La société Walt Disney bloque la distribution du dernier film de Michael Moore, Fahrenheit 9/11, par sa filiale Miramax. Mais le documentaire connaîtra sa première mondiale comme prévu au 57e festival de Cannes, où il est en compétition. Fahrenheit 9/11 est présenté par son auteur comme un film critique envers George Bush, ses actions avant et après le 11 septembre 2001, les liens financiers des Bush avec de riches Saoudiens, dont la famille d'Oussama Ben Laden.
Le film aborde l'évacuation discrète de membres de la famille du terroriste vivants aux Etats-Unis, au lendemain des attentats du 11 septembre, et contient des commentaires de soldats américains déployés en Irak et désenchantés. L'allusion au livre de Ray Bradbury, Fahrenheit 451, filmé par François Truffaut, semble indiquer que "9/11" est la température à laquelle la liberté brûle.
Miramax a entièrement financé ce documentaire au budget de 6 millions de dollars. Matthew Hiltzik, porte-parole de la société, a affirmé mercredi 5 mai au Monde que le film sera, de toute façon, distribué sur le territoire américain, précisant que maison mère et filiale cherchent une résolution amiable.
La compagnie Walt Disney, qui a acquis la société des frères Bob et Harvey Weinstein en 1995, a un droit de regard et de blocage des films de Miramax susceptibles de nuire aux intérêts du groupe. Cette clause contractuelle vise les dépassements de budget et les sujets risquant une interdiction aux mineurs, ce qui n'est pas le cas de Fahrenheit 9/11. Miramax a déjà dû renoncer à distribuer des films afin de ne pas nuire à Disney.
Selon le New York Times, Michael Eisner, PDG du groupe Disney, aurait demandé à l'agent de Michael Moore, Ari Emanuel, de ne pas distribuer le film au sein du groupe. Il craindrait que ce film anti-Bush ne compromette les réductions d'impôts accordées aux parcs d'attractions et hôtels du groupe en Floride, l'Etat dont le frère du président, Jeb Bush, est gouverneur.
Les responsables de Disney confirment leur opposition à une distribution maison, mais ils nient ces motivations politico-financières. Il semble évident que le groupe ne veut pas risquer d'aliéner une partie de son public avec un film négatif sur un candidat à l'élection présidentielle de novembre, au beau milieu de la campagne électorale.
"GRAVE CENSURE"
La décision pourrait être coûteuse pour Miramax et Disney, dont les rapports sont déjà houleux. Les produits de Michael Moore sont lucratifs : Bowling for Columbine a coûté 3 millions de dollars et rapporté 120 millions de dollars, avec le DVD. Ses livres contre l'administration Bush, Stupid White Men et Dude, Where is My Country ?, sont des best-sellers.
"J'espérais que, désormais, je pouvais diffuser mon travail sans me heurter aux obstacles de grave censure que je rencontre souvent...", écrit l'auteur polémique sur son site web. Il promet à ses compatriotes qu'ils verront le film cet été "car, après tout, nous sommes dans un pays libre".
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