable, avec un petit halo très mignon autour de la tête, et une deuxième fois, vu de loin, alors qu’il délivre le « Sermon sur la montagne ». Les spectateurs du dernier rang se plaignent de ne pas entendre ses paroles. « Comment, qu’est-ce qu’il dit ? Heureux les doux, les roux, les rou-dou-dous ? » Ce n’est pas très sophistiqué, ni très méchant. Le film fut condamné par plusieurs pontes de l’establishment religieux, mais cela ne l’empêcha pas d’être diffusé et de connaître un grand succès populaire.
Eh bien, figurez-vous qu’un réalisateur hollandais veut faire un remake de La Vie de Bryan. Mais, comme la satire antichrétienne est devenue tellement banale qu’elle n’attire plus les foules, il veut faire une satire basée sur la vie du prophète Mohammed. Disons, une sorte de « La Vie de Rachid », ou « La Vie de Bouazza ». Mais comment faire une parodie délirante de la vie de Mohammed ? C’est là que notre ami des polders a un problème. En effet, il faut deux choses pour écrire le scénario de « La Vie de Rachid » : a) de solides connaissances de la Sira, la biographie du Prophète et b) un grand sens de l’humour. Deux choses qui lui manquent cruellement.
- Qu’à cela ne tienne, se dit-il in petto, il y a plein de Marocains rigolos aux Pays-Bas, c’est bien le diable (!) si l’un d’eux ne combinait pas ces deux qualités.
Et de se mettre à la recherche de l’oiseau rare. Or ce volatile se révéla rapidement plus rare encore qu’il ne croyait, au point qu’on pourrait l’inscrire sur la liste des espèces ornithologiques disparues, comme le dodo ou le pic impérial. Soit il trouvait quelqu’un qui connaissait la Sira mais qui avait si peu le sens de l’humour qu’il chassait le cinéaste à coups de balai en criant vade retro Satanas ! Soit il trouvait des p’tits gars très marrants, des « deuxième-génération » très drôles, mais qui ne savaient rien de la vie du Prophète, sinon qu’il était né à Cordoue et avait longtemps vécu à Ankara. Difficile de parodier ce qu’on ignore.
Alors, on en est là. Le projet existe mais il est au point mort. Si, parmi vous, amis lecteurs, il se trouve un aspirant scénariste assez casse-cou pour souhaiter donner un coup de main au réalisateur, qu’il se manifeste rapidement. Mais qu’il ou elle sache d’avance que sa vie en sera bouleversée. Il lui faudra désormais vivre dans la clandestinité et ne jamais dormir deux nuits dans le même lit. Car si La Vie de Bryan nous avait beaucoup fait rire, on a quand même peu remarqué que ce film était sorti en 1979, l’année même où l’ayatollah Khomeiny s’installait à Téhéran. Depuis, hélas, on ne badine pas avec l’histoire sacrée…
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