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La banlieue brûle, le débat s'enflamme

La crise qui a endeuillé Clichy et Epinay s'est étendue à d'autres villes de banlieue.
Elle a provoqué des tensions au sein du gouvernement. Et a placé Nicolas Sarkozy en position paradoxale: à l'attaque certes, mais aussi sur la défensive.

Dans la crise des banlieues qui, depuis jeudi soir, secoue la France, il y a les faits et les mots. Les faits, d'abord. Le décès de trois Français en Seine-Saint-Denis, le département sensible de la banlieue nord de Paris: deux adolescents de Clichy-sous-Bois électrocutés dans un transformateur EDF et un père de famille battu à mort en pleine rue à Epinay-sur-Seine. Puis six nuits d'affrontements entre jeunes et forces de l'ordre, suivis de dizaines de déprédations et d'arrestations. Et, depuis lundi soir, une vague de violence qui ne concerne plus que Clichy mais a gagné d'autres cités: Sevran, Neuilly-sur-Marne, Bondy, Aulnay-sous-Bois ou Montfermeil.

Les mots, ensuite, au moins aussi révélateurs du climat. «La banlieue brûle», titrent des débats télévisés. Des Unes de presse s'émeuvent de la dérive «à l'américaine» des faubourgs. Des musulmans, en plein ramadan, décrivent leur mosquée «attaquée et gazée» par les CRS. Et Nicolas Sarkozy promet de «nettoyer» les banlieues «au karcher» et de faire «la guerre» aux «voyous» et à «la racaille» - «les mots de l'extrême droite», notait ce week-end un grand journal pourtant peu anti-sarkozyste.

Le ministre de l'Intérieur se défend de tout amalgame et/ou dérapage. Assume le recours aux mots forts car, dit-il, ce sont ceux utilisés par les gens et ils sont appropriés. Juge que cet usage recrédibilisera une classe politique depuis trop longtemps cantonnée dans la langue de bois, l'angélisme et l'éloignement des réalités de terrain. Mais la gauche, une bonne partie des médias, voire certains syndicats policiers, l'accusent de jeter de l'huile sur le feu et de mettre ses fonctions ministérielles au service de ses ambitions présidentielles, en racolant l'électorat d'extrême droite.

«Sémantique guerrière»

Le malaise est tel qu'il a conduit le très villepinien ministre de l'Egalité des chances, Azouz Begag, à déplorer la «sémantique guerrière» de son collègue. À l'attaque certes, ce dernier paraît aussi sur la défensive. Il a été giflé par le refus des proches des adolescents de Clichy de le rencontrer et leur appel à Dominique de Villepin. Il n'a pas été servi par certaines images - ce caillassage l'autre nuit à Argenteuil, comme hier un Jospin au Liban. Sa gestion de la crise n'a pas apaisé la méfiance de ses opposants: il a promis l'impartialité des enquêtes sur les agissements controversés des CRS mais, avant même leur achèvement, a (comme le ministère public) privilégié une version plutôt que l'autre, s'est commis en démentis précipités devant ensuite être rectifiés, a rendu hommage à ses agents.

Après déjà un passage à vide cet été, Nicolas Sarkozy sort-il de cette épreuve «déstabilisé», comme l'analysaient hier des commentateurs? Depuis deux jours, en tout cas, tous ses lieutenants sont montés au front pour le défendre, nier vouloir résoudre le malaise des banlieues par le seul recours à la force, prévenir que l'Intérieur isolé ne parviendrait pas au bout de la crise. On voudrait dévier la pression en mettant le ministère de la Cohésion sociale dans le bain qu'on n'agirait pas autrement. Voire en mouillant directement Matignon et l'Elysée. Qui observent ces derniers temps une discrétion il est vrai éloquente, eux habituellement si prompts communicants.

Source: La Libre Belgique

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