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Grand Angle

Diaspo #256 : Hamid Riffi, Belgo-marocain à la tête d’une école catholique en Flandre

Depuis la rentrée scolaire, Hamid Riffi occupe le poste de directeur général de l’Institut Scheppers de Malines. Une consécration pour ce Belgo-marocain ayant fait ses études et enseigné dans cette même école catholique depuis 1997.

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Hamid Riffi occupe, depuis la rentrée scolaire, le poste de directeur de l’Institut Scheppers de Malines. / DR
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Depuis septembre 2022, l’Institut Scheppers situé à Malines, en Flandre, qui compte environ 830 élèves et plusieurs milliers d'anciens élèves de Malines, a un nouveau directeur. Mais la nomination de Hamid Riffi, auparavant adjoint du directeur, a suscité différentes réactions relatives à sa confession musulmane, l’institut étant une école catholique. Pourtant, ce Belgo-marocain né en 1974 en Belgique, de parents marocains originaires de Meknès et précisément de Moulay Driss Zerhoun, a été choisi par le conseil d’administration de l’école pour son expérience reconnue par ses pairs et ses compétences avérées.

«Mon père travaillait au Maroc dans le secteur touristique. Le groupe hôtelier lui proposa un poste en Corse. Il était venu en Europe, avait quitté son emploi et commençait à chercher d’autres opportunités», se remémore-t-il auprès de Yabiladi. Dans la région flamande de la Belgique, le père de Hamid Riffi finit par trouver un emploi de décorateur chez un magasin de couture. Il retourne au Maroc, se marie et ramène son épouse en Belgique.

A six ans, Hamid Riffi intègre l’Institut Scheppers de Malines en tant qu’élève en 1980. «Douze ans après, j’ai décroché mon baccalauréat. Pour mes études supérieures, j’ai choisi de m’orienter vers les sciences mathématiques», confie-t-il. Cependant, petit, le Belgo-marocain hésitait entre enseigner ou devenir vétérinaire.

«Les enfants vivent ici en ville. Ceux issus de l’immigration vont souvent dans la campagne et dans la nature au Maroc. J’admirais beaucoup comment les gens de la campagne traitent leurs animaux domestiques et prennent soin d’eux. C’est ce qui me motivait pour devenir vétérinaire. Mais en grandissant, je suis devenu plus réaliste.»

Hamid Riffi

D’enseignant intérimaire à directeur adjoint puis directeur

Ainsi, en 1992, le Belgo-marocain intègre l’école de formation des enseignants où il se spécialise en mathématiques, en biologie et en chimie. Une formation de trois ans qu’il perfectionne avec deux années supplémentaires, dont une pour se spécialiser en chimie. Quatre ans plus tard, il donne ses premiers cours en tant qu’enseignant intérimaire. «En Belgique, c’est plutôt les écoles qui sollicitent des professeurs contrairement au Maroc où l’Etat embauche puis affecte les enseignants en fonction du besoin», nous explique-t-il.

L'année scolaire d'après, Hamid Riffi la passe au sein de l’école où il a fait ses études primaires et secondaires. «J’avais enseigné d’avril à juin. Le directeur de l’école à l’époque m’avait contacté à la fin pour me proposer de revenir dès la rentrée pour devenir enseignant à plein temps et enseigner les trois matières», se rappelle-t-il. Après plusieurs années de carrière, le conseil d’administration de l’Institut Scheppers de Malines le nomme directeur adjoint avant d'être promu, cette année, au poste de directeur de l’école.

Il s'est, par ailleurs, engagé politiquement pour le Christen-Democratisch en Vlaams (CD&V), dirigé actuellement par Sammy Mahdi, à Malines et a été conseiller municipal de cette ville pendant quinze ans.

«Je ne sais pas si je suis le premier musulman à la tête d’une école catholique. J’ai grandi dans cette école et j’y travaille depuis toujours», répond-il simplement à la question largement abordée par les médias depuis la semaine dernière. «Des journalistes ont contacté le groupement des écoles catholiques qui leur ont confié que je suis le premier musulman en Flandre. En Wallonie, d’autres musulmans ont déjà présidé des écoles catholiques», tient-il à préciser. «J’ai été félicité par les collègues enseignants, les parents d’élèves et les personnes proches de l’école qui m’ont affirmé que je suis l’une des personnes les plus aptes à diriger l’école et c’est ce qui compte pour moi», ajoute le Belgo-marocain.

Aujourd’hui, Hamid Riffi est assisté par deux directeurs adjoints, l’un s’occupant de l’organisation et des horaires et l’autre des élèves. «Bien que le poste actuel a plusieurs prérogatives dont la gestion financière, je veux rester en lien avec les élèves et nous avons des réunions hebdomadaires avec mes adjoints pour discuter des attentes, des défis et des problèmes liés aux élèves», assure-t-il.

Combattre les stéréotypes par la réussite

Conscient des réactions que sa nomination a suscitées dans certains milieux, Hamid Riffi rappelle qu’il y a «des avocats, des entrepreneurs, des médecins d’origine marocaine» en Belgique. «Certes, dans ma génération, plusieurs n’ont pas suivi des études, non pas parce que leurs parents ne voulaient pas, mais parce qu’ils n’étaient pas conscients de l’importance de l’enseignement. A mon époque, la plupart des Marocains à la faculté étaient venus du Maroc pour poursuivre leurs carrières, alors que ceux nés ou ayant grandi ici y étaient peu nombreux», rappelle-t-il.

«Cela a changé heureusement et c’est ce dont nous avons besoin pour combattre les stéréotypes. Le fait que je sois nommé directeur d’une école catholique ne me parait pas quelque chose d’étrange contrairement à une partie de l’opinion publique. Mais les stéréotypes et le racisme n’ont jamais empêché quelqu’un d’atteindre ses objectifs et de réussir.»

Hamid Riffi

Bien intégré, le Belgo-marocain n'en oublie pas son pays d’origine. Il indique que sa famille dispose toujours d’une maison à Moulay Idriss Zerhoun. «J’y vais souvent pour me reposer et me ressourcer. Le calme que je trouve là-bas est introuvable ailleurs», insiste ce père de trois enfants qu’il amène souvent avec lui au pays.

«Quand on était jeunes, on partait au Maroc avec les parents mais on voyageait peu. On ne savait pas grand-chose des autres régions du pays. Aujourd'hui, c'est différent, nous découvrons les autres parties du royaume», se réjouït-il. Hamid Riffi en aura l'occasion dès novembre prochain, lors de ses prochaines vacances au Maroc.

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