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Un changement de politique environnementale au Maroc ?

Il n’est jamais trop tard pour bien faire! Le Parlement a enfin daigné se pencher, durant sa session printanière, sur le projet de loi n° 28-00 relatif à la gestion des déchets et à leur élimination. Comme quoi le printemps stimule la fibre écologique de nos législateurs! Le projet a été enfin adopté, le 13 juillet dernier, par la Chambre des représentants. A noter que la première mouture du texte date de 1995! Selon des sources parlementaires, «le projet de loi ne risque pas de traîner cette fois-ci; il serait promulgué au plus tard l’année prochaine».

Le projet réglemente plusieurs volets. Dès le 1er chapitre, les préoccupations environnementales sont soulignées, mettant l’accent sur la sensibilisation des citoyens. Le texte a aussi le mérite d’introduire des procédés novateurs. Il est question de recyclage, de traitement des déchets mais aussi de décharges contrôlées… Il était temps que le Maroc se conforme aux conventions internationales de protection de l’environnement.

En spécifiant leur mode de gestion, l’article 3 du projet de loi n° 28-00 définit aussi les différents types de déchets (ménagers, industriels, sanitaires, agricoles et dangereux…) Seule la gestion des déchets nucléaires, des épaves de bateaux et des liquides gazeux ne sont pas visés(1). Pour les déchets dangereux, une procédure particulière existe. Au préalable, les exploitants doivent avoir une autorisation. En outre, le texte détermine les différentes étapes de la gestion : on passe de la collecte et du stockage des déchets au tri et au traitement. Tandis que le recyclage clôture la chaîne. Un système qui n’est pas encore opérationnel au Maroc. De ce côté-là, il y a du pain sur la planche. Nos voisins tunisiens ont déjà, depuis quelques années, une agence nationale de gestion des déchets (Anged).(2)

Par ailleurs, le texte soumet les producteurs de déchets à certaines obligations (3). L’article 4 exige que «les produits conçus, fabriqués ou importés contiennent des caractéristiques permettant, durant leur cycle de vie, la réduction de la quantité et des méfaits des déchets…»
Ils sont également astreints à fournir à l’administration toutes les informations s’y rattachant. Toutefois, le texte n’identifie pas précisément l’autorité compétente. S’agit-il du ministère de l’Environnement, du Commerce ou de l’Intérieur…? La question reste en suspens. Selon la direction de la Réglementation et du Contrôle au ministère de l’Environnement, l’autorité de tutelle disposerait logiquement de cette prérogative. En l’occurrence: le ministère de l’Environnement.

En cas d’abandon de déchets, que prévoit le texte? S’ils sont de nature ménagère par exemple, le président de la commune peut intervenir (4). Soulignons que le législateur ne l’y oblige pas, mais qu’il lui accorde la possibilité de le faire. Or il aurait été beaucoup plus sage d’en faire une obligation. En cas d’intervention du président, un simple avertissement est dressé au contrevenant. Ce dernier doit s’en débarrasser à ses frais (article 8).
Le projet de loi n° 28-00 relatif à la gestion des déchets prévoit aussi l’élaboration de schémas directeurs à trois niveaux: national, régional et préfectoral.

Le premier, établi pour une période de 10 ans, vise essentiellement les déchets dangereux(5). Le but est de déterminer aussi les taux de collecte et les lieux de leur élimination.

Mesure phare du projet de loi n° 28-00: l’instauration de décharges contrôlées et leur classification selon la nature des déchets. Adieu, les dépotoirs sauvages. Du moins, espérons-le! Certes, le texte va combler un vide juridique. Mais son avenir dépendra en majeur partie de son application sur le terrain.

Points-clés
Le projet de loi n° 28-00 relatif à la gestion des déchets et à leur élimination prévoit:
- La protection de l’environnement contre les déchets ménagers, industriels, sanitaires, dangereux, agricoles…
- La définition des différents types de déchets. Il spécifie aussi leur mode de gestion (collecte, transport, tri, traitement, stockage et élimination).
- L’instauration d’une série de procédures notamment pour les déchets dangereux (autorisation, communication d’information…)
- La mise en place d’un système de responsabilisation des générateurs des déchets.
- Des mesures de contrôle et de constatation des infractions, assorties de sanctions.

Fini l’impunité
Une fois adoptée, la loi prévoit également un régime répressif. Au menu: amendes et peines d’emprisonnement. Toute personne ayant jeté, enfoui ou détruit des déchets dangereux écopera de 6 mois à 2 ans de prison et/ou d’une amende de 10.000 à 2 millions de dirhams. L’article 76 du projet de loi 28-00 pénalise même les feux de poubelles, dont nos quartiers populaires sont si coutumiers.

Les auteurs de ce type d’incivilité seront condamnés d’une peine de prison d’un mois à un an et d’une amende allant de 5.000 à 20.000 dirhams. En cas de récidive, les peines seront doublées, si toutefois l’infraction commise est similaire à la première violation. A noter que 20% du montant des amendes seront versés au Fonds national de l’environnement (FNE).

(1) La gestion de déchets touchant les nappes phréatiques n’est pas concernée. C’est l’article 52 de la loi 10.95 relative à l’eau qui le réglemente.
(2) La commune de Hammam-Sousse vient d’entamer un projet pilote de tri sélectif des déchets ménagers, en collaboration avec l’Anged. Il fait partie du programme présidentiel Une meilleure qualité de vie dans des villes plus esthétiques.
(3) Qu’elles soient personnes physiques ou personnes morales, le projet de loi distingue entre producteurs, détenteurs et exploitants de déchets. Ces derniers peuvent êtres des propriétaires de décharges ou des établissements de tri, de traitement, de recyclage et d’incinération.
(4) Le wali ou le préfet intervient lorsqu’il s’agit des autres types de déchets (industriels, sanitaires, dangereux…)
(5) Les autres concernent respectivement les déchets industriels et ménagers.


Source: L'Economiste

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