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A propos d'Ali Lmrabet: Las, mais solidaire

Par décision de justice, Ali Lmrabet (encore lui) a été interdit d’exercer la profession de journaliste au Maroc pendant 10 ans ! C’est d’autant plus énorme que le code de la presse ne prévoit nulle part une telle punition. Quant à la "faute" pour laquelle Lmrabet a été sanctionné, elle est tellement ridicule que je refuse d’y revenir dans cet éditorial (lisez l’article de Driss Ksikes, en page 6, et vous aurez tous les détails).

Ça crève les yeux : "on" (la justice n’ayant été, en l’espèce, qu’un docile exécutant de cette puissance mystérieuse) ne voulait pas que Ali Lmrabet relance son canard satirique. Donc "on" a saisi le premier prétexte venu pour bricoler un procès dans l’urgence, dont l’issue était connue depuis le début.

Mais pourquoi, au fond, Lmrabet dérange-t-il tant ? Parce qu’il diffame et insulte à tours de bras ? Parce que si son canard renaissait, le bal des invectives recommencerait ? Et alors ? Le code de la presse, aussi imparfait soit-il, prévoit de punir les auteurs d’insultes ou de diffamation. Pas besoin d’aller jusqu’à les emprisonner, des amendes dissuasives suffiraient. Lmrabet est une forte tête, qui ne se laisse pas dissuader facilement ? Peut-être, mais un journal, ça a besoin d’argent pour vivre. Si tout ce qu’il gagne part dans les amendes judiciaires, il sera obligé, à terme, de mettre la clé sous le paillasson. Ou alors – n’est-ce pas, finalement, le but recherché ? – son directeur sera obligé de faire plus attention à ce qu’il écrit. Et voilà comment la "menace Lmrabet", puisque c’est ainsi que le pouvoir l’appréhende, pourrait être circonscrite. Dans les règles de l’art, et sans que Reporters Sans Frontières ne trouve à y redire.

Il faudrait, évidemment, que les procès soient exemplaires et les sentences justes et étayées. Est-ce envisageable, vu l’état de notre justice ? Non, et c’est le fond du problème. Dans les affaires de presse un minimum médiatisées, soit les juges reçoivent des instructions, soit ils sont livrés à eux-mêmes. Dans ce cas, ils sont encore plus susceptibles de déraper que Lmrabet lui-même – ce qui n’est pas peu dire.

Finalement, ce qu’on fait payer à Ali Lmrabet, c’est l’incapacité de l’état à assurer, à coups de jugements équitables, une régulation normale de la presse. Plutôt qu’une série de procès honnêtes (mais à l’issue hasardeuse) pour des fautes avérées, le pouvoir a préféré intenter à Lmrabet un procès malhonnête (mais à l’issue certaine) pour une faute imaginaire. Du coup, il en a fait (encore une fois !) une victime de la liberté d’expression, forçant ses confrères – dont l’auteur de ces lignes – à se solidariser avec lui… alors que, las de ses outrances, ils n’en avaient plus envie !
Mon Dieu, mais qu’avons-nous donc fait pour mériter un pouvoir aussi bête ?!

Par Ahmed R. Benchemsi
Source: Telquel

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