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Les Marocains d'Espagne refusent le retour volontaire

Les Marocains d'Espagne ne veulent pas quitter toute une vie pour une poignée d'euros. C'est ce que révèlent les résultats préliminaires d'un sondage d'opinion en cours en Espagne.

Etes-vous pour ou contre le retour volontaire au Maroc, et à quel prix le feriez-vous ? C'est le thème d'un sondage d'opinion que mène actuellement l'Association des travailleurs et immigrés marocains en Espagne (Atime). Objectif : recueillir les avis des premiers concernés par le «Plan de retour volontaire définitif» que propose Zapatero à plus de 500.000 Marocains en contrepartie d'«une prime».

Une proposition qui «horrifie» les membres d'Atime et de ses partenaires, qui ont tenu une conférence de presse, vendredi dernier à Casablanca, le jour même de la visite officielle qu'effectuait José Luis Rodriguez Zapatero au Maroc, pour revenir sur la traque espagnole contre la communauté maro­caine. «Nous avons préparé un questionnaire pour savoir à quel prix les Marocains seraient prêts à tout quitter», déclare Kamal Rahmouni, président d'Atime. Silence dans la salle, l'assistance attend de connaître le chiffre. Le président d Atime affiche un sourire avant de poursuivre : «Sur les 1.000 questionnaires remplis, pour le moment, aucun ne semble prêt à partir et, pour ce qui est du prix proposé par les questionnés, vous ne pouvez pas imaginer le nombre de zéros interminables exigés par les Marocains d'Espagne ... c'est vous dire que personne ne veut de ce retour». Une réaction attendue, et somme toute logique qui ne suscitait aucun doute chez ces militants associatifs pour qui verser une indemnité fixée à 11.000 euros en deux parties : 40% avant le départ et 60% après, question de garantir le départ effectif, n'a rien d'«humain». «Comment voulez-vous qu 'une personne qui a vécu dans un pays où elle a noué des relations, scolarisé ses. enfants... qui s'est tout simplement intégrée dans une société depuis des années, quitte tout cela pour une poignée d'euros ?», s'indigne Abdelhamid Bajjouki, membre d'Atime. Et de souligner, tout de même, que les Marocains d'Espagne restent libres quant à leur choix : «Nous ne sommes pas là pour contraindre les Marocains à faire un quelconque choix et nous ne sommes pas contre le fait qu 'ils reviennent s'ils le veulent».

L'ONG veut rester objective dans cette affaire, confiante, cependant, que le résultat du sondage aboutira à un 99,99% de «Non au Plan de retour volontaire». Car adhérer veut dire aussi renoncer aux permis de résidence, au travail et signer un engagement de ne plus remettre les pieds en Espagne pendant au moins trois ans. «Si la bonne majorité des Marocains a eu un mal fou à décrocher ses papiers, comment est-ce qu 'èlle pourrait y renoncer aussi facilement maintenant », se demande Abdelhamid Bajjouki. En somme, l'Espagne, aux yeux de ces militants associatifs, commet une grosse erreur qu'elle compte légitimer par sa crise économique.

Et ce ne sont pas seulement les ONG qui dénoncent cette incitation au retour, mais aussi le ministère des Affaires étrangères et de la coopération. Le directeur des relations bilatérales, Youssef Amrani, ne laisse planer aucun doute quant à la position marocaine : «Il faut abandonner l'idée de retour comme moyen de promotion du développement et encourager la migration circulaire et la mobilité des personnes qui permettront à des Africains de se former ou de se perfectionner en Europe avant de retourner dans leur pays», a notamment déclaré le responsable marocain à Dakar, au cours de la rencontre préparatoire à la 2e conférence ministérielle euro-africaine, qui se tiendra en octobre prochain à Paris.

En attendant, dans le cercle associatif, les protestations se poursuivent contre la traque dont font l'objet les Marocains en Espagne. «Le gouvernement Zapatero veut faire peur aux Marocains, les humilier pour les inciter à partir et c'est pour cela qu 'il a lancé cette opération policière du 27juin. 900 Marocains ont été interpellés sans aucun motif... sauf leur couleur!», s'indigne ce membre de l'Atime qui a crié et crie toujours contre l'inertie de la diplomatie marocaine quant à cette opération musclée à Tore Pacheco. «Si ce n'était pas aussi grave, le gouverneur de cette localité n'aurait pas présenté ses excuses et si nous n'avions pas dénoncé ces actes en organisant une marche à Murcie le 7 juillet, cette campagne policière aurait frappé d'autres localités, Il était prévu que ces opérations soient systématiques. Nous voulons juste que le Maroc prenne une position claire comme c'est le cas pour la Hollande», affirme Abdelhamid Bajjouki. Alors, pour faire bouger les responsables marocains, Atime a tenu, tout au long de la semaine dernière, une série de réunions avec des responsables de différents départements. Ahmed Herzenni, président du CCDH, Jamal Rhmani, ministre de l'Emploi, Mohamed Ameur, ministre chargé des MRE, deux hauts responsables au ministère de l'Intérieur, ainsi que des militants de différentes associations. «Nous leur avons décrit la situation et souligné la nécessité pour le gouvernement d'avoir une réaction officielle dénonçant ces violations commises à l'encontre des Marocains d'Espagne. Mais on nous a expliqué que ce n'était pas une tâche facile», indique le président de l'Atime sans plus de précisions. Et de souligner que ces réunions, même si elles n'ont pas abouti à la prise en compte de la revendication principale (réaction officielle) sont tout de mêmes positives, dans la mesure où elles ont permis à l'association d'informer l'ensemble des parties concernées. «Nous dresserons un rapport complet sur les événements pour le présenter au Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) et ensuite ce sera au président de ce dernier de réagir», affirme Kamal Rahmouni, également membre du CCME. La solidarité avec les Marocains d'Espagne doit être accompagnée d'un acte politique et diplomatique clair. Pour l'Atime, cela va de la légitimité même du Maroc vis-à-vis de ses résidents à l'étranger. «La visite de Zapatero au Maroc ne peut pas justifier ce silence, qui n'a que trop duré. Il ne suffit pas de souhaiter la bienvenue aux MRE, il faut surtout protéger leur dignité et cette dignité a été bafouée en Espagne et elle l'est toujours, tant qu 'il n'y a pas de dénonciation officielle. Nous ne demandons pas la suspension de nos relations diplomatiques, mais juste le respect des droits de l'homme», lance ce membre de l'Atime, qui attend avec impatience les explications que devrait présenter le ministre de l'Intérieur espagnol au Parlement à l'appel du Parti populaire espagnol, cette semaine.

Appel aux partis politiques

Atime appelle les partis politiques à s'impliquer pour le respect de la dignité des Marocains d'Espagne L'association rappelle que ce n'est pas la première fois que les Marocains font l'objet d'opérations policières musclées faisant référence aux événements d'El Ejido qui ont laissé «une grosse plaie qui n'a jamais été pansée», soulignent l'Atime et ses partenaires, dont l'Association des amis et familles des victimes de l'immigration clandestine (AFVIC au siège duquel s'est tenue la conférence de presse). Atime affirme que les partis politiques ont un rôle primordial à jouer dans ce qui vient de se passer à Murcie en interpellant le gouvernement à ce sujet au cours des questions orales à la Chambre des représentants, par exemple.

La balle est dans le camp des partis politiques, à présent. L'Atime se dit prête à toute suggestion :«Nous pouvons revenir à chaque fois qu 'on nous le demande», déclare son président.

Leïla Hallaoui
Source: Le Soir Echos

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