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Grand Angle

Maroc : Les prix des produits et du carburant flambent à l’approche du Ramadan

Les prix des denrées alimentaires flambent. Le constat a été traduit par deux demandes des partis de l’opposition pour réunir la Commission des finances en présence de Nadia Fettah. Pour le Mouvement populaire, le PPS et le PJD, le gouvernement est appelé à agir urgemment, car les Marocains ne ressentent pas encore l’impact des mesures prises, jusque-là, par l'exécutif.

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Dans un marché de fruits et légumes à Laâyoune, en novembre 2018. / Ph. Fadel Senna - AFP
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A un peu plus d'un mois du début du Ramadan, les prix des produits alimentaires continuent de flamber, annonçant des temps difficiles pour les familles marocaines. Alors que le gouvernement se défend en brandissant la subvention de certains produits, via la Caisse de compensation, ainsi que l’aide directe accordée aux transporteurs, l’impact de ces mesures tarde à se faire sentir.

Pour cette raison, les groupes parlementaires d’opposition ont appelé à une réunion de la Commission des finances et du développement économique de la Chambre des représentants, en présence de la ministre de l’Economie et des finances. Une première demande a été présentée, dans ce sens, par les élus du Mouvement populaire (MP) alors que la deuxième a été déposée cette semaine par les parlementaires du Parti du progrès et du socialisme (PPS).

«Le citoyen connaît et ressent la situation plus que quiconque», regrette ce mardi Driss Sentissi, président du groupe parlementaire du MP. «Hier, nous avons posé la question à la ministre de la Transition énergétique et du développement durable, sur les prix des carburants. Elle a refusé de répondre, arguant que ce n’est pas dans les prérogatives de son ministère», s’indigne-t-il.

«Nous avons rappelé à la ministre qu’elle peut répondre par solidarité gouvernementale ou apporter une réponse politique de ce que le gouvernement a entrepris, car s’il botte en touche sur cette question, c’est que le gouvernement est conscient de la problématique et ne veut pas la résoudre», poursuit-il. L’élu a réitéré, il y a deux semaines, sa proposition adressée au chef du gouvernement pour la création d’un comité de surveillance au niveau de la chefferie du gouvernement pour suivre les prix.

«Ceux qui veulent gouverner doivent assumer la responsabilité. Il y a des spéculateurs et des intermédiaires mais il est aussi possible de contrôler les prix avec des mécanismes connus, y compris pour les carburants. L’exécutif peut suspendre la TVA pour une période ou annuler la TIC comme cela a été fait. Il y a des solutions. Le gouvernement a toutefois besoin de ces recettes, car la flambée des prix s’accompagne d'une hausse des recettes.»

Driss Sentissi

«Du gaspillage de l'argent public»

Rachid Hamouni, président du groupe du PPS à la Chambre basse, pointe aussi des mesures «sans impact» sur le pouvoir d’achat du citoyen. «Nous ne nions pas ce qui a été mis en place par le gouvernement, mais pour nous, toute mesure doit avoir un impact sur le citoyen, à travers une baisse de prix car c’est de l’argent public qui est dépensé», explique-t-il.

L’élu rappelle aussi que plusieurs propositions ont été faites à l’exécutif. «Elles ne nécessitent qu’un décret du chef du gouvernement. Le gouvernement a ignoré ses propositions et continue dans la même stratégie. Pire, il brandit son aide direct aux transporteurs, sachant que chez ces derniers – et le ministre du Transport l’a lui-même reconnu -, il y a des dysfonctionnements, qui font que ce sont les propriétaires de société de transport et d’agréments et non pas les chauffeurs, qui sont aidés», critique-t-il.

«Pour nous, cette aide qui ne sert pas son objectif peut être injectée dans la Caisse de compensation sur une période définie pour toucher directement les citoyens. En effet, l’argument de ne pas subventionner les particuliers tombe à l’eau lorsqu’on connait l’impact sur notre économie car lorsque le carburant coûte cher, le citoyen ne se déplace pas. Avec les déplacements, l’économie tourne, ce qui génère des ressources supplémentaires pour l’Etat», rappelle-t-il.

«Quand les prix des carburants flambent, la récession économique s’installe et le citoyen se trouve impacté de tous les côtés. Pour nous, le gouvernement doit trouver des alternatives pour que le citoyen ressente les mesures mises en place pour atténuer l’impact de l’inflation. Autrement, il ne s’agit que de gaspillage des deniers publics.»

Rachid Hamouni

Sur les prix des produits alimentaires, l’élu reconnaît la responsabilité «des intermédiaires» mais assure que c'est au gouvernement de contrôler les marchés. «C’est une responsabilité du gouvernement qui doit mettre fin à ces pratiques sur les marchés de gros. Ce n’est pas normal de constater que les tomates, qui coûtent 5 dirhams le kilo à Agadir, soient vendues ailleurs à 16 dirhams et ne pas réagir. Dans cette situation, l’agriculteur et le citoyen sont perdants alors que les intermédiaires en profitent, sans payer d’impôts et sans investir», dénonce-t-il. «Il n’y a malheureusement aucun contrôle au niveau de ces marchés et chacun y fait ce qu’il veut», regrette-t-il encore.

Combattre la corruption pour «protéger le pouvoir d'achat» du citoyen

Même son de cloche chez Mustapha Ibrahimi, vice-président du groupement parlementaire du PJD. «Nous avons atteint un niveau d'inflation que le Maroc n'a jamais connu auparavant. Le citoyen n'est plus en mesure d'acheter des matières de base. Pour que nous ayons la sécurité alimentaire, nous devons avoir une stratégie», nous confie-t-il. «Le Plan Maroc Vert ou Génération Green nous ont-ils fourni ces produits de base ? La tendance est de privilégier les cultures consommatrices d'eau, alors que le Maroc souffre de stress hydrique. Nous exportons donc de l'eau et produisons des produits agricoles qui ne sont pas essentiels pour les Marocains, à un moment où nous ne sommes pas en mesure de produire des céréales, par exemple, considérées comme la base, ou encore des huiles», regrette-t-il.

«En l'absence de stratégie, nous recourons à la Caisse de compensation. Or, la sécurité alimentaire nécessite une stratégie. Il y a un effondrement du pouvoir d'achat du citoyen et nous ne savons pas où nous allons.»

Mustapha Ibrahimi

Abordant la question des prix des carburants, l’élu rappelle que les pétroliers ont réalisé des «profits immoraux». «Dans d'autres pays, des impôts ont été imposées à ces compagnies. Dans notre Loi de finances, ils n'ont pas incorporé ces entreprises parmi celles qui doivent être surtaxées dans le cadre de l’impôt sur les sociétés. Pire, ils ont même diminué leur impôts sur les bénéfices», s’indigne-t-il. «Qu'a fait le gouvernement avec les spéculateurs qui doublent les prix des légumes ? Ce gouvernement protège la corruption. Si vous voulez protéger le pouvoir d'achat, il faut combattre la corruption», ajoute Mustapha Ibrahimi. Ne mâchant pas ses mots il conclut en affirmant que «ce gouvernement est venu servir les intérêts des grandes entreprises et s’en fiche de lutter contre la corruption».

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