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L'affaire d'Agadir rebondit en Belgique

Un journaliste belge a abusé de nombreuses Marocaines. L'affaire est remontée jeudi au Parlement. Belgique et Maroc collaborent.

Méprisable: Philippe Servaty, un journaliste du quotidien «Le Soir» (où il a été amené à la démission), a commis plusieurs voyages de pur «tourisme sexuel», notamment au Maroc et singulièrement à Agadir. A ces occasions, il a séduit un grand nombre de femmes, parfois très jeunes, en usant d'une promesse de mariage chaque fois répétée et pourtant tout à fait illusoire, d'autant que l'individu est époux et père, à Bruxelles.

Profitant de l'espoir de vivre en Europe ainsi né chez elles, Servaty a obtenu des relations sexuelles et a photographié ses ébats, très crus. A l'insu des femmes concernées, il a ensuite rendu ces clichés (dont certains visant le symbole islamique du voile) disponibles sur Internet. Et les mêmes images ont ensuite été vendues sur CD - par qui, c'est ignoré - à Agadir (LLB, 10/6).

Dans un premier temps, une douzaine de ses victimes ont été arrêtées puis jugées. C'est que le royaume chérifien tient la «débauche» et la prise de «photos pornographiques» pour illégales, et peu importe que la femme en ait été la victime. Les condamnations vont jusqu'à un an de prison, dans des conditions dépeintes comme très difficiles.

Mais on prête à Philippe Servaty jusqu'à 80 victimes. Et le «wali» (le préfet de police) d'Agadir l'a annoncé à nos confrères du «Soir» : d'autres femmes seront identifiées et, dit-il déjà, comme certain de leur sort, condamnées (une nouvelle peine à un an de prison est d'ailleurs tombée mardi dernier).

Une dimension sociale

L'affaire trouve une envergure sociale. Au Maroc, on parle désormais un peu plus ouvertement du tourisme sexuel qui ne cesse d'y croître. «Mais il ne faudrait pas croire que les femmes sont seules visées. Des Européennes viennent volontiers «se rafraîchir» dans notre pays et y trouvent sans difficulté des hommes compatissant à leur solitude», nous dit un Marocain de Bruxelles. Où l'expression «se rafraîchir» fait florès, ces derniers temps, pour désigner des relations éphémères connotées ou non par la prostitution.

Au Maroc, pays musulman, c'est aussi la honte pour les familles en cause. Comme frappées par le deuil, terrassées par les regards du voisinage et sous la menace, parfois déjà concrétisée, d'un déménagement. Mais c'est aussi la révolte, avec la liberté des femmes, le poids de la religion et les rapports entre le Maghreb et l'Europe pour enjeux.

En Belgique où la communauté marocaine gronde en regrettant que l'abuseur soit, lui, libre, l'«affaire d'Agadir» rebondit désormais au plan politique. Jeudi, la députée Talbia Belhouari (PS) a questionné la ministre de la Justice sur les agissements prêtés à Servaty. Vrais, ils seraient «ignobles» pour Laurette Onkelinx (PS), parlant d'abus de faiblesse, de traitements inhumains et dégradants. Elle a assuré les victimes de son soutien et annonce mettre tout en oeuvre pour «collaborer le plus efficacement possible avec les autorités judiciaires et policières du Maroc» (lire ci-contre). Ce vendredi, la députée bruxelloise socialiste Fatiha Saïdi part de surcroît vers Agadir pour prendre la mesure de la situation et, si possible, établir une certaine solidarité de la Belgique avec les victimes.

Roland Planchar
Source : La Libre Belgique

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