Hafid Benhachem a passé, mardi, des heures difficiles au parlement. Le délégué général de l'Administration pénitentiaire et de la réinsertion a dû écouter les conclusions d'un rapport, élaboré par une commission parlementaire d’inspection à la prison d’Oukacha à Casablanca, accusant des responsables dont notamment un proche collaborateur de Benhachem de trafic de drogue, cigarettes et de téléphones.
Les députés sur la base de témoignages des détenus ont souligné que tout se monnaye à Oukacha : la recharge du mobile qui coute 10 dh y est vendue à 30 dh, le prix du paquet de cigarettes qui oscille entre 50 à 70 dh et la drogue, souvent du cannabis, est le produit le plus cher. Le rapport souligne que toute activité illicite, qui pourrait génèrer jusqu’à 5000 dh par jour, est dirigée par le directeur de la prison et certains gardiens, notamment les chefs de quartiers.
Une partie de l’argent récoltée atterrit dans les poches et les comptes bancaires de hauts responsables de l’administration pénitentiaire pour acheter leur silence et surtout leur bénédiction, sans elle le directeur et les autres chefs de quartiers seraient vulnérables et la cible d’affectation dans des prisons qui ne rapporte peu ou pas au siège central de la Haute délégation, se verrait sanctionné. C’est justement ce système, en vigueur depuis des années dans les prisons du royaume, que la commission parlementaire a décrié. Un système qui se montre coriace malgré les hausses, de 2009, des salaires des agents de cette administration.
La réponse de Benhachem
Acculé à la défensive, le délégué général de l'Administration pénitentiaire et de la réinsertion était contraint, comme le rapporte le quotidien Al Massae, de saluer le travail accompli par les députés, toutefois il a signalé que le document est, essentiellement, basé sur les témoignages des détenus.» Et d’affirmer que «le rapport comporte de graves accusations contre des personnes qui ne sont pas présentes avec nous, je préfère que vous les auditionnées plus tard.» Le mercredi 11 juillet sera consacré à la discussion et au débat.
Le document de la commission d’inspection a eu le mérite de rapporter ce qui se dit dans la place publique au parlement. Une première au Maroc. Mais qu’en est-il de la suite à donner à ce rapport ? Y aura-t-il une enquête de la part du chef du gouvernement, sachant que la délégation des prisons est sous sa tutelle, et si la commission d’inspection à Oukacha ne se transforme en une commission d’enquête parlementaire visant tous les prisons du royaume ?
En attendant les réponses à ces questions, ce rapport tombe à point nommé pour certains PJDistes qui réclament un retour de l’administration des prisons à la tutelle du ministère de la Justice. Des demandes qui s’appuient, en effet, sur le nombre croissant de plaintes faisant état de tortures et violations des droits des prisonniers de droit commun comme ceux impliqués dans des affaires de terrorisme ou d’opinion.
La visite, du 24 mai, des députés à la prison d’Oukacha est la première du genre, depuis 2009, quand Hafid Benhachem avait interdit aux ONG d’effectuer des déplacements dans les prisons.