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Des lois pour lutter contre la corruption au Maroc en attendant mieux

Six Marocains sur dix ont donné des pots-de-vin durant l’année dernière. Le constat, qui enfonce le Maroc dans le classement des pays les plus corrompus du monde, a été révélé par le rapport sur le baromètre de la corruption pour l’année 2006 de l’association Transparency International. Selon ce rapport, qui a été publié en décembre dernier, le Royaume vient en seconde position après l’Albanie. Bien décidé à prendre le taureau par les cornes, le gouvernement a adopté quelques projets de loi visant à redorer le blason d’un Maroc pointé du doigt en matière de corruption.

Il s’agit de cinq textes dont trois relatifs à la déclaration de patrimoine des membres de la Chambre des conseillers, celle des représentants, de certains élus des conseils locaux et de certaines catégories de fonctionnaires ou agents publics. Les deux autres projets traitent des déclarations des membres du Conseil constitutionnel et des magistrats des juridictions financières. «Ces projets sont destinés à instaurer un régime juridique visant à dissuader et prévenir contre la corruption et le trafic d’influence», soulignent ces projets qui ne sont pas encore discutés au niveau du Parlement. «D’ailleurs, leur discussion ne saurait tarder et elle promet d’être houleuse eu égard à l’importance de ce dispositif», confie un parlementaire. Ces textes visent également à abolir les dispositions de la loi 25-92 en vigueur à ce jour. Datant du 6 janvier 1993, ce texte prévoit et réglemente la déclaration des biens immobiliers et valeurs mobilières appartenant aux fonctionnaires et agents d’Etat, des membres du gouvernement, de la Chambre des représentants et des Chambres professionnelles.

Pour quelles raisons une nouvelle loi est-elle donc en projet? Le texte en vigueur est-il insuffisant? «Certainement», répond Abdelhamid Awad, ex-ministre du Plan et chef du groupe istiqlalien à la Chambre des représentants. Faisant de la lutte anticorruption son cheval de bataille, Awad et son groupe parlementaire avaient présenté, en 2004, une proposition de loi visant l’amendement de la loi 25-92, mais cette proposition est restée lettre morte.

Résumée en neuf article, la loi 25-92 ne prévoit aucun mécanisme pour analyser les déclarations du patrimoine des personnes qui y sont soumises. Selon l’actuelle procédure, ces déclarations sont effectuées auprès du Premier ministre, ou du président de la Chambre des représentants ainsi qu’à l’autorité de tutelle de l’organisme dont ces personnes relèvent. Rien sur l’autorité chargée d’étudier ces déclarations, ni sur les procédures judiciaires à suivre en cas de soupçon de corruption. De plus, la loi 25-92 prévoit uniquement des sanctions disciplinaires en cas de défaut de déclaration. Autant dire que l’actuel texte est tout simplement inefficace.

Les projets de loi présentés par le gouvernement, et dont L’Economiste détient copie, apportent une grande nouveauté en la matière. «Les déclarations doivent être déposées auprès de la Cour des comptes dans un délai maximum de 60 jours suivant la législature ou l’entrée en fonction des personnes concernées par cette procédure». Cette déclaration est exigible en début de législature ou après la proclamation du résultat pour les représentants, les conseillers et certains élus locaux. Renouvelable une fois par an et tous les mois de février, elle doit également être effectuée à la fin de chaque mandat ou fonction pour une raison autre que le décès. Le défaut de déclaration entraîne une mise en demeure par le premier président de la Cour des comptes et examen de l’affaire par un conseiller rapporteur. Une fois la déclaration déposée, elle peut faire l’objet d’une analyse par les conseillers de la Cour des comptes. En cas de doute sur une déclaration, le président de cette instance enjoint à l’intéressé de fournir toutes explications ou justifications nécessaires. «Lorsque le rapport du conseiller rapporteur fait ressortir des faits constitutifs d’infractions à la loi pénale, le procureur général du Roi près la Cour des comptes, à la demande du président de cette instance, saisit, le cas échéant, l’autorité judiciaire desdits faits». Outre d’éventuelles poursuites judiciaires, le membre défaillant est déchu de plein droit par décision du Conseil constitutionnel pour les membres de ce dernier ainsi que ceux des deux chambres parlementaires. Les magistrats défaillants sont, quant à eux, présentés devant le Conseil de la magistrature des juridictions financières.

Les biens soumis à déclaration
S’il est adopté dans sa mouture actuelle, le texte sur la déclaration du patrimoine concernera les biens meubles et immeubles des personnes précitées. Il s’agit notamment des dépôts sur les comptes bancaires, les titres, les participations dans les sociétés et autres valeurs mobilières (actions en Bourse) et les biens reçus par voie d’héritage. Le projet de texte parle également «des véhicules automobiles, des prêts contractés auprès des établissements de crédit et les objets d’art et d’antiquité dont l’assujetti est propriétaire, copropriétaire ou gestionnaire à quelques titres que ce soit, notamment pour son conjoint, de ses ascendants ou descendants mineurs ou majeurs».

Naoufal Belghazi
Source: L'Economiste

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