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Touria Nana-Sinkam, une marocaine «plurielle» à Washington

La vie de Mme Touria Nana-Sinkam, marocaine établie depuis 33 ans aux Etats Unis, avec un visa des Nations Unies, est bien remplie.
A côté de ses multiples taches comme fonctionnaire, conseillère et médiatrice à la Banque Mondiale à Washington, cette femme ''plurielle", arabe et musulmane, s'est investie pour longtemps dans le domaine du football en tant que joueuse, entraîneur et arbitre reconnue par la fédération américaine de football "United States Soccer Federation"(USSF).


«Quand mes enfants ont commencé à jouer au football au sein d'équipes de jeunes de différentes nationalités et de divers horizons, j'étais toujours au bord de la ligne de touche en train de donner des directives, de faire des commentaires», a-t-elle confié à la MAP. «Toi qui sais si bien ce qui se passe sur le terrain, pourquoi tu n'envisages pas de devenir entraîneur ?», lui demande un jour une mère qui suivait l'évolution de son fils sur le terrain.


La proposition, qui semble au début quelque peu bizarre pour une femme arabe et musulmane, fait toutefois son chemin et Touria finit par suivre des cours de «training» du soir pour devenir femme entraîneur et être ainsi près de ses enfants, amateurs de football, et au coeur d'un jeu qu'elle aime.

Elle passe ensuite, avec succès, des examens théoriques et pratiques et obtient le quatrième diplôme d'entraîneur (certificat D) lui permettant de préparer des enfants âgés de 6 à 16 ans. «Mes amis arabes ont trouvé étrange une femme musulmane évoluant sur le terrain aux côtés des garçons, mais j'ai pu relever le défi et conduire l'une des mes équipes au championnat local au terme de la saison 1988», a-t-elle dit avec une note de satisfaction mêlée de fierté. Les équipes qu'elle a entraînées étaient «mixtes» et constituées de jeunes de différentes nationalités et régions du monde appartenant à des quartiers communautaires de la région de Washington. Les jeunes joueurs engagés recevaient des tenues de sport et bénéficiaient du programme hebdomadaire des entraînements sans aucune discrimination, a-t-elle indiqué.

Le sport permet aux enfants de s'épanouir et de se comporter correctement aussi bien au sein de la famille qu'à l'école. «Des parents m'ont confié que la participation de leurs enfants aux activités sportives a complètement changé leur façon d'agir, de faire leurs devoirs et de se conduire à la maison ou à l'école», a-t-elle dit en se félicitant d'avoir préparé des joueurs qui ont été intégrés plus tard au sein de l'équipe nationale américaine. En sa qualité de femme entraîneur, Touria Nina-Sinkam se trouvait, souvent, en conflit avec les arbitres dont elle critiquait les décisions. «Comme je n'étais pas toujours contente des décisions des arbitres, j'ai +décidé d'être dans leurs chaussures+ comme disent les américains et devenir aussi arbitre», a-t-elle dit. Aussitôt pensé, aussitôt fait. Elle suit des cours d'arbitrage du soir et réussit à obtenir une licence d'arbitre décernée par la fédération américaine.

En tant que telle, elle dirige des matches de football pour jeunes et pour adultes, notamment des matches de championnat universitaire. «Grâce