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Voyage dans l'empire de l'incivisme

Ordures, pollution sonore et irrespect total d'autrui… les exemples ne manquent pas. Casablanca, samedi après-midi sur la corniche, les voitures grandes et petites roulent tranquillement comme d'habitude en cette saison printanière. Jusque-là, rien d'anormal. Nous voici au feu rouge, les quelques véhicules s'arrêtent, notamment une BMW, dernier cri, vitres fumées.

La vitre du passager a été légèrement descendue et une main, visiblement celle d'une femme, se tend pour, comble d'absurdité, jeter une couche pour bébé. Oui, une bonne couche bien souillée par-dessus bord sur la corniche casablancaise au beau milieu d'un après-midi ensoleillé. La vitre a été, le plus naturellement du monde, remontée et la belle voiture a démarré en trombe. Osez dire que ce n'est pas choquant.

Pourtant, les autres véhicules ont aussi démarré et les passants ont continué leur bonhomme de chemin comme si de rien n'était. Bien loin de là, vers la fin de la matinée, dans une petite ville du Nord, connue pour sa tranquillité et sa propreté, une dame, la cinquantaine, est en train de faire son ménage. Son balai encore à la main, elle ouvre sa porte et se débarrasse des saletés collectées à moins de deux mètres de son palier.

Un spectacle qui fait partie de notre quotidien, au point de devenir coutume et qui bien entendu est loin de nous choquer. «C'est normal, il faut bien chasser la saleté de chez-soi », rétorque la dame, quitte à la placer devant la porte, comme si la rue, c'était chez les autres. Du coup, il n'y a pas de raison de se mettre dans une colère noire si vous venez de recevoir un sac plein d'ordures sur la tête en passant par une ruelle ou derrière une cité.

C'est juste qu'on n'a pas trop envie de descendre la poubelle. Par le balcon c'est plus rapide, comme vous pourrez alors en attester! Crachats, mégots de cigarettes, mouchoirs en papier, peaux de banane, gobelets, chewing-gums … garnissent nos routes et nos chaussées et souvent aussi le dessous des tables dans les cafés et restaurants. Les Marocains ne se gênent de se débarrasser de tout, sur place. Pas besoin de se prendre la tête et de chercher une poubelle, d'ailleurs ce n'est pas ce que l'on trouve le plus rapidement. Il ne faut pas être madame ou monsieur «Vert» pour être sidéré devant de telles scènes, il suffit d'être citoyen.

Ceci pour les ordures et la saleté. Allons du côté du bruit. Engueulades et cris à ne plus en finir, ou encore éclats de joie auxquels s'ajoute un orchestre philharmonique en pleine répétition chez les voisins de palier, klaxons à minuit passé de chauffards en colère, mariage dans l'immeuble d'en face, d'une simple soirée entre amis ou des talons aiguilles de la voisine d'en haut qui reçoit du monde, ... Et un seul point commun : aucun respect pour autrui ! Il est tout aussi courant dans nos villes de subir des nuits blanches à cause du bruit de l'incivisme.

Ce ne sont pas les exemples de ce fléau qui ronge notre société qui manquent. C'est affolant à constater, mais nos compatriotes sont incapables de se tenir convenablement dans une file d'attente. Pour prendre le bus, admettons que la pression d'arriver à l'heure au bureau peut excuser la bousculade. Idem pour les taxis, grands ou petits, c'est toujours les plus forts, physiquement bien sûr, qui montent en premier.

Mais que dire quand c'est la queue devant un guichet de cinéma pour simplement voir un film ou assister à un spectacle ou encore à l'entrée d'un concert en plein air. Là, il n'y a aucune raison, ni d'excuse pour ne pas attendre son tour et de tout faire pour passer en premier.

Et pourtant, la file d'attente devient forcément une piste de course où personne ne respecte son couloir. Sur nos routes, ce n'est pas la joie non plus. Plan de séquence en plongée : les automobilistes s'adonnent à une discipline d'hiver et deviennent des skieurs professionnels spécialisés dans le slalom. A quoi bon respecter la priorité, le code de la route ou la multitude de lignes et de traits qui «décorent» le bitume ? L'essentiel encore une fois, c'est d'être le premier. Seul garde-fou, le policier faisant le guet au rond-point ou dans un coin bien caché.

Les piétons, reconnaissons-le, sont les plus lésés par cette anarchie de conduite, mais la responsabilité reste partagée. Les passages piétons ne sont certes pas respectés par les automobilistes, mais les chaussées sont aussi prises d'assaut par les piétons n'importe comment et n'importe quand. Bonjour la mêlée sans l'arbitre. Conclusion : le non civisme est le maître mot de notre quotidien.


La répression, une solution efficace
Partout et tous les jours, l'incivisme règne et pourtant rien n'est fait pour arrêter l'hémorragie. Des lois existent pour réguler la vie dans la cité, mais sont-elles toutes appliquées ? A-t-on besoin de voir écrites sur les murs de nos villes des consignes indiquant que les chaussées et les murailles ne sont pas des urinoirs ?
Sous d'autres cieux, on paie une contravention de 50 dollars si on ose cracher dans la rue.

A ce tarif, les caisses de l'Etat marocain auraient été pleines à craquer. Certes, des chantiers énormes sont ouverts, notamment la guerre contre l'analphabétisme, mais ne doit-on pas lancer une guerre contre les mauvaises manières et le non-respect d'autrui ? Nous sommes appelés à recevoir 10 millions de touristes en 2010, dans à peine trois ans, le délai est court.

Et comme il n'est jamais trop tard pour bien faire, préparons le terrain pour 2020 en sauvant les nouvelles générations. Les bancs de classe sont le meilleur lieu pour apprendre, alors pourquoi pas des cours de civisme dans le programme de l'Education nationale ?

Et puis, pour le reste, peut-être que des agents verbalisateurs feront l'affaire, le port de ceinture en est le parfait exemple. Pour ne pas payer 100 DH d'amende, les automobilistes mettent bien leur ceinture.

Fatim-Zohra H. Alaoui
Source: Le Matin

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