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Les routes marocaines encore plus meurtrières

Trop, c’est trop. Les routes marocaines sont meurtrières. Une réputation qui se confirme au fil des bilans. Déplorables, en effet, les dernières statistiques des trois premiers trimestres de l’année 2008.

La tendance, telle que dégagée par le Comité national de la prévention routière (CNPA), montre que le nombre d’accidents corporels a augmenté de 11% et celui des tués de 11,69% en comparaison avec la même période de 2007. Sur ces bases, le nombre des accidents aurait atteint 47.623 à fin septembre 2008 contre 42.904 recensés à la même date de l’année écoulée faisant 3.103 morts au lieu de 2.779 l’année passée.

Parallèlement les statistiques des blessés affichent aussi une forte progression: + 14,4% pour les légers et 6,5% pour les dommages graves.
En tout, 2007 a connu 58.924 accidents corporels en augmentation de 8,13% par rapport à l’année précédente causant la mort de 3.838 personnes, 12.406 blessés graves et 76.858 blessés légers. Selon le CNPA, près de ¾ des sinistres surviennent dans les agglomérations et ¼ en rase campagne. Mais ce dernier milieu occasionne plus de dégâts en termes de décès. Le constat est expliqué par le fait que les accidents hors agglomérations sont souvent conjugués à l’excès de vitesse. Par catégorie d’usagers impliqués, les plus vulnérables demeurent les piétons et les motocyclistes. Cependant, si une diminution des victimes parmi les piétons et les usagers des transports publics (bus et autocars) est constatée en 2007, les autres moyens de locomotion continuent de faire de plus en plus de victimes. Le nombre de tués parmi les usagers des deux roues a atteint 899 en 2007 et celui résultant des voitures de tourisme s’est élevé à 1.291 alors que les accidents des poids lourds ont donné lieu à 320 décès.

Niveau d’insécurité alarmant
L’analyse des statistiques des accidents de la route, durant les 10 dernières années (1998-2007), montre une évolution soutenue du risque routier. Mis à part une régression de 4% enregistrée en 2004 par rapport à l’année d’avant, la tendance à la hausse prévaut toujours. Le constat est que le Maroc détient un niveau d’insécurité routière alarmant. Le ratio de morts pour 1 million d’habitants s’avère en effet des plus élevés dans le monde. Il est de 123 contre 77 en France, 50 au Pays-Bas, 72 au Sénégal, 47 au Nigeria et 1,5 à Madagascar. Malgré un parc automobile et un taux de motorisation très réduits comparativement aux pays industrialisés, le Maroc présente des indicateurs de gravité très élevés. Le nombre de tués rapporté au parc automobile circulant est édifiant. D’après le CNPA, la route tue 18,2 fois plus au Maroc qu’en Suède, 13,5 fois plus qu’en France et 9,3 fois plus qu’aux Etats-Unis.

Selon la même source, les indices de la circulation, du réseau routier et du parc automobile, ont évolué diversement entre 1998 et 2007. Le parc a augmenté de près de 60% (passant de 1,5 million de véhicules à 2,3 millions), la circulation de 53% et le réseau routier d’à peine 13,7%. Mais entre l’infrastructure et la circulation, il y a aussi l’état du parc circulant. En moyenne, 47% des véhicules impliqués dans les accidents corporels ont plus de 10 ans d’âge et 33,5% dépassent 15 ans. Le constat s’aggrave encore pour les véhicules de transport public de voyageurs hors train. 44,5% des autocars, taxis et bus impliqués en sont âgés de plus de 10 ans et 30% dépassent les 15 ans.

Faut-il considérer toujours le facteur humain comme seul responsable de l’hécatombe causée par les routes nationales? Apparemment non. Il y a certes la vitesse, souvent exacerbée par l’usage de l’alcool, mais il y a aussi la situation des routes et l’état mécanique du parc circulant. Sans oublier, bien évidemment, la corruption qui permet la combinaison des circonstances aggravantes. Car, outre les drames que cela engendre, les accidents ont un coût socioéconomique très élevé. Toujours selon le CNPA, le prix à payer pour le Maroc est de l’ordre de 2% du PIB, soit 11,5 milliards de DH/an. Ce chiffre a été calculé sur la base du dernier rapport de l’Organisation mondiale de la santé qui évalue le coût pour les pays à développement similaire au Maroc. Cette année, tout porte à croire que l’augmentation des accidents et des morts sera encore plus élevée que prévu. Surtout le mois d’octobre qui, traditionnellement jugé plus meurtrier, a connu cette année de fortes intempéries.

Aziz Ghouibi
Source: L'Economiste

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