Benkirane et la crise européenne : « Diminuez votre façon de vivre et vous aurez réglé tous vos problèmes »

Intervenant lundi matin, lors du Forum mondial de la démocratie, qui se tient actuellement à Strasbourg, dans le nord de la France, Abdelilah Benkirane s’est, une fois de plus, démarqué de la foule en affirmant qu’il suffit aux Européens de serrer leur ceinture pour sortir de la crise. «Moi, je n'ai pas peur de votre crise économique (…) S'il faut diminuer un peu votre façon de vivre, faites-le. C'est tout et vous aurez réglé tous vos problèmes», a déclaré le chef du gouvernement marocain, dont le sens de l’humour aiguisé n’est plus un secret pour personne.

Fidèle à son discours, non dénué d’ironie, Benkirane n’a pas manqué de saluer le bon sens des dirigeants européens, tout en soulignant la nécessité d’une solidarité internationale, rapporte l’agence de presse Reuters. «Messieurs les Européens, nous vous admirons, nous vous trouvons à chaque fois en face de nous. Vous avez été nos colonisateurs, vous avez accompagné nos colonisateurs, vous avez accueilli nos révolutionnaires et aujourd'hui, vous accueillez les leaders du printemps arabe», a-t-il estimé. 

Les inégalités Nord-Sud vus par Benkirane

Sur un tout autre registre, le chef du gouvernement marocain a mis en garde l’Europe contre le risque d'une explosion sociale au sud de la Méditerranée. Une «explosion» qui, selon lui, serait le résultat d’une répartition inégale des richesses entre le sud et le nord. «Les fruits du développement profitent toujours à une élite, et une partie de la population est abandonnée à elle-même, elle n'a rien», a-t-il d’abord analysé avant d’ajouter : «Chez vous, les gens forts ont beaucoup, et les autres un peu. Mais chez nous les gens forts ont tout, presque plus que les vôtres, mais ceux qui n'ont rien, ils n'ont rien. Quand il n'y a pas d'équilibre, ça finit par exploser», a-t-il analysé, a fait savoir l’AFP.

«C'est d'abord vous, avec les Etats-Unis, qui profitez de ce qui se passe dans le monde, des richesses qu'il y a dans nos pays, or étant donné que ce n'est pas juste, ce n'est pas durable», a-t-il prévenu.

Des «partenaires honorables»

Benkirane est, par ailleurs, revenu sur la récente polémique relative aux relocalisations des centres d’appels français installés au Maroc, initié par le ministre français du Redressement productif, Arnaud Montebourg. «Ce que j'entends sur les délocalisations, ça me fait rire», a-t-il indiqué. «Avant que les entreprises européennes ne commencent à se délocaliser au Maroc, vous ne pouviez pas venir parce que ça vous arrangeait. A contrario, aujourd'hui chaque fois qu'il y a un petit son de cloche de crise, vous repartez», a souligné le chef de file du Parti de la justice et du développement (PJD).

«Nous on vit ça très mal, on veut avoir des partenaires honorables. Si vous êtes venus chez nous quand ça marchait bien, nous serions très confortés de vous voir rester avec nous, même si ça marche très mal, a-t-il conclu.

Et la démocratie ?

Pour ce qui est de la démocratie, principale thématique du forum, Benkirane a insisté sur la fameuse «exception marocaine», soutenant que le Maroc s’est distingué par rapport aux autres pays de la région, et faisant référence à l’adoption de la nouvelle Constitution.  Outre Benkirane, le Maroc est représenté à ce rendez-vous international par Youssef Amrani, ministre délégué auprès du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Menouar Alem, ambassadeur du Maroc auprès de l'Union européenne et Youssef Bella, consul général du Maroc à Strasbourg. A noter que le Forum de la démocratie se poursuit jusqu’au 11 octobre, à Strasbourg.