A partir de demain, vendredi 15 mars, le roi Mohamed VI entame une visite officielle dans trois différents pays africains : le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Gabon, rapporte la MAP.
Première visite du Roi Mohamed VI en Côte d’Ivoire
«Après le passage, la semaine dernière, d’une mission de la Banque islamique de Développement (…), la capitale économique ivoirienne s’apprête à accueillir le président du Liban, Michel Sleiman, du jeudi 14 au samedi 16 mars 2013. (…) Après le Moyen et le proche orient, place au Maghreb. Car cette fois-ci, ce sont des pavillons du Royaume chérifien qui flotteront dans les airs d’Abidjan», écrit ce jeudi 14 mars le site d’information ivoirien Abidjan.net. Le souverain sera en Côte d’Ivoire à partir du lundi 18 mars, précise le site citant une source diplomatique ivoirienne. C’est la première fois que le roi Mohamed VI se rendra en Côte d’Ivoire. Les années passées, il a toujours été représenté par le chef du gouvernement. Il sera également accompagné d’une délégation d’hommes d’affaires marocains dans les domaines de la banque ou du BTP pour signer des accords de coopération et des contrats.
Des milliers de MRE de Côte d’Ivoire émus
La communauté marocaine basée en Côte d’Ivoire se réjouit de cette visite royale. Estimée entre 1300-2500, la communauté marocaine est concentrée principalement dans la capitale. Deux Marocains vivant en Côte d’Ivoire ont accepté de nous dire ce que cette rencontre représentait pour eux.
«Cette arrivée est un évènement fort en émotions pour notre communauté. L’arrivée de notre Roi, est un souffle nouveau, une bouffée d’air frais, une émotion forte qui nous rapprochera plus que jamais, au pays que nous aimons tant», lâche Rania Ouazzani, étudiante de 21 ans en Marketing à Abidjan. « Le souverain a été d’un grand soutient pour nous, c’est d’ailleurs grâce à son intervention que ma famille et toutes les autres, ont pu être rapatriés d’urgence au plus fort de la crise ivoirienne.», poursuit-elle faisant référence aux avions de l’armée marocaine ayant permis le rapatriement de Marocains en 2011 lors du conflit armé ivoirien. Mehdi Alami, 28 ans contrôleur de gestion dans une société libanaise est également enthousiaste de cette visite. Il garde néanmoins les pieds sur terre. «Je vois cette visite comme une visite d’affaire afin de signer des contrats et accords de partenariats. Elle permettra aussi de renforcer les liens entre les deux pays. Il vaut mieux avoir plus d’alliés que d’ennemis», s’exclame-t-il.
Rania et Mehdi ont deux parcours différents mais ont un point commun : ils sont nés tous les deux en terre ivoirienne. Alors que des milliers de pères de famille avaient décidé d’immigrer vers les pays européens, pour tenter de trouver du travail dans les années 60, leur père ont fait le chemin inverse et se sont tournés vers l’Afrique. Le père de Rania a commencé comme commerçant et celui de Mehdi a travaillé dans une usine de textile. Puis après s’être installés en Côte d’Ivoire, ils sont repartis au Maroc pour se marier et sont revenus en Côte d’Ivoire avec leur épouse. Le père de Rania travaille toujours aujourd’hui. Quant à celui de Mehdi, il est retourné au Maroc avec sa mère, pour passer une retraite paisible dans la région d’Agadir. Alors que Rania n’a que la nationalité marocaine, Mehdi lui, possède les deux nationalités marocaine et ivoirienne. «J’ai parfois l’impression de me sentir plus Ivoirien que Marocain même si j’utilise plus mon passeport marocain. Le passeport ivoirien me sert surtout à me faciliter les démarches administratives dans le pays. Mais ce qui est sûr c’est que je possède deux passeports verts !», dit-il en riant.
