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Un rapport attire l'attention sur les vieux immigrés, ces "oubliés de l'intégration"

Dans un avis remis au gouvernement, jeudi, le Haut Conseil à l'intégration pointe l'état d'isolement dans lequel se trouve cette population


L'inattention de la société à l'égard des personnes âgées a éclaté lors la canicule de l'été 2003, mais il est une population plus ignorée encore, celle des "travailleurs migrants âgés".

Dans l'un des deux avis qu'il a remis, jeudi 17 mars, au gouvernement, le Haut Conseil à l'intégration (HCI) appelle les pouvoirs publics à développer une véritable politique envers ces "oubliés de l'intégration", qui ont joué un rôle essentiel pour le développement de la France d'après-guerre.

Le sujet prend une acuité particulière avec l'augmentation du nombre de personnes concernées. Au dernier recensement de 1999, on comptait 537 000 étrangers âgés de plus de 60 ans. Et cette statistique ne reflète pas toute la réalité des travailleurs immigrés âgés, car elle exclut ceux qui ont acquis la nationalité française.

Pour beaucoup, célibataires (bien plus que ne l'est la population vieillissante française), ces vieux travailleurs vivent aujourd'hui, isolés, dans des foyers peu adaptés à la vie à la retraite et à la perte d'autonomie, mais aussi, pour nombre d'entre eux, dans des logements ordinaires bien souvent insalubres.

Ayant connu une vie professionnelle souvent discontinue, faite d'emplois peu qualifiés, précaires, ils touchent une petite retraite et nombre d'entre eux perçoivent le minimum vieillesse. Mais pour pouvoir bénéficier de cette allocation supplémentaire, la loi les soumet à une obligation de résidence en France. Leur existence est dès lors rythmée par d'incessants allers-retours entre leur pays d'origine et la France.

"Cette obligation de résidence peut conduire certains immigrés retraités à choisir de ne pas retourner vivre au pays alors qu'ils le souhaiteraient", souligne le HCI, insistant sur le fait que cela "occasionne en retour à la communauté nationale des frais d'hébergement importants".

VIEILLISSEMENT PRÉCOCE

C'est aussi l'impossibilité dans laquelle ils sont, en rentrant au pays, de se faire soigner en France pour des maladies chroniques, qui les porte à rester dans l'Hexagone. En effet, la "carte de séjour retraité", attribuée aux étrangers ne résidant plus en France, permet d'avoir une couverture maladie mais uniquement pour des "soins immédiats". Pour le HCI, les titulaires de cette carte retraité devraient pouvoir garder l'ensemble des droits dont ils bénéficiaient en France.

D'autant, qu'ayant occupé des emplois pénibles, très exposés aux risques professionnels et aux aléas climatiques, les travailleurs immigrés âgés vieillissent prématurément et souffrent, plus que d'autres, de certaines pathologies.

Pour autant, "la consommation de soins des populations immigrés est relativement plus faible. La personne maghrébine consulte environ trois fois moins que la personne d'origine française", souligne le HCI, battant en brèche une idée reçue selon laquelle les immigrés âgés grèveraient le budget de la Sécurité sociale.

Soumis à une usure précoce, les vieux immigrés "basculent" aussi plus tôt dans un état de dépendance : dès l'âge de 79,5 ans (et même 75,3 pour les personnes originaires du Maghreb), contre 82 ans pour celles nées en France.

Les travailleurs migrants âgés ont cependant peu accès aux services d'aides à domicile. Faute d'en connaître l'existence mais aussi essuyant des refus de la part des personnels soignants et sociaux, parfois réticents à venir travailler dans les foyers ou à se rendre dans des immeubles dégradés.

"Les travailleurs immigrés âgés doivent pouvoir intégralement bénéficier des politiques de droit commun. Mais une démarche particulière est nécessaire pour faciliter leur accès à des prestations ou politiques sociales", insiste le HCI, qui adresse un "appel pressant" à l'Etat, mais aussi aux collectivités locales, lesquelles "ont un rôle fondamental à jouer".


Laetitia Van Eeckhout
Source: Le Monde

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