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L'immigration au secours de l'Europe

Démographie. Sans nouveaux arrivants, l'UE perdrait 14,8 millions d'habitants d'ici à 2030.

Le Vieux Continent sauvé par ses nouveaux immigrés ? Jusqu'à présent, lorsque les démographes du monde se réunissaient en congrès, l'usage voulait qu'ils consacrent une journée de leurs travaux au pays hôte. Preuve qu'en ce domaine aussi l'échelon national ne suffit plus, les organisateurs du XXVe Congrès international de la population, qui s'est tenu à Tours (Indre-et-Loire) jusqu'à samedi, ont modifié la tradition et, jeudi, c'est sur l'Europe qu'un coup de projecteur a été porté. Venus de l'Atlantique à l'Oural (un Russe a mis six jours pour rejoindre Tours depuis Novossibirsk), les spécialistes n'ont pu que constater le risque d'un déclin démographique massif de la Vieille Europe, et encore plus de la Nouvelle. Une menace que, pour l'heure, seule la poursuite de l'immigration permettra d'atténuer.

Leader. Selon les projections d'Eurostat présentées par Serge Feld, de l'université de Louvain, l'Union perdrait 14,8 millions d'habitants d'ici à 2030 dans l'hypothèse d'une immigration zéro. C'est la conséquence de taux de natalité si faibles que le renouvellement de la population sera impossible dans deux tiers des pays membres, en particulier l'Espagne (- 1,6 million d'habitants), l'Italie (- 5 millions) et l'Allemagne (- 7,5 millions) : trois pays où le taux de natalité se situe entre 1,3 et 1,4 enfant par femme. A contrario, la France continue de tirer les fruits de sa politique familiale et de confirmer sa place de leader démographique de l'Europe. L'accroissement naturel y frôlerait les 3 millions d'individus et son taux de natalité (1,88) n'est devancé que par celui de l'Irlande. Le Royaume-Uni suit de près (850 000 habitants en plus) ; la Belgique, les Pays-Bas et la Finlande tirent leur épingle du jeu. Des chiffres à mettre en relation avec ceux présentés par Thomas Liebig de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques, sur l'évolution récente de l'immigration vers les pays d'Europe de l'Ouest. D'ores et déjà, les flux semblent s'ajuster à la cartographie des pays les plus menacés démographiquement. La France et, dans une moindre mesure, la Grande-Bretagne enregistrent un net ralentissement des entrées, cependant que l'Espagne et l'Italie, anciens pays d'émigration, connaissent depuis cinq ans un afflux massif de travailleurs étrangers, venus notamment du Maroc et d'Equateur pour la première, de Roumanie et d'Albanie pour la deuxième. L'Allemagne, enfin, a connu une pointe d'immigration des anciens pays de l'Est au début des années 90.

Fantasmes. L'immigration fonctionnera comme un contre-poids à la dénatalité. L'Espagne devrait ainsi accueillir 3,6 millions d'immigrés d'ici à 2030, ce qui permettra à sa population totale de continuer à grandir. Avec 5,2 millions d'arrivants, l'Allemagne parviendra presque à se maintenir, en passant de 82,6 à 81,1 millions d'habitants. Au total, l'immigration fera gagner 25 millions d'habitants à l'UE.

En France, l'apport des nouveaux arrivants se limitera à 1,6 million d'habitants. De quoi tordre le coup aux fantasmes d'une «invasion». Et notamment à celui du plombier polonais : selon des chiffres de 1999 donnés par Thomas Liebig, 2,7 % des Polonais (33 000 personnes) ayant immigré récemment se sont installés dans l'Hexagone. Contre 327 000 en Allemagne. Cela ne devrait pas empêcher la France de compter 65,1 millions d'habitants en 2030 (+ 5 millions par rapport à 2005). Pour 2050, Eurostat donne une France stabilisée à 65,7 millions et une Allemagne qui, en raison du tarissement de l'immigration, serait tombée à 74,6 millions d'habitants.

Au reste, la Pologne est l'un des grands perdants de ce scénario. Elle cumule une émigration importante (357 000 Polonais supplémentaires auront quitté leur pays d'ici à 2030) et une dénatalité vertigineuse, avec un taux de natalité de 1,19. Au total, dans un quart de siècle, elle aura perdu 1,6 million d'habitants : une baisse de 4,2 %. Pour la Lituanie, l'Estonie et la Lettonie, le recul atteint ou dépasse les 10 %. Les autres pays de l'Est limitent la casse en devenant à leur tour des pays d'immigration.

Source: Libération

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