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Tribune

Elections italiennes : Faut-il craindre le spectre néofasciste ?

A environ un mois des élections législatives italiennes, qui auront lieu le 25 septembre 2022, la nouvelle icône de l’extrême droite Giorgia Meloni, qui se définit comme «une femme, une mère, une chrétienne», est entrain de tracer sa voie pour devenir la première cheffe de gouvernement dans l’histoire de la République Italienne.

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La nouvelle icône de l’extrême droite Giorgia Meloni, à la tête du parti Fratelli d'Italia. / Ph. AGF
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Fidèle à la rhétorique classique de la nouvelle extrême droite européenne, Giorgia Meloni et son parti Fratelli d'Italia (FDI) (en français : Frères d'Italie) se situe à l’extrême droite de l’échiquier politique italien tandis que plusieurs observateurs le qualifient de «parti néo-fasciste». Profitant du soutien de sa coalition électorale (coalition de centre droit) qui inclut également le parti de l’extrême droite «La Ligue» de l’ancien vice-chef de gouvernement et ancien ministre de l’intérieur Matteo Salvini ainsi que le Forza Italia (FI) de l’ancien chef du gouvernement Silvio Berlusconi et d’autres partis de droite de petite taille , Giorgia Meloni et son parti Fratelli d'Italia (FDI) se présentent aujourd’hui comme les porte-drapeau d’une xénophobie et d’une islamophobie préoccupantes.

Préoccupantes pour l’Europe, menacée depuis plusieurs années par le spectre du l’extrême droite, préoccupantes pour l’Italie, qui risque de basculer dans un giron «néo-fasciste» mais surtout préoccupantes pour les italiens d’origines maghrébine et africaine. Si les intentions de votes favorisent Giorgia Meloni et sa coalition d’extrême droite autour de 45 à 47%, celles-ci devraient d’abord faire face au Mouvement 5 étoiles de Giuseppe Conte et au Centre Gauche mené par le Parti démocrate d’Enrico Letta.

Une femme à la tête de l’extrême droite

La femme qui veut succéder à Mario Dragui à la tête de l’exécutif italien est devenue la cheffe de fil de la mouvance de l’extrême droite italienne après l’échec de Mateo Salivini à s’imposer dans les dernières élections de 2018. Rappelons que son parti est le seul parti ayant refusé de participer au gouvernement d’union nationale de Mario Dragui préférant ainsi incarner le rôle de «l’opposition alternative».

Avant de se faire élire pour la première fois membre de la chambre des députés en 2006 sous les couleurs du parti Alliance Nationale (AN), Giorgia Meloni était membre du Mouvement social italien (MSI), réputé comme l’héritier politique et idéologique du Parti national fasciste de Benito Mussolini. Elle est ensuite devenue vice-présidente de la Chambre des députés en 2006. Par ailleurs, Giorgia Meloni a occupé le poste de ministre de la jeunesse en 2008 dans le quatrième gouvernement du Silvio Berlusconi. Après avoir participé à la fondation du parti Fratelli d'Italia (FDI) en 2012, dans une scission du parti Peuple de la liberté dirigé par Berlusconi, Giorgia Meloni prend la tête de Fratelli d'Italia (FDI) en 2014 qu’elle dirige jusqu’aujourd’hui.

Un parti de l’extrême droite (pas) comme les autres

Faisant de la lutte contre l’immigration son cheval de Troie, sa rhétorique anti-immigration et son discours clairement populiste s’inscrit bien évidement dans la lignée des partis de l’extrême de droite européenne. Il ne faut pas oublier que Giorgia Meloni est depuis 2020 la présidente du Parti des conservateurs et réformistes européens. Etant un rassemblement de partis d’extrême droite et de nationaux-conservateurs, cette formation politique européenne inclut également d’autres partis xénophobes tels que le parti Droit et justice (Pologne), le parti Vox (Espagne), les Réformateurs libéraux-conservateurs (Allemagne), Démocrates de Suède (Suède),…

Bien que son parti n’affiche pas clairement son adhésion à l’idéologie fasciste préférant ainsi emprunter la stratégie de la dédiabolisation poursuivie par Marine Le Pen en France, Fratelli d'Italia (FDI) n’hésite pas à instrumentaliser la question migratoire pour étaler son idéologie xénophobe et revendiquer le retour d’une «Italie chrétienne et traditionnaliste».

Contrairement à plusieurs partis d’extrême droite en Europe qui prônent le retrait de l’Union européenne (UE) au profit du rapprochement avec la Russie de Vladimir Poutine, Fratelli d'Italia (FDI) adopte une position «réformiste». Tout en maintenant ses positions virulemment critiques à l’égard de l’UE, Fratelli d'Italia (FDI) est plutôt pour une «Europe des Nations» fidèles à ses racines «judéo-chrétiennes». Son admiration pour la figure de Vladimir Poutine qu’elle ne dissimulait pas semble s’étriper avec l’invasion Russe de l’Ukraine début 2022. Depuis, Giorgia Meloni n’pas hésité à adopter des positions atlantistes en cohérence avec le maintien de l’Italie au sein de l’OTAN.

Sur le plan sociétal, Fratelli d'Italia (FDI) est un parti à la fois nationaliste et conservateur. Il se définit dans ce sens comme favorable aux valeurs chrétiennes et aux modèle familial traditionnel. Il est donc hostile au modèle multiculturel, au mariage homosexuel, à l’adoption homoparentale et à l’avortement.

La fin de l’Italie telle que nous la connaissons ?

Malgré ses difficultés économiques depuis la crise de 2008, il ne faut pas oublier que l’Italie est membre du G7. Par ailleurs, elle est la 8e puissance économique mondiale et la 4e puissance économique au sein du continent européen, c’est pour cela que les enjeux de ce scrutin sont donc multiples et cruciaux puisque ses résultats définiront les orientations politiques et géopolitiques d’un des fondateurs de l’Union européenne. Une Italie qui tombe encore une fois sous l’emprise de l’extrême droite, version Donald Trump, sera vécue comme un cauchemar politique et géopolitique.

Profitant de l’essoufflement des partis de centre-gauche et de la quasi-disparition des partis de gauche, l’extrême droite en Italie est sur le point de confirmer sa montée en puissance électorale politique mais surtout sociale, en s’érigeant comme une force incontournable dans le pays.

Dans la foulée, il est important de rappeler que si le parti d’extrême droite n’a réussi à obtenir que 4,4% des voix dans les élections législatives de 2018, les intentions de votes donnent à Fratelli d'Italia (FDI) et sa coalition (coalition de centre droit) un score de 45 à 47%.

Tribune

Nidal Oukacha
Doctorant en relations internationales et géopolitique
Emission spécial MRE
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