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Aïcha, la miraculée de l'incendie de Lissasfa

Elle fait partie des rescapés de ce terrible incendie de l'usine de Lissasfa qui a fait 55 morts. Aïcha raconte l'enfer et comment elle en a échappé.

Lundi 28 avril, centre hospitalier Ibn Rochd. C'est au pavillon 25, au premier étage réservé à la pneumologie, que sont hospitalisés trois des blessés de l'incendie de l'usine d'ameublement de L.issasfa, deux pompiers et une ouvrière, Aïcha Bakhadir. Le personnel médical, mais aussi les malades hospitalisés ne parlent que de cette jeune fille. On l'appelle «la miraculée !». Elle a échappé à l'enfer où elle pensait périr. Aïcha, 28 ans, travaillait ce samedi noir dans cette usine de Lissasfa lorsque le feu s'est déclaré et a dévoré tout le bâtiment. «Je n'oublierai jamais ce jour-là, j'ai perdu trois membres de ma famille et je ne réalise toujours pas que je suis en vie !» confie-t-elle. Assise sur son lit, le bras droit bandé, Aïcha est toute seule. Elle n' a reçu la visite d'aucun de ses proches, aujourd'hui. Sa famille doit enterrer trois des siens qui ont péri dans l'incendie, comme plusieurs autres à Lissasfa, Sidi Mâarouf , Hay Nassim et autres quartiers casablancais où habitaient les victimes.

Aïcha raconte le cauchemar qu'elle a partagé avec une centaine de personnes, ses collègues, dont elle n'a plus retrouvé la trace. «Nous étions, comme d'habitude, au quatrième étage en train de coudre des articles de tapisserie quand nous avons entendu quelqu'un dire qu'il y avait un drôle de son, comme un sifflement», raconte-t-elle. «Un sifflement», personne n'avait compris ou même imaginé que cet homme avait senti un danger. Il était 9h45, selon cette jeune fille, lorsque cet employé a fait part de sa remarque à ses camarades plongés dans le travail. Personne ne lui a accordé d'intérêt et une heure après, le feu s'est déclaré. Il y aurait eu un court-circuit, mais rien ne le confirme pour le moment. «Nous étions une quarantaine dans cet étage et la majorité est descendue pour fuir. Nous étions juste quelques-uns à avoir pris les escaliers menant vers la terrasse. Un de nos collègues nous a éclairé le chemin avec son portable», raconte Aïcha. Dans l'obscurité totale, la jeune fille et quelques-unes de ses camarades, prises de panique, cherchent une issue : «Nous ne savions pas quoi faire. Les fenêtres portaient des grillages et il n'y avait pas d'escaliers externes». Que faire ? Le feu entre deux escaliers, les cris, 1es suffocations... L'enfer ! «Le patron ordonnait aux employés de sauver la marchandise en premier et tous ceux qui se sont exécutés y ont laissé leur vie», s'indigne Aïcha qui, avec son petit groupe, trouve une échelle laissée par des maçons. «Il y avait des travaux pour la construction d'une buvette, d'après ce que je sais», précise-t-elle. Alertés par les cris, les habitants entourent le bâtiment en feu et tentent de venir en aide aux prisonniers des flammes. Des voisins lancent une corde à ce petit groupe sur la terrasse qui l'attache à l'échelle avant d'en faire une sorte de pont vers le bâtiment d'à côté. «Je me disais que c'était l'unique solution. Que j'allais peut-être me casser le bras ou la jambe, mais je n'avais plus le temps de réfléchir», confie la rescapée qui s'en est sortie avec des égratignures. C'est après avoir quitté l'enfer qu'elle découvre que la bonne majorité de ses collègues n'a pas eu sa chance, que ses proches ont été tués. «Pour moi, au moins 200 personnes seraient mortes dans cet incendie», affirme Aïcha, les larmes aux yeux, avant de poursuivre : «Dès que je suis sortie du feu, des parents sont venus en courant vers moi pour me montrer la photo de leur fils ou de leur fille en me demandant si je l'avais vu et s'il était vivant... Je ne peux pas oublier cela».

Quel soutien psychologique ?
Le Centre psychiatrique universitaire Ibn Rochd a assuré la prise en charge psychologique des victimes de l'incendie de Lissasfa. Le Dr. Ibrahim Abouyahya, qui y travaille, a fait partie d'une équipe de six spécialistes ayant apporté un soutien psychologique aux victimes, le week-end dernier, au centre hospitalier provincial El Hassani. «L'impact d'un tel événement entraîne un stress aigu avec un débordement émotionnel qui dépend de la vulnérabilité de chacun», explique le médecin. Samedi, les entretiens de soutien psychologique se sont poursuivis bien au-delà de minuit. «Dès qu'on s'exprime, on se soulage, et nos entretiens avec chacune des victimes portaient sur cet objectif», indique ce psychiatre, précisant que l'ensemble de l'équipe a donné ses coordonnées aux victimes.

Leïla Hallaoui
Source: Le Soir Echos

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