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Histoire : Quand la population ouest-algérienne prêtait allégeance à un sultan marocain

Au déclin de l’empire ottoman et après l’occupation d’Alger par la France, des tribus ont demandé protection au sultan Moulay Abderrahmane (1822 – 1859). Menés par les forces impérialistes, les conflits vont finir par embraser la région.

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Le sultan Moulay Abderrahmane, par Eugène Delacroix (1845)
Temps de lecture: 3'

En 1920, la Trésorerie générale du Protectorat au Maroc a acquis un nombre considérable de correspondances diplomatiques et officielles. L’ouvrage «Le gouvernement marocain et l’occupation de l’Algérie» indique que ces lettres ont été émises par le sultan Moulay Abderrahmane ben Hicham (1822 – 1859). Celui-ci est particulièrement connu pour avoir géré les bouleversements qu’a connu la frontière maroco-algérienne en 1859.

Dans ce sens, le sultan a envoyé des lettres confidentielles à son cousin Moulay Ali à Tlemcen, ou à ses différents assistants entre cette ville-là et Taza. Ces échanges montrent comment Moulay Abderrahmane gérait ses rapports avec l’empire ottoman en Algérie, ainsi que sa position sur l’occupation d’Alger et d’Oran par la France, ou encore son intervention dans le pays voisin.

Le recours de la population au sultan de Fès

Après l’invasion française à Alger et le départ des ottomans, les populations des autres villes algériennes se sont senties de moins en moins en sécurité. Les prémices des tensions d’antan sont réapparues, annonçant une éventuelle guerre civile. Pour faire face à cette situation, nombre de tribus de l’Ouest algérien ont demandé protection au pouvoir central de Fès, tandis que l’Est a été mis sous l’aile du Bey de Constantine. Dans le centre, les populations ont été protégées par des chefs locaux.

Ennemie historique des Turcs, la population de Tlemcen s’est empressée de demander protection à Moulay Abderrahmane. D’autres tribus s’y sont rejoints et le sultan a répondu à leur requête. A cet effet, il a demandé à son cousin Moulay Ali de s’installer dans la ville algérienne. Mais avant cela, il a demandé Idriss Behommane El Jirari d’effectuer une médiation entre Moulay Ali et les tribus.

Ainsi, le sultan a fait part de cette allégeance aux tribus alentours, dans une correspondance :

«Présentées par les notables de Tlemcen, des tribus ont unanimement exprimé leur désir d’obéir au sultan, ce qui a été accepté par ce dernier, par prévention contre toutes les divisions causées par les mécréants, ainsi que pour leur éviter toute déstabilisation dont vous êtes responsables.»

Après quoi, Moulay Ali a été accueilli à Tlemcen comme un roi. Tous les notables et les chefs de tribus de la région sont venus à sa rencontre.

La confrontation avec les ottomans

Lorsque les Turcs d’Alger ont été chassés par la France, Oran est restée encore sous la tutelle des ottomans. Le sultan a adressé une correspondance à Moulay Ali, pour que ce dernier s’adresse au Bey de la ville :

«Le sultan a accueilli positivement la demande d’allégeance spontanée des populations de Tlemcen et des villages alentours. Le but est de leur éviter de s’entretuer entre frères. Quant à l’exercice de votre pouvoir au nom du sultan ottoman, vous n’avez plus aucune légitimité pour le revendiquer. Vous êtes les branches de l’arbre qu’incarnait le Pacha. Puisque ce sont désormais des racines mortes, vous n’êtes plus de ce monde.»

Le Bey d’Oran était un homme âgé, souffrant et sans enfants. C’est probablement pour toutes ces raisons que l’occupation française en Algérie n’a pas entrepris de démarches pour le destituer ou avoir une tutelle sur son pouvoir. Par ailleurs, les habitants ne s’attendaient plus à rien de sa part, ce qui les a poussés à demander la protection du sultan marocain.

Plus tard, les tribus de la ville de Mascara iront également vers Moulay Abderrahmane pour lui prêter allégeance et demander sa protection, de peur de subir le même sort que les habitants ayant dû affronter l’armée française. Cependant et lorsque celle-ci s’est installée à Oran, la situation s’est déstabilisée. Les habitants ont été gagnés par un sentiment d’échec qui a broyé leur enthousiasme et leur solidarité.

La chute de Tlemcen

Lorsque la nouvelle est parvenue à Moulay Abderrahmane, celui-ci a demandé à Moulay Ali d’inviter les hommes forts de chaque tribu, leur donnant le discours suivant :

«Si vous vous tenez aux règles d’allégeance et que vous menez le djihad au nom de dieu, en vous y investissant corps et âme pour défendre votre dignité et celle de vos enfants, nous sommes tous avec vous et vous soutenons. Mais si vous ne vous battez pas au nom de dieu et que vous acceptez d’être sous la tutelle de mécréants, la responsabilité n’incombe qu’à vous.»

Malgré ce discours à travers lequel Moulay Abderrahmane a essayé de motiver les populations, la situation ne se s’est pas améliorée. Son cousin lui a fait part de l’éventualité d’abandonner Tlemcen aux mains des Français, ce que le sultan a refusé dans un premier temps. Pour lui, la chute de Tlemcen doit être un recours ultime. Ce scénario n’a pas tardé à se réaliser, lorsque l’armée colonialiste a envahi entièrement la ville en 1842.

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