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Bastia : Le père marocain avait tué sa fille trop libre

Un couteau «énorme», «immense», «tellement grand»... Devant les assises de la Haute-Corse, hier, aucun adjectif ne semblait à la mesure de l'arme avec laquelle Mohamed Loulichki, un Marocain de 51 ans, s'est acharné sur sa fille Latifa, le 2 novembre 2001 : ce couteau très affûté qui lui servait à égorger ses bêtes et qu'il a, ce jour-là, enfoncé à huit reprises dans le corps de la jeune femme de 24 ans au bureau de poste de Galeria, près de Calvi, sous les yeux horrifiés de plusieurs personnes.

Ces témoins, employés et clients de l'agence, ainsi qu'une amie de la victime se sont succédé à la barre pour raconter la «boucherie» – selon le terme du président Michel Huyette – à laquelle ils ont assisté.

Entre deux sanglots, Aurore, l'amie, a raconté «les cris» qui l'ont attirée dans le bureau de poste, ce matin-là, puis le spectacle de Latifa «recroquevillée à terre, son père, au-dessus d'elle, s'acharnant...» Latifa n'en a pas réchappé. «Nous avons cru qu'elle pouvait être sauvée... Mais, quand on a soulevé son pull, on a vu que c'était fini.» L'émotion brise la voix de la jeune femme chez laquelle Latifa s'était réfugiée, quelques jours avant le drame, «en pyjama et pieds nus», répétant : «Mon père va me tuer. Il a dit qu'il le ferait si je partais avec Pierre.»

Car Latifa avait décidé, après plusieurs mois de liaison, de vivre avec ce jeune homme du village, sans parler mariage. Ce 2 novembre, à La Poste, elle venait retirer de l'argent pour partir avec lui sur le continent. Cette liaison avec un non-musulman est-elle le mobile du meurtre, comme tente de le déterminer le président Huyette ? L'accusé affirme, dans un français hésitant, qu'il n'a «jamais voulu la marier au Maroc», que sa fille «pouvait choisir son mari, corse, français ou arabe», que c'était «égal si c'était un vrai mariage». Mais, ajoute-t-il, «ce garçon-là, je ne le connaissais pas». «Faux», assure Aurore, affirmant que Latifa avait parlé de sa liaison à son père et qu'il faisait plus que la terroriser.

Mohamed Loulichki peine à s'expliquer. Il jure qu'il ne voulait pas tuer sa fille, qu'il avait un couteau pour sa sécurité parce que trois amis de Latifa l'avaient menacé, et qu'il était allé à la poste «pour discuter». «Elle m'a parlé comme si je n'étais pas son père, j'ai perdu la tête».

Sous le feu des questions, l'accusé lâche qu'il voulait «l'empêcher de faire quelque chose d'humiliant pour la famille», que Latifa «buvait», «se droguait», «couchait avec n'importe qui». Des propos en totale contradiction avec le portrait, dressé par les témoins, d'une jeune femme «posée, souriante», qui «travaillait et avait une vie de couple stable». Qui voulait aussi s'émanciper de la tutelle paternelle «sans rejeter la culture familiale», a voulu préciser le président Huyette. Et d'ajouter : «Vous n'êtes pas le premier père d'origine nord-africaine dont la fille élevée en France adopte un comportement occidental, pas le premier à en souffrir. Mais tous ne les massacrent pas à coups de couteau.»

Dominique Costa
Source : Le Figaro

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