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Interview

Mohamed Beyoud : «C’est une fierté de lire dans le regard des gens de Meknès que le FICAM leur appartient» [Interview]

Mohamed Beyoud est à la direction artistique du Festival international du cinéma d’animation de Meknès (FICAM) depuis ses débuts, en 2001. En clôture de cette vingtième édition (du 6 au 11 mai), celui qui est aussi chargé culturel à l’Institut français de Meknès se confie à Yabiladi au sujet de cette expérience inédite, qui dure depuis presque une génération.

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Mohamed Beyoud, directeur artistique du FICAM / Ph. Hassan Hmimidi
Temps de lecture: 4'

Le FICAM 2022 touche à sa fin. Que représente pour vous cette vingtième édition anniversaire ?

C’est l’aboutissement de plusieurs années de travail. C’est aussi l’acharnement d’une équipe toute entière entre la Fondation Aicha et l’Institut français de Meknès pour organiser cette édition surtout, qui était difficile à préparer. Maintenant, avec du recul, je pense que nous avons relevé les défis et réussi à braver tous les obstacles, en particulier l’incertitude que nous a ajouté la pandémie de Covid-19, avec laquelle le festival en présentiel a été à l’arrêt pendant deux ans. Il y a encore deux mois, nous ne savions toujours pas si nous serions en mesure de tenir la vingtième édition.

Ces incertitudes sont maintenant derrière nous. La difficulté fait partie de l’exercice. Nous avons commencé en 2001 comme un petit festival, qui a grandi et atteint aujourd’hui sa maturité. Je pense que les vingt ans à venir nous attendent encore avec d’autres étapes à franchir et de nouveaux défis à relever.

Votre lapsus sur les vingt prochaines années du FICAM dénote du travail de transmission déjà effectué ces 20 dernières années pour assurer la relève et continuer ce projet, devenu une référence mondiale dans le cinéma d’animation ?

Certainement. Je pense qu’avec tous les jeunes qui ont été accompagnés dans leurs projets dans le cadre du FICAM et la volonté de toute l’équipe du festival, nous avons réussi à essaimer beaucoup de choses, que ce soit à Meknès ou ailleurs au Maroc. Nous avons formé des jeunes, d’autres se sont lancés désormais dans le cinéma d’animation. Grâce aussi à l’engagement du pôle audiovisuel public [2M et SNRT, ndlr], des séries d’animation marocaines sont produites pour diffusion. De plus en plus de jeunes s’intéressent à l’animation, certains de ceux passés par nos ateliers sont aujourd’hui au sein des studios professionnels. Il y a une vraie effervescence au Maroc autour de ce secteur artistique.

J’espère qu’au FICAM, nous réussirons à développer désormais un marché de l’animation marocain et que nous aurons un marché d’animation à dimension africaine, et que notre pays se dotera bientôt une école d’animation ou des filières dans nos universités marocaines.

Mohamed Beyoud, directeur artistique du FICAM. / Crédit photo Hassane HmimidiMohamed Beyoud, directeur artistique du FICAM. / Crédit photo Hassane Hmimidi

Vous vous exprimez au pluriel et dans le collectif, en parlant du FICAM. À titre individuel, d’où vient votre engouement pour le cinéma d’animation ?

Je parle du collectif car je suis convaincu que je ne suis rien sans toute l’équipe de ce festival, sans la directrice de l’Institut français, sans la Fondation Aicha, sans Mardochée Devico, président de la Fondation, qui contribue avec beaucoup d’amour, d’attachement et de citoyenneté à pérenniser le FICAM pour la ville de Meknès, sans les collègues projectionnistes… Nous sommes réellement une équipe et je suis une petite fourmi dans une grande fourmilière.

Pour ma part, je suis d’abord un féru de la bande dessinée et du dessin de presse. J’aime aussi le cinéma tout court. Je vais au cinéma pour regarder des films, sans me demander d’ailleurs s’ils sont d’animation ou non. Je regarde pour le plaisir, avec ma famille, j’aime le septième art et j’adore aller dans les salles de cinéma. Je trouve qu’il y a un retour aux salles obscures et c'est tant mieux.

