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Droits humains. Le Maroc au grand oral à Genève

Le Maroc est l'un des pays appelés à s'exprimer devant le conseil des droits de l'Homme à Genève. Les ONG ont déjà affûtés leurs armes. Tour d'horizon.

Le Maroc fait partie des 16 pays qui doivent s'exprimer devant la première session de l'examen périodique universel du Conseil des droits de l'Homme, un nouveau mécanisme instauré par cet organisme onusien mis en place il y a deux années. Si le rapport officiel aura droit de cité lors de ce grand oral se déroulant sous la forme d'un débat de trois heures sous la supervision de 47 membres du CDH, les ONG auront, elles aussi, leur mot à dire. Et on dispose déjà d'un avant-goût de ce que celles marocaines ont préparé à cette occasion : des rapports périodiques parallèles recensant moult dépassements, mais aussi une série de recommandations. L'AMDH (Association marocaine des droits humains) attaque sur trois fronts. Pour l'ONG présidée par Khadija Ryadi, il s'agit d'abord de relever le problème de toutes les conventions internationales non encore ratifiées par le Maroc et, en premier lieu, celle relative à la Cour pénale internationale, la convention sur l'abrogation de la peine de mort, et aussi tous les textes ratifiés par le royaume, mais qui se trouvent vidés de leur substance à force de réserves émises par Rabat. Selon Abdelhamid Amine, vice-président de cette ONG, l'AMDH compte aussi soulever le problème de l'adéquation des législations nationales avec les conventions ratifiées par le Maroc. C'est le cas par exemple, relève notre source, de la loi antiterroriste, du code de la presse et même du code de la famille, présenté officiellement comme une grande révolution dans le monde arabe et islamique.

Enfin, l'AMDH ambitionne d'exposer les graves violations qui continuent à être perpétrées au Maroc concernant le Sahara, les libertés publiques, la répression des sit-in et les violations des droits des travailleurs. «Nous allons relever dans ce sen s la grave régression dans l'application du code du travail», affirme A. Aminé. L'OMDH, qui pour l'occasion a élaboré son rapport parallèle avec la FIDH, n'y va pas de main morte non plus et relève, entre autres, que la torture reste une pratique courante qui entraîne même des décès, malgré l'adoption d'une loi criminalisant la torture. L'ONG présidée par Amina Bouayyach demande, dans ce sens des enquêtes impartiales sans délai» sur toutes les allégations de torture. Cette ONG condamne aussi le retard pris dans la mise en place du Plan d'action national pour les droits de l'Homme, retard qui, à son tour, «entrave l'élaboration d'une stratégie global et cohérente de promotion et de protection des droits humains. Pour rester sur le volet des recommandations, l'OMDH et la FIDH demandent la création d'un mécanisme de contrôle indépendant des lieux de détention. Les deux ONG s'intéressent aussi au sort des réfugiés et des immigrants en revendiquant une loi sur l'asile et l'amendement de la loi sur l'entrée et le séjour des étrangers au Maroc. L'OMDH et la FEDH évoquent également la nécessaire révision du code de la presse dans le sens de l'abrogation de «toutes les dispositions contraires ou restrictives de la liberté d'expression , notamment celles qui prévoient des peines d'emprisonnement», mais aussi la promulgation d'une loi relative à l'accès à l'information. La justice n'échappe pas aux remontrances du rapport parallèle de ces deux ONG qui recommandent au royaume de «prendre les mesures nécessaire s pour garantir l'indépendance et l'impartialité de la magistrature». Le Maroc devait présenter son rapport, une vingtaine de pages, hier en début d'après-midi. En face, le rapport officiel aura ceux de l'OMDH, de l'AMDH, mais aussi du CMDH et de la LADH (Ligue amazighe des droits de l'Homme), ONG dont les observations et recommandations ont fait l'objet d'une synthèse.

Les Amazighs s'y mettent

Outre la Ligue amazighe des droits de l'Homme, la «touche» amazighe est très présente à Genève avec, entre autres, un rapport parallèle élaboré par le Réseau amazigh pour la citoyenneté, que dirige l'avocat Ahmed Arehmouch. Et dès le départ le ton est donné via quelques pages stigmatisant une série de textes de loi consacrant «une politique législative raciste». A commencer par la Constitution qui sacralise la langue arabe avant d'aligner un interminable listing de faits relatifs au même sujet, que ce soit pour ce qui est de la législation relative à la nationalité que pour celle relative à la justice.

Le Réseau amazigh pour la citoyenneté enchaîne avec ce qu'il considère comme étant des manquements aux engagements internationaux du Maroc en faveur des droits de base, mais toujours en relation avec l'amazigh : enseignement, médias, condition des femmes, préservation du patrimoine...

En annexe de son rapport, le Réseau Amazigh pour la citoyenneté cite des dizaines de cas où les droits des amazighs avaient été bafoués : une liste de prénoms amazighs refusés par l'administration, des interdictions ayant visé des rassemblements, des rencontres publiques ou la constitution d'associations. Mais aussi, fait notable, la «négligence» des populations de Anefgou, Anemsi et Tounfit aux prises «avec des épidémies, l'hiver dernier». Sans surprise, l'on retrouve dans le même rapport les péripéties de la procédure initiée par le ministère de l'Intérieur pour la dissolution du PADM (Parti amazigh démocratique marocain) de Ahmed Dgherni et la série de procès qui ont visé des étudiants amazighs dans plusieurs localités du pays.

Mohammed Boudarham
Source: Le Soir Echo

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