Sentiment d’oubli
Une fois, l’enthousiasme de la visite royale passé, les deux jeunes MRE s'ouvrent et parlent de la réalité à laquelle ils sont confrontés tous les jours. Les MRE de Côte d’Ivoire ont le sentiment d’être isolés et oubliés par leur pays d’origine. Il est vrai que le Maroc a rapatrié des centaines de ressortissants marocains lors du conflit ivoirien en 2011, un signe fort envoyé à la communauté marocaine, mais cela n’est pas suffisant à leurs yeux. Du fait qu’ils soient une petite communauté, les MRE ivoiriens remarquent que les plans d’actions menés par le ministère des MRE s’orientent et privilégient plus les pays comme la France, les Pays-Bas, l’Espagne ou ceux d'Amérique du nord, pays concentrant une forte communauté de MRE. Par exemple, lorsque nous avons demandé le nom de l’actuel ministre des MRE à Mehdi, il nous répond : «Je ne me souviens plus de son nom !», pensant que l’actuel ministre était Mohamed Ameur, l’ancien ministre ! Une simple question qui montre le fossé existant entre les MRE ivoiriens et leur ministre de tutelle.
«La première chose dont les Marocains de Côte d’Ivoire auraient besoin est vraiment d’être accompagnés et épaulés dans leurs efforts de reconstruction. Mon pays d’accueil et de vie, s’est transformé en un pays étranger, où tout est devenu incertitude et souffrances. Les commerces des pères de famille ont été détruits. Les gens ont dû fuir sans rien. Il a fallu mettre de côté des dizaines d'années de vie et tout reprendre de zéro», déplore Rania. «Mais en dehors vraiment de cette reconstruction, il y a aussi l’aspect culturel, nous trouvons rarement l’occasion d’approfondir le partage de nos valeurs avec bladna. Peu d’entre nous savent écrire l’arabe, et les seules occasions de parler le darija c'est à la maison. J’aurais aimé savoir lire et écrire l’arabe au lieu de simplement le parler, j’aurais aimé évolué dans une ambiance marocaine ou pouvoir voir ma famille restée au Maroc», espère-t-elle.
De son côté, Mehdi, souhaiterait quant à lui, que le gouvernement marocain encourage les Marocains de Côte d’Ivoire à investir au Maroc pour prendre part au développement du pays. Il confie qu’il met de l’argent de côté tous les mois pour lancer un jour son projet touristique au royaume. «Je connais beaucoup de Marocains ici qui souhaitent ouvrir ne serait-ce qu’un restaurant au Maroc, mais on a peur de nous mettre des bâtons dans les roues au niveau des lenteurs administratives ou d'avoir à verser des pots-de-vins», explique-t-il.
Prix d’avion exorbitant
Enfin, Rania et Mehdi sont d’accord sur une chose : les prix des billets d’avion sont beaucoup trop chers. Des prix qui les empêchent justement de garder le contact avec le pays d’origine. «Les prix d’avion, c’est tout de même hallucinant ! On n’a pas d’autre choix que de voyager avec la RAM. Chaque fois que je veux passer des vacances au Maroc, cela me coute environ 10 000 dirhams. Alors que si je faisais un Abidjan-Paris, je paierais 5000 dirhams et je prendrais un autre avion low cost Paris-Casablanca et ça me reviendrait moins cher», regrette Mehdi. «Les billets ne sont toujours pas aussi abordables pour les familles. J’ai 21 ans, mais aujourd’hui cela fait 10 ans que je ne suis pas rentrée au Maroc, préférant laisser cette opportunité à mes petits frères et sœurs, pour qu’ils aient à leur tour la même chance que moi d’avoir des souvenirs, un vécu et une chance de connaître leur pays.», confie Rania.
Dès lundi 18 mars, jour d'arrivée du souverain en Côte d'Ivoire, ce sentiment d'oubli sera très vite mis de côté, pour laisser place à la joie, souligne Rania. "Toute la communauté marocaine se solidarise aujourd’hui, unie ses forces et ses moyens afin de préparer au mieux, à l’aéroport l’accueil de Sa Majesté, et de lui offrir un Akwaba (bienvenue) haut en couleurs et digne de ce pays chaleureux et hospitalier qu’a toujours été le Maroc", conclut Rania.