Vous venez justement du dessin de presse. Le FICAM est ensuite un projet qui vous a tenu à cœur des années avant son lancement. Racontez-nous l’évolution de l’idée à cet événement annuel.

Mon projet de fin d’études à la Faculté de lettres et de sciences humaines de Ben M’sik (Casablanca), filière animation culturelle, a porté justement sur la bande dessinée. Après, lorsque j’ai rejoint l’Institut français de Meknès, j’ai découvert avec l’équipe que tous les projets dirigés vers la jeunesse avaient rapidement un succès fulgurant. Il y a une réelle demande à ce niveau, dans cette belle ville.

Nous nous sommes basés sur ce constat-là pour développer le festival en 2001. Ensuite, nous avons élargi la programmation au grand public et à un public adulte, parce qu’encore une fois, le film d’animation ne s’adresse pas qu’aux enfants.

Quel bilan faites-vous de ces vingt ans de FICAM et pas seulement de cette vingtième édition ?

Nous avons maintenant une conscience de ce que représente le cinéma d’animation, au niveau des jeunes comme chez la télévision publique, du point de vue du contenu, de ce qu’on propose à nos enfants, étudiants et artistes. Ce secteur est aussi une filière artistique génératrice d’emplois et mobilisatrice de plusieurs métiers. Il est important de s’y appliquer, car l’expérience nous a montré le succès des projets de studios qui ont exporté leurs productions dans le monde, comme c’est le cas pour la Côte d'Ivoire ou encore l’Égypte et l’Afrique du Sud.

Il y a aussi toute la dimension d’ancrage territorial et de mixité à grande échelle, dans ce festival. Quel est le secret de la réussite ?

Il y en a trois : d’abord la Fondation Aicha, l’Institut français, son espace et ses équipes. Nous sommes une institution qui se trouve à mi-chemin entre la médina de Meknès et la ville nouvelle, ce qui nous permet d’être un point de rencontre par excellence. Et aussi la ville de Meknès, tout simplement. La ville permet la convivialité, les rencontres, la mobilité sans moyen de transport qui ouvre toutes les possibilités. Dans les pays où l’industrie du cinéma est bien ancrée, il faut savoir que les plus grands festivals ne se trouvent pas dans les grandes contrées urbaines comme Paris, ils existent à Avignon, à Cannes…

Vingt ans, c’est presque une génération, beaucoup de travail et de sacrifices. Racontez-nous votre meilleur souvenir, votre plus grande peur et l’anecdote inoubliable que vous gardez de toutes ces années ?

Nous sommes une équipe qui ne se pose pas de questions. Lorsqu’il faut y aller, nous avançons tous. Lorsque nous avions décidé d’inviter le regretté Isao Takahata, fondateur du studio Ghibli, nous l’avons fait. Nous sommes en contact permanent avec son ami proche, accompagnateur et interprète, le chercheur et professeur d’université Ilan Nguyên.

Autant dire que lorsque nous voulons quelque chose, nous faisons tout pour que les portes s’ouvrent à nous. La chance se provoque et je pense que nous avons réussi à provoquer la nôtre, tout en travaillant.

Il y a beaucoup de meilleurs souvenirs, à commencer par cette venue de feu Isao Takahata, la présence permanente de Michel Ocelot, parrain de toute l’histoire du FICAM. Son nom est associé à ce festival dès ses débuts en 2001. Les souvenirs sont constitués aussi de toutes ces belles projections organisées pendant vingt ans, quand on voit que durant les séances de films de différentes nationalités, les familles sont là, pères, mères et enfants.

Beaucoup d’enfants ont mis les pieds dans une salle de cinéma pour la première fois en s’émerveillant devant une projection dans le cadre du FICAM, c’est un meilleur souvenir à part entière que nous vivons avec chacun de ces jeunes festivaliers. Le public est de plus en plus fidèle. Nous avons la fierté de lire dans le regard des gens de la ville de Meknès que ce festival leur appartient vraiment à eux tous.

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