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Pakistan : "Nous n'étions pas heureux avec les mollahs"
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22 février 2008 10:03
Des tirs de joie, des chants et des danses ont accueilli à Peshawar la déroute des partis religieux qui gouvernaient sans partage cette province frontalière de l'Afghanistan depuis 2002. De 69 sièges à l'Assemblée provinciale, les partis religieux sont passés à 9, illustrant le rejet de l'extrémisme par une population intéressée avant tout par la paix et le développement.

"Leur faute principale est d'avoir fait des fausses promesses. Quand ils sont arrivés, ils nous ont annoncé le paradis, mais ils n'ont rien fait. Ils ont échoué, et leurs promesses n'étaient que du vent", affirme dans le village de Badabher, à une dizaine de kilomètres de Peshawar, la capitale provinciale, Mohammad Akram Khan, un ancien soldat.

la suite: [www.lemonde.fr]
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22 février 2008 10:04
Le village est poussiéreux et, signe du taux élevé de chômage dans la région, des dizaines de jeunes gens désoeuvrés s'assemblent pour prendre part à la conversation. Assis sur un charpoï (traditionnel lit de bois dont la couche est faite de cordes tressées) avec ses compagnons, Mohammad Akram affirme qu'il a voté pour le PPP (Parti du peuple pakistanais) de l'ex-premier ministre Benazir Bhutto, assassinée le 27 décembre 2007. Reprenant l'un des slogans du parti, il affirme : "Nous voulons du pain, une maison et des vêtements."

Journalier dans les fermes environnantes, Awal Khan, qui avait voté en 2002 pour les religieux, "ne (s'est) pas cette fois fait avoir". "Je viens d'un village où il y a vingt à trente maisons, dit-il. Nous n'avons pas l'électricité, les moustiques piquent nos enfants, et personne n'a fait attention à nous en cinq ans."

Près de Charsadda, gros bourg frappé ces derniers mois par trois attentats-suicides, le manque de sécurité est le principal reproche fait aux religieux. "Nous avions si peur que nous évitions tout groupe de dix à quinze personnes", avoue Habib Rasul, qui tourne et retourne dans sa main un marteau flambant neuf qu'il vient d'acheter. "Depuis dix jours je pensais à acheter ce marteau mais je n'osais pas aller à Peshawar de peur des explosions. Finalement ce matin j'y suis allé et je suis très content", dit-il sur le chantier de la scierie où il travaille.

"Les gens n'étaient pas heureux avec les mollahs. Nous avons voté PPP parce que le candidat a promis la paix et la sécurité", affirme devant son four fumant où il fait cuire le pain du village Mohammad Omar Safi, qui avoue avoir "une douzaine d'enfants". "Les mollahs ne pouvaient pas stopper la violence car ils étaient ceux qui manipulaient les jeunes", dit-il. L'espoir d'un changement est dans tous les esprits et les attentes sont nombreuses.

"Grâce à ces élections, la région a retrouvé sa structure politique traditionnelle avec l'ANP (Parti national awami, nationaliste pachtoune) et le PPP en passe de former le gouvernement", affirme Riaz Khan, un analyste. "C'est une bonne chose que les religieux aient pu achever la législature car maintenant les gens savent qu'ils sont incapables de résoudre leurs problèmes. Après cinq ans, la population est convaincue qu'il faut séparer la mosquée du politique", poursuit-il.

Dans un contexte d'intervention des troupes américaines en Afghanistan fin 2001, le succès des religieux en 2002 était aussi principalement dû au patronage des services pakistanais, la principale préoccupation du général Pervez Musharraf étant alors d'écarter de la scène politique le PPP et la PML-N (la Ligue musulmane du Pakistan), de l'ancien premier ministre Nawaz Sharif. "Les élections dans la province frontalière du Nord-Ouest démontrent ce que les électeurs disent aux partis religieux et à l'extrémisme quand leur volonté n'est pas subvertie par une élection truquée", écrivait mercredi l'éditorialiste du quotidien anglophone Dawn.
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22 février 2008 10:05
La défaite des religieux pourrait contribuer à freiner la "talibanisation" de la région tant la politique ambiguë du Muttahida majlis-e-amal (MMA, coalition des partis religieux qui gouvernait à Peshawar) vis-à-vis des militants extrémistes islamistes a contribué à exacerber leur influence. "La police n'osait pas se montrer stricte si un religieux était impliqué, affirme Riaz Khan. Maintenant, c'est de la responsabilité du gouvernement de donner des ordres clairs pour le respect de la loi et l'ordre au lieu de laisser la société à la merci des militants islamistes." La police se déclarait, par exemple, impuissante devant les destructions de magasins de vidéos ou de musique contraignant les victimes à céder aux talibans.

Le rejet des partis religieux ne signifie pas pour autant l'acceptation d'une guerre à outrance, en particulier avec une présence américaine, contre les insurgés. "L'ANP n'acceptera jamais que des forces américaines opèrent ici", affirme Afrasiab Khattak, l'un de ses dirigeants. "Nous ne pensons pas que la guerre soit la solution. Nous ne voulons pas d'étrangers sur notre terre et cela inclut aussi les Arabes", dit-il en référence aux fidèles d'Al-Qaida qui sont réfugiés dans les zones tribales.

"Nous ne sommes pas opposés aux opérations militaires pakistanaises si elles sont précises. Mais, maintenant, elles tuent plus de civils que de combattants et l'armée s'attaque aux madrasas (écoles coraniques). Vous ne pouvez pas confondre les étudiants des madrasas avec les militants islamistes", affirme, à Badabher, Mohammad Salman, un étudiant. "La présence militaire contribue au soutien" dont bénéficient les islamistes, affirme Riaz Khan. "Les soldats, majoritairement originaires de la province du Pendjab, ne connaissent pas les traditions, la culture, précise-t-il. Leur comportement pousse la population du côté des militants" islamistes.

"Nous devons dire aux gens qui les soutiennent dans l'administration que le succès (des islamistes) commence là où l'Etat échoue", affirme M. Khattak, qui plaide pour une refonte de la politique étrangère pakistanaise. "Nous devons nous défaire de notre habitude à jouer les Etats de ligne de front", dit-il.
Françoise Chipaux
 
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