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Grand Angle

Le Maroc parmi les nationalités concernées par l’exploitation sexuelle à l’étranger

A l’étranger, le Maroc fait partie des pays dont les victimes de traite, femmes et enfants, sont le plus souvent originaires, selon un récent rapport du Département d’Etat américain. Ce document a par ailleurs recommandé au royaume de mettre ses actions de lutte contre la traite en conformité avec les principes législatifs de protection.

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Photo d'illustration / DR.
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Le Bureau de surveillance et de lutte contre la traite des personnes au Département d’État américain a consacré un récent rapport à la situation de la traite des être humains dans le monde. Parmi les pays auxquels le document s’est intéressé, le Maroc fait partie de ceux où l’exploitation dans le travail et par les réseaux de prostitution est la forme la plus récurrente de trafic. A l’étranger aussi, le royaume figure parmi les pays dont de nombreuses victimes de ces réseaux sont originaires, y compris en Europe.

En Belgique, qui compte une importante communauté des Marocains de l’étranger, les concitoyens victimes de traite ou de trafic d’êtres humains ont figuré, ces cinq dernières années, parmi les nationalités les plus concernées par l’exploitation dans le travail forcé et dans la prostitution.

La Belgique, le Danemark et l’Italie parmi les pays où les Marocains sont victimes

Principalement des femmes et des filles, les victimes venues de l’étranger et employées par des trafiquants locaux en Belgique sont originaires d’Asie en premier (Chine, Inde et Thaïlande). De l’Europe de l’est, elles sont d’Albanie, de Hongrie, de Roumanie et d’Ukraine. De l’Afrique, elles sont essentiellement issues du Maroc et du Nigéria, selon le Département d’Etat. En France, la situation des victimes de traite et d’exploitation est différente et s’axe particulièrement sur le travail. Le document note que dans le pays, «les enfants marocains non accompagnés sont vulnérables à la mendicité forcée».

En 2020, «le gouvernement a constaté que les membres de la famille immédiate ou élargie sont les trafiquants de 88% des victimes de crimes forcés et de mendicité forcée». Par ailleurs, «62% des victimes de trafic sexuel connaissaient déjà leurs trafiquants». En plus des citoyens locaux, les victimes sont originaires surtout des pays d’Afrique et des régions d’Outre-mer.

Au Danemark, ce sont les disparitions des centres pour mineurs qui attirent l’attention. Celles des jeunes, principalement des garçons marocains, «inquiètent les observateurs sur leur exploitation par des réseaux de trafic et de traite des êtres humains». Selon le rapport, ces profils sont «contraints au commerce du sexe, au travail forcé et à la petite délinquance». Faute de procédures claires, leur identification demeure difficile, surtout s’ils sont des mineurs non accompagnés, dont les attaches familiales ne sont pas clairement connues dans le pays de résidence ou celui d’origine. «Des recommandations ont été faites pour l’élaboration d’un cadre spécifique pour identifier et aider ces enfants, tout en leur fournissant un hébergement sûr», souligne le département.

En Bosnie-Herzégovine également, le Maroc figure parmi les nationalités des étrangers victimes de réseaux de trafic d’êtres humains, qui agissent souvent dans des résidences fermées, dans le pays et ses régions voisines. Le travail forcé est aussi une deuxième forme d’exploitation qui les concerne. «Des milliers de migrants et de réfugiés d’Afghanistan, du Bangladesh, d’Irak, du Maroc, du Pakistan, de Syrie et des pays voisins traversant, bloqués ou faisant l’objet d’un trafic en Bosnie-Herzégovine sont vulnérables à la traite, en particulier les femmes et les enfants non accompagnés», note le rapport.

Le travail et la prostitution forcés font partie aussi des formes principales d’exploitation des ressortissants marocains parmi les étrangers, au Portugal, en Espagne et en Italie. Selon le département, «toutes les victimes nouvellement identifiées en Italie sont des ressortissants étrangers et des migrants sans papiers ; les demandeurs d’asile restent la majorité des victimes de la traite identifiées, la plupart étant originaires du Nigéria, du Pakistan et du Maroc».

Au Liban, ce sont surtout des femmes parmi les ressortissants marocains qui se trouvent dans l’engrenage de l’exploitation. «Principalement originaires de Russie, d’Ukraine, de Biélorussie, de Moldavie, du Maroc et de Tunisie, elles entrent légalement au Liban pour travailler comme danseuses dans des boîtes de nuit grâce au programme libanais de visa d’artiste». Ce titre de séjour est valable trois mois et renouvelable une fois. Mais les conditions de ce visa «interdisent aux femmes étrangères travaillant dans ces boîtes de nuit de quitter l’hôtel où elles résident, sauf pour travailler dans les boîtes de nuit qui les parrainent». De ce fait, «les propriétaires de boîtes de nuit retiennent les passeports et les salaires des femmes et contrôlent leurs déplacements». «Les trafiquants exploitent également ces femmes par des abus physiques et sexuels et le travail domestique», note le rapport.

L’Arabie saoudite continue de figurer parmi les pays du Golfe où les étrangers, notamment marocains, sont concernés par le travail forcé, en plus de «pratiques esclavagistes» et de formes de trafic sexuel. Les victimes viennent aussi de pays d’Asie, d’Afrique et du Moyen-Orient, note le rapport.

Peu d’outils de protection au Maroc

Dans la partie consacrée à la situation au Maroc, le rapport du Département d’Etat a indiqué que le pays consentait des efforts, mais qu’il ne respectait pas encore les normes minimales pour éradiquer la traite. Le royaume est ainsi classé au deuxième niveau (jaune), qui comprend les pays dont les gouvernements ne respectent pas les normes minimales, mais font de grands efforts pour lutter contre la traite. C’est notamment ne cas pour l’Égypte, l’Irak, la Jordanie, le Sultanat d’Oman, le Qatar, l’Arabie saoudite, le Soudan, les Émirats, la Tunisie et la Turquie, entre autres.

Cependant, les efforts du Maroc sont encore mis à mal, par «manque de procédures proactives de prévention et d’identification», ce qui laisse notamment les migrants «vulnérables à des sanctions pour des actes illégaux imposés par des trafiquants», à l’image des tentatives de traversée frontalière en mer. Le rapport recommande de «finaliser et de mettre en œuvre des procédures systématiques et proactives pour identifier les victimes de la traite, en particulier parmi les groupes vulnérables de la population tels que les sans-papiers». Il a également recommandé de «fournir des services de protection adéquats aux victimes de toutes les formes de traite, y compris, mais sans s’y limiter, un abri, des services psychologiques et sociaux, une aide juridique et une assistance au rapatriement».

Le Département a recommandé aussi de «veiller à ce que les victimes ne soient pas punies pour des actes illégaux que les trafiquants les obligent à commettre, tels que les violations de lois sur l’immigration et la prostitution», en plus de «mener des campagnes de sensibilisation au niveau national pour lutter contre la traite».

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