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Visa: La France trop sélective même dans les cas humanitaires

Depuis l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'immigration que les responsables français ont voulu sélective, les règlements et les procédures pour l'obtention du visa d'entrée en France ont été rendus plus durs. Mais jamais l'on n'aurait cru que ce durcissement sera étendu également aux cas humanitaires.

La situation d'une Marocaine originaire de la ville d'Oujda vient confirmer ce constat. Aïcha Mokhtari souffre d'un cancer. Malgré deux opérations chirurgicales et plusieurs séances de chimiothérapie, les médecins ont conclu que son état nécessite une prise en charge à l'étranger. Le choix de sa famille s'était alors porté sur l'Institut de cancérologie Gustave Roussy en France, un des centres européens les plus connus en matière de lutte contre le cancer.

L'institut a accepté de recevoir Aïcha, un rendez-vous a donc été pris. Les frais d'hospitalisation ne posaient pas de problème puisqu'ils devraient être assurés par les membres de la famille. Il ne restait à Aïcha que de recevoir un visa d'entrée pour le territoire français. Selon la famille Mokhtari, un dossier complet a été déposé auprès du service des visas du consulat français à Fès: certificat médical délivré par le Centre hospitalier préfectoral Al Farabi résumant le cas, IRM, radiographie, biopsie par différents centres à Oujda, attestations d'accueil et de prise en charge, contrat d'assurance, billet d'avion aller-retour vers la France… Bref, tous les éléments nécessaires ont été fournis.

Malheureusement, Aïcha ainsi que toute sa famille ont été surpris par le niet catégorique des autorités consulaires. C'est alors que commence, pour son frère Abdelaziz Mokhtari, un long et périlleux combat, qui se poursuit à ce jour, pour porter cette affaire devant les hautes autorités au Maroc et en France. «Ma sœur est dans un état très critique. Elle doit suivre d'urgence un traitement à l'étranger. Malheureusement, les autorités consulaires s'entêtent toujours à refuser notre demande de visa même si nous avons fourni tous les documents nécessaires», affirme-t-il. Et d'ajouter: «Nous ne voulons pas d'argent. Nous demandons juste aux responsables d'intervenir pour sauver Aïcha d'une mort certaine si ce blocage dure encore plus longtemps. Elle continue de souffrir et son état se détériore jour après jour".

Homonymie
Quelque temps après le refus du consulat, Abdelaziz découvre qu'une malencontreuse histoire d'homonymie aurait été à l'origine du blocage du dossier de sa sœur. Pour lui, l'origine du refus de la demande de sa sœur est une ressortissante algérienne qui porte le même nom et prénom qu'elle et qui a eu des problèmes de visa à Oran. Ce dernier semble même convaincu que les services administratifs concernés ont "tout juste fait une erreur en confondant les deux dames mais ils ne veulent pas reconnaître cette erreur". C'est ainsi que Abdelaziz saisit plusieurs personnalités françaises, notamment Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères, et Brice Hortefeux, ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Co-développement. Il a même adressé un courrier au cabinet du président français Nicolas Sarkozy. Mokhtari a, en outre, envoyé de nombreux courriers à des responsables marocains, notamment la ministre de la Santé ainsi que des parlementaires. Selon lui, aucun des responsables marocains contactés n'a répondu à ses lettres alors que la quasi-totalité des responsables français contactés a répondu. En revanche, tous les ministres et autres responsables en Hexagone ont affirmé que l'acceptation et le refus des dossiers d'obtention de visa relèvent des prérogatives des services du ministère de l'Immigration. Ainsi, la réponse du ministère français de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Co-développement allait fournir une explication sur le refus de la demande de visa.

En effet, dans une lettre adressée à Abdelaziz Mokhtari le 6 mai 2008, les responsables de ce ministère affirment que «Aïcha Mokhtari n'a pas produit plusieurs pièces justificatives demandées pour l'établissement du type de visa qu'elle souhaitait (moyens de subsistance suffisants pour assurer le séjour en France et garantir le retour dans le pays de résidence, adéquation entre les documents présentés, capacité de l'hébergeant à prendre en charge l'intéressée».
Un deuxième courrier a été adressé à un député français mobilisé en faveur de la cause de la dame marocaine le 13 octobre 2008, cette fois par Brice Hortefeux alors ministre de l'Immigration. Encore une fois, le ministre a confirmé les termes du premier courrier indiquant que l'intéressée ne satisfaisait pas à toutes les conditions requises pour la délivrance du visa sollicité. Dans la même lettre, Brice Hortefeux qui occupe actuellement le poste de ministre du Travail, des Relations sociales, de la Famille, de la Solidarité et de la Ville, affirme que le Maroc dispose de structures médicales adaptées à l'état de santé de Aïcha Mokhtari. Pourtant dans un rapport d'expertise, dont une copie est parvenue au journal le Matin, un chirurgien assermenté près la Cour d'appel d'Oujda affirme qu'après avoir entendu, examiné la patiente (Aicha), et discuté de son cas avec le Dr Abarrou Najib (médecin traitant), il ressort que Mokhtari présente un ostéosarcome du genou gauche avec métastases pulmonaires.

"Et son état nécessite une prise en charge à l'étranger", lit-on dans le rapport de l'expertise. De quoi réconforter les propos de Abdelaziz Mokhtari qui a porté l'affaire de sa sœur devant le conseil de l'Etat en France. Le hic, c'est que les jours et les mois s'égrènent très vite et l'état de santé de Aïcha ne cesse de se détériorer. La famille Mokhtari continuera-t-elle à faire face seule à son sort pendant encore plus de temps ? En tout cas, les responsables français au Maroc campent toujours sur leur position. Contactée par nos soins, l'ambassade de France n'a pas voulu commenter les raisons du refus de la demande de visa. «Tout ce que je peux vous dire, c'est que le dossier de Mme Mokhtari Aïcha, a été étudié par les services compétents. Et la décision a été prise sur la base des éléments du dossier fournis par la famille Mokhtari», a affirmé Karim Ben Cheikh, chef du service de presse à l'ambassade de France.

Tournant dans l'affaire

Abdelaziz Mokhtari soupçonne même que le dossier de sa sœur n'a pas été traité. Pour preuve, il cite un courriel qui lui a été adressé par un responsable. Ce dernier, qui a préféré garder l'anonymat, lui a assuré, après avoir consulté la base de données centrale, que le dossier n'a pas été introduit. "Ces informations nous ont poussés à formuler plusieurs questions. Sur quelle base le dossier de ma sœur a été étudié puis rejeté ? Pourquoi le dossier n'a pas été introduit ?», s'interroge Abdelaziz. Suite à ces informations, la famille Mokhtari a saisi le conseil d'Etat et la commission des recours. Par ailleurs, un courrier a également été adressé quelques jours auparavant au ministère de la Santé. La famille Mokhtari compte toujours sur le soutien et l'appui des responsables marocains.

Mohamed Badrane
Source: Le Matin

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