Recyclage des vêtements Un manque à gagner de 550 000 € pour la Croix-Rouge
VOUS AVEZ sûrement aperçu sur un parking de supermarché ou au coin d'une rue un gros conteneur blanc frappé d'une croix rouge. En tout, 2 000 caissons disséminés en France pour récupérer vos vieux vêtements destinés aux nécessiteux. Selon nos informations, la prestigieuse organisation a décidé de faire enlever 25 boxes et à terme de supprimer tous les logos Croix-Rouge sur les boxes restant. Pourquoi ce revirement ? Explications. Contrairement à ce que croient les donateurs de vêtements, 90 % de ces habits ne sont pas offerts aux pauvres mais sont revendus dans les fripes, les marchés d'Ile-de-France, les pays africains, par la société Eurocollecte, chargée de recycler une partie des 20 000 t de vêtements récupérés chaque année. Or, Eurocollecte ne verse plus un centime d'euro depuis six mois à la Croix-Rouge. Selon une enquête interne, la dette s'élève à 550 000 € que les dirigeants d'Eurocollecte doivent apurer d'ici... à 2006. Ce que confirme Béatrice Abollivier, secrétaire générale de l'organisation, qui a tapé du poing sur la table et envisage sérieusement l'arrêt des boxes (voir ci-contre) . Mensonge par omission La colère monte depuis l'automne dernier dans les délégations départementales de l'organisation suisse. « Tout ce système de récupération repose sur un mensonge par omission, affirme un responsable d'Ile-de-France, rien n'indique sur les boxes que les vêtements partent en réalité sur les étals des marchés de banlieue, au Bénin ou en Roumanie. Les plaquettes de promotion "Le box, un nouveau réflexe pour nous aider", illustrées de photos de SDF, et disponibles dans les délégations, sont un modèle d'ambiguïté. Le pire, c'est que plus les vêtements donnés sont de bonne qualité plus ils seront revendus en priorité aux fripiers. » Le ton est monté d'un cran à la mi-novembre quand les délégués d'Eurocollecte sont venus durcir leurs exigences dans les vestiaires (locaux de la Croix-Rouge, chargés de récupérer aussi les habits). « Un commercial de cette société est venu m'expliquer que dorénavant ils emportaient 90 % des habits d'aspect neuf et qu'ils nous laissaient ceux trop usagés, à eux les polos Lacoste, à nous les chemises trouées, dénonce un autre responsable de vestiaire. » Preuve à l'appui, ce retraité bénévole exhibe une circulaire « Qualité vestiaire » d'Eurocollecte récapitulant toutes les exigences. Contactés par notre journal, les dirigeants de la société ont laissé à leur représentant d'Ile-de-France le soin de s'expliquer. Embarrassé, celui-ci reconnaît des « difficultés de trésorerie » et livre une explication étonnante. « Peut-être faut-il être plus clair auprès des donateurs et expliquer le recyclage des habits. En France, il n'y a pas assez de pauvres pour porter autant de vêtements. » Un message qui fera chaud au coeur de l'abbé Pierre.
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