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Mobilisation contre la xénophobie à Sartène

Fuyant la violence raciste, trois cents familles marocaines ont quitté l’île. Le PCF appelle à un rassemblement.

L’arrestation d’activistes présumés du groupuscule Clandestini Corsi, des jeunes gens ordinaires de Bastia et Borgo, pouvait laisser espérer une accalmie des actes xénophobes dans l’île. Au contraire, c’est à une escalade dans la violence fasciste à laquelle la Corse, partagée entre stupéfaction et inquiétude, a assisté fin novembre.

Parmi les faits les plus graves : des coups de feu et bouteilles incendiaires contre une villa occupée par une famille d’origine tunisienne et des tirs de balles de 9 mm à travers la porte d’une maison faisant office, pour les musulmans, de lieu de prière, avec inscription sur la chaussée attenante d’une croix gammée. Le procureur d’Ajaccio a fait ouvrir, concernant ce dernier cas, une enquête pour « tentative d’assassinat », l’imam de Sartène, Mohamed El Atrache, n’ayant dû son salut qu’à son refus prudent d’ouvrir sa porte.

Ces agressions s’ajoutent aux cinquante-six actes de violences à caractère raciste et xénophobe recensés depuis septembre 2003 en Corse par Amnesty International. Les deux tiers ont visé des Maghrébins. Depuis le 1er janvier de cette année, a indiqué le préfet Pierre-René Lemas, une quarantaine de Marocains et Tunisiens ont été pris à partie, les enquêtes en cours devant faire la part des choses entre le crime raciste et le simple délit de droit commun. Certes, mais il n’empêche qu’un « climat » plutôt malsain règne sur l’île. Exemple significatif : toute une classe de cinquième a rendu feuille blanche à une « interro » portant sur l’histoire de l’islam.

La Corse, où le FN et la nébuleuse nationaliste locale occupent grosso modo le même espace politique, détient sans doute le record des graffitis « Arabes dehors ! » (Arabi fora !), prolongement raciste de l’infâme « IFF » (i Francesi fora, les Français dehors) que les nationalistes qui se plaignent en retour d’un racisme anticorse se refusent toujours à condamner.

Si le baromètre de la xénophobie militante est le score électoral de l’extrême droite, effectivement l’île de Beauté ne rejette « l’autre », ni plus ni moins qu’une autre région de France ou d’Europe. Les agressions contre les Maghrébins y sont cependant plus féroces qu’ailleurs. Pour le préfet de Corse, « nous sommes là, face à des populations jeunes en perte de repères et qui projettent cette haine de l’étranger comme une manière d’exprimer un mal-être profond ». Jean-Claude Graziani, le secrétaire régional de la CGT, explique, pour sa part : « En plus de la violence économique de l’ultralibéralisme qui mène au repli sur soi, la jeunesse baigne dans trente années de violences politiques banalisées en Corse. »

Tout en essayant d’analyser les causes de cette marée noire, la Corse humaniste tente d’y faire face au mieux. Une « semaine de la fraternité » va être organisée dans tous les établissements scolaires de l’île avant Noël. À Sartène, les somptueux chants polyphoniques du choeur d’hommes dirigé par Jean-Paul Poletti, le fondateur de Canta U Populu Corsu, ont résonné, en témoignage de soutien, au siège de l’association culturelle marocaine.

Et dans « la plus corse des villes corses » (Mérimée) est - organisé par Dominique Bucchini et ses camarades - communistes un rassemblement antiraciste. Devraient s’y joindre le PS de Sartène, la CGT et des associations comme Ava Basta. Tous conscients qu’il y a urgence : 300 familles marocaines ont fui la Corse ces derniers temps.

Philippe Jérôme
L'Humanité

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