Les explications de Pierre Salignon, directeur général de MSF. "C'est la première fois que nous sommes amenés à prendre ce genre de décision. Cela peut paraître complètement à contre-courant de l'atmosphère de mobilisation générale mais c'est une question d'honnêteté vis-à-vis de nos donateurs."
» MÉDECINS SANS FRONTIÈRES A REÇU ÉNORMÉMENT DE DONS. QUE PENSES-TU DE CET ÉLAN DE GÉNÉROSITÉ ?
C'est un élan de solidarité exceptionnel, à l'instar de l'ampleur de la catastrophe et de l'émotion qu'elle a suscitée à travers le monde. En France, comme dans l'ensemble des sections MSF à l'étranger, nous constatons une mobilisation du public sans précédent. Huit jours après la catastrophe, nous avons déjà collecté plus de 4 millions d'euros, pour la seule section française de MSF. A titre d'exemple, l'année dernière à la même époque, pour le tremblement de terre à Bam, en Iran, nous avions recueilli 600 000 euros en 15 jours, ce qui avait déjà paru une somme très importante. Autre exemple, cet été, lorsque nous avons lancé un appel à la générosité publique en faveur des populations du Darfour, nous avons, en deux mois, réuni auprès de nos donateurs privés un peu plus de 650 000 euros pour contribuer à couvrir ce qui a représenté l'une des plus grosses opérations de secours jamais menées par MSF. Aujourd'hui, nous sommes donc réellement face à des volumes de fonds collectés jamais atteints en un temps si court.
» COMMENT ALLEZ-VOUS CONCRÈTEMENT UTILISER CES FONDS SUR LE TERRAIN ?
Si nous avons bien sûr commencé à travailler deux jours après la catastrophe, nous sommes toujours en phase d'évaluation des besoins des populations dans de nombreux endroits. Notre travail est d'autant plus difficile que les routes sont détruites et les populations survivantes éparpillées dans des zones très isolées. Il faut dire que, dans les différentes régions affectées, les tout premiers secours ont d'abord été apportés par les autorités et les réseaux de solidarité locaux et qu'aujourd'hui un grand nombre d'acteurs de l'aide sont présents sur le terrain.
Après avoir conduit plusieurs explorations et apporté un appui ponctuel notamment en Thaïlande, nous avons décidé de concentrer essentiellement nos secours sur les côtes Est et Sud du Sri Lanka et la région de Banda Aceh au Nord de l'Indonésie, deux zones où les populations ont été particulièrement affectées (pour en savoir plus sur nos opérations, [www.msf.fr] ).
» PENSEZ-VOUS QUE VOUS AUREZ LES MOYENS NÉCESSAIRES POUR COUVRIR LES BESOINS QUE VOUS AVEZ IDENTIFIÉS ?
A ce jour, nous estimons même que nous avons déjà reçu plus de fonds que nous ne pouvons en utiliser pour nos opérations dans les différentes régions affectées. Avec l'argent que nous avons collecté au niveau international (MSF est un mouvement qui compte dix huit sections qui toutes collectent à travers le monde), nous pouvons assurer des secours d'urgence et envisager de nous engager à moyen terme auprès des populations les plus affectées que nous avons identifiées. C'est pourquoi nous avons décidé de suspendre nos appels à la générosité du public pour cette catastrophe. C'est la première fois que nous sommes amenés à prendre ce genre de décision. Cela peut paraître complètement à contre-courant de l'atmosphère de mobilisation générale mais c'est une question d'honnêteté vis-à-vis de nos donateurs : nous ne voulons pas continuer à solliciter le public pour des opérations qui sont déjà financées.
En revanche, nous avons toujours besoin de fonds pour l'ensemble de nos autres programmes. Nous continuons de travailler notamment auprès des malades victimes des grandes pandémies, comme le sida et la tuberculose, et auprès des populations victimes de conflits oubliés comme celui qui continue de faire rage dans le nord de la République Démocratique du Congo ou qui ont quitté la Une de l'actualité comme au Darfour (Soudan). Loin de vouloir briser l'élan de solidarité à destination de l'Asie, notre but, en tant qu'organisation d'aide médicale d'urgence, est d'encourager nos donateurs à soutenir plus généralement l'ensemble de nos actions.