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Grand Angle

La peur de l’insécurité peut conduire les Africains à réclamer moins de liberté

D’après une étude menée par le réseau de recherche panafricain, Afrobaromètre, les citoyens du continent observent une réduction de l’espace civique et politique et se montrent moins demandeurs, en particulier à l’égard du droit de s’associer librement.

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Des étudiants lors d’une manifestation devant le Parlement sud-africain, au Cap. / Ph. Le Figaro
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«Les libertés des Africains sont-elles en train de s’effriter ?», interroge dans un récent rapport au titre éponyme le réseau de recherche panafricain Afrobaromètre, qui réalise des enquêtes d’opinion publique sur la démocratie, la gouvernance, les conditions économiques, et d’autres questions connexes dans les pays d’Afrique.

Ce rapport prend le pouls de la demande populaire et de l’offre gouvernementale sur le front des droits et libertés individuels fondamentaux, telle qu’elle ressort des enquêtes Afrobaromètre du Round 7, lors duquel 45 823 entretiens ont été menés dans 34 pays africains entre septembre 2016 et septembre 2018. Il étudie également la manière dont les comportements, expériences et perceptions ont évolué au cours de la dernière décennie.

Globalement, les citoyens du continent observent une réduction de l’espace civique et politique, corollaire du repli de l’offre proposée par le gouvernement, et se montrent également moins demandeurs, en particulier à l’égard du droit de s’associer librement. C’est ce qu’indiquent en ouverture du rapport les auteurs, Carolyn Logan, professeure agrégée au Département de sciences politiques à la Michigan State University (MSU), et Peter Penar, doctorant au même département.

Pour autant, le soutien à la liberté fondamentale d’association reste fort, avec 62% à travers 34 pays. Afrobaromère souligne toutefois que le soutien à la liberté d’association a connu «des baisses modestes mais constantes» : à travers 20 pays, le soutien a chuté de 5 points de pourcentage au cours de la dernière décennie, passant de 66% à 61%. De plus, au regard du contexte de violences civiles qui caractérise certains pays africains, Afrobaromètre note que «la peur de l’insécurité, de l’instabilité, et/ou de la violence peut amener les citoyens d’au moins certains pays africains à conclure que les libertés ont un coût ainsi que des avantages, et qu’il peut y avoir trop de liberté».

Deux tiers des Africains se disent libres de dire ce qu’ils pensent

Ainsi, sur la volonté de troquer liberté contre sécurité, une faible majorité des répondants (53%) défendent le droit aux communications privées, tandis que 43% sont prêts à accepter une surveillance gouvernementale dans l’intérêt de la sécurité. La liberté de circulation sans restriction fait l’objet d’un soutien beaucoup moins prononcé, à hauteur de 35% seulement, contre 62% des sondés qui se disent prêts à accepter les couvre-feux, les barrages routiers et d’autres restrictions dans l’intérêt d’une plus grande sécurité.

En termes de liberté d’expression, deux tiers (67%) des Africains se disent «assez» ou «entièrement» libres de dire ce qu’ils pensent. Un taux certes élevé, mais qui accuse une baisse de 7 points de pourcentage à travers 31 pays suivis depuis 2011/2013. «Presque tous les pays enregistrent des baisses, dont beaucoup sont importantes», souligne le rapport. Quant au discours politique, une majorité similaire (68%) disent que les gens doivent «souvent» ou «toujours» faire attention à ce qu’ils disent sur la politique ; à travers 20 pays, cette proportion a augmenté de 9 points de pourcentage au cours de la dernière décennie. Des proportions semblables indiquent que les gens doivent faire attention aux organisations auxquelles ils adhèrent (63%) et à la façon dont ils votent (68%).

Un peu plus d’un tiers des Marocains approuve le droit du gouvernement de contrôler les communications

Au Maroc, entre 2008 et 2018, le soutien à la liberté d’adhérer à toute organisation a perdu 5 points de pourcentage. Dans ce sens, 57% des répondants marocains estiment qu’ils doivent «souvent» ou «toujours» faire preuve de prudence lorsqu’ils se joignent à des organisations politiques.

Le Maroc enregistre une perte de 10 points de pourcentage dans «les changements dans la liberté d’expression perçue au fil du temps». Un chiffre qui contraste avec le taux de 62% des répondants se disant «assez libre» ou «entièrement libre» d’exprimer leurs opinions. De plus, 55% des répondants estiment qu’ils doivent «souvent» ou «toujours» faire attention quand ils parlent de politique, tandis qu’une majorité similaire (56%) répondent qu’ils doivent «souvent» ou «toujours» faire attention à leur vote pendant les élections. 

Enfin, 54% soutiennent le droit de communiquer en privé, tandis que 33% approuvent le droit du gouvernement de contrôler les communications. En outre, 36% se disent pour la pleine liberté de mouvement et 45% soutiennent le droit du gouvernement à imposer des couvre-feux. Sur le volet religieux, 42% défendent la liberté totale de religion, contre 41% appuyant le droit du gouvernement de réglementer le discours religieux.

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