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Les routes les plus meurtrières du Maroc

80% des accidents mortels ont lieu sur des tronçons qui totalisent 180 km pour un réseau national qui en compte 35 000. Vitesse élevée, surcharge technique, état mécanique des véhicules et dépassement dangereux restent les principales causes des accidents. Pour mettre fin à cette hécatombe, une enveloppe de 131 MDH est engagée pour réaménager les treize points dangereux identifiés.

Ce n’est un secret pour personne. Les routes marocaines sont parmi les plus meurtrières au monde. Depuis le temps que le constat est fait, et au fil des statistiques, études et analyses, les causes des accidents sur nos routes sont aujourd’hui connues. Traditionnellement, elles se résument pour le Maroc en cinq facteurs : la vitesse, la surcharge technique, l’état mécanique des véhicules, le dépassement dangereux et, dans une moindre mesure, les défaillances humaines (maladies, manque de sommeil, état d’ébriété, etc.). C’est du moins ce qui ressort dans les statistiques officielles. Lutter efficacement contre le fléau des accidents de la route implique donc la nécessité d’un contrôle plus sévère et d’un resserrement au niveau de la législation - le code de la route actuel date de 1953.

Mais, à cela, il faut ajouter un autre élément, exogène cette fois-ci : l’état des routes. Non pas que toutes les routes sont dans un mauvais état mais plutôt parce que les lieux où il y a eu le plus d’accidents sont constitués de tronçons soit mal conçus soit mal entretenus. Aujourd’hui, trois ans après la mise en œuvre du PSIU (Plan stratégique intégré d’urgence de la sécurité routière), on connaît à peu près tout du fléau des accidents de la circulation : leurs causes, les routes et précisément les tronçons les plus meurtriers sur la carte.

Aujourd’hui, on peut classer les routes marocaines en cinq catégories selon le nombre d’accidents par kilomètre et par an. Sont considérées comme très dangereuses celles où l’on dénombre plus de 10 accidents par km, dangereuses celles où ce nombre se situe entre 6 et 10, moyennement dangereuses (entre 3 et 6) et faibles (moins de 3). Toutefois, et dans l’absolu, treize points ou tronçons accaparent à eux seuls la majorité des accidents enregistrés hors des périmètres urbains. En attestent d’ailleurs les chiffres, là aussi officiels, du ministère de l’équipement et du comité national de la prévention des accidents de la circulation (CNPAC). Ainsi, sur une période de 7 ans, les sections de routes où la vitesse est le facteur prédominant des accidents totalisent à peine 180 kilomètres d’un réseau routier qui en compte 35 000 kilomètres. 80% des accidents mortels en rase campagne ont lieu sur ces tronçons pour des raisons diverses. La majorité de ces points noirs est située surtout dans la partie Nord du pays.

En dehors des actions de contrôle et de prévention, l’Etat essaie aujourd’hui de remédier à cet état de fait en corrigeant l’état physique des routes sur les tronçons incriminés. Des travaux de réaménagement (doublement des voies, carrefours, tracés, murets, etc.) sont d’ailleurs engagés sur les 13 points noirs identifiés avec un montant d’investissement de 131 MDH pour une trentaine de petits projets.

Cela dit, même en mettant l’accent sur l’entretien et/ou la réfection des tronçons incriminés, est-on sûr de faire baisser significativement le nombre d’accidents mortels? Des efforts colossaux ont été consentis ces dernières années pour lutter contre les accidents de la circulation... en vain. On le constate, les Marocains sont pratiquement imperméables aux campagnes de sensibilisation contre les risques d’accidents de la circulation sous toutes leurs formes, et ont, face au contrôle, des attitudes incompréhensibles. Ils remettent tout en question, la police, la gendarmerie, les routes, et n’hésitent pas à solliciter leurs proches, familles, amis ou connaissances, pour échapper aux sanctions. En un mot : la lutte contre les accidents de la circulation n’a pas encore l’adhésion du citoyen.

On croyait avoir infléchi la tendance en 2004 et 2005
Résultat : un état des lieux toujours catastrophique, car même si on a cru un moment, notamment après le lancement, en avril 2004, du PSIU, avoir réussi à infléchir la tendance en 2004 et 2005, on a assisté en 2006 à un retour à la case départ et à une recrudescence des accidents graves, notamment durant la période estivale. En effet, 2005 s’était soldée par une quasi-stagnation du nombre d’accidents (+0,25%) par rapport à 2004, avec une baisse nette du nombre de tués (-7,11%) et du nombre de blessés graves (-11,37%) et celui des blessés légers (-2,2%).

L’embellie n’a été que de courte durée, car les statistiques provisoires de 2006 nous font faire un véritable bond en arrière avec une augmentation de 5,22 % des accidents corporels, se traduisant par plus de morts et de blessés graves, respectivement +4,17% et +2,14%, les blessés légers ayant vu leur nombre augmenter de 8,22% par rapport à 2005. On apprend aussi que, sur les 16 régions du Royaume, 12 ont enregistré une augmentation du nombre de tués, mais ces augmentations sont données en pourcentage seulement, ce qui ne donne pas une idée précise de la situation, c’est-à-dire le nombre exact de tués.

En outre, même si l’on sait, par exemple, que le nombre de tués a augmenté de 46,96 % dans la région de Fès-Boulemane et de 6,09% dans la région de Marrakech-Tensift-Al Haouz, les statistiques ne nous renseignent pas sur le nombre exact de tués sur les routes de ces deux régions. Le ministre du transport et de l’équipement n’a pas hésité, pour expliquer cette recrudescence des accidents, à montrer du doigt la circulaire de son homologue de la justice qui avait interdit aux agents d’autorité le retrait du permis de conduire, circulaire sur laquelle les pouvoirs publics sont revenus depuis.

Région de Fès : le nombre de tués a augmenté de 47 % en 2006
Par ailleurs, et c’est un constat, entre mai 2004 et novembre 2006, sur 27 rapports d’enquête sur les accidents graves impliquant notamment des véhicules de transport de voyageurs transmis par le ministère du transport à celui de la justice, on comptabilise pas moins de 209 tués, soit l’équivalent de plus de 4,3 autocars complets sans parler des blessés graves, ce qui devrait normalement inciter les pouvoirs publics à s’attaquer sérieusement à la réforme du transport de voyageurs d’une manière plus sérieuse. C’est peut-être une des clés de la réduction de l’hécatombe.

Focus: 3 600 tués et 12 000 blessés graves par an
Si en 2006 le nombre de morts a atteint 3 622 personnes, sur les 7 dernières années, les accidents de la circulation ont tué, chaque année, en moyenne, quelque 3 617 personnes et handicapé quelque 12 000 blessés graves. Le coût annuel pour la communauté s’élève chaque année à 11 milliards de dirhams, soit 2,5% du PIB. Il faut savoir aussi que chaque tué sur les routes coûte directement aux assurances un million de dirhams en moyenne.

Le PSIU, Plan stratégique intégré d’urgence, adopté en novembre 2003 et mis en œuvre en avril de l’année suivante, visait dans un premier temps à stabiliser le fléau et mettre sur pied les bases d’une politique globale pour infléchir le nombre d’accidents. Le premier plan d’action triennal se décline en plusieurs points dont, entre autres, la gestion coordonnée de la sécurité routière (harmonisation entre les différents intervenants), une législation moderne car la plupart des textes sont anciens et inadaptés, un contrôle efficace et crédible et des sanctions conséquentes et dissuasives. S’y ajoutent des actions de formation, d’amélioration des infrastructures et des voiries et de grandes campagnes de sensibilisation.

Il faudra attendre la promulgation du texte majeur, en l’occurrence le nouveau code de la route, en espérant qu’il contribuera à arrêter l’hémorragie.

Mohamed Moujahid
Source: La Vie Eco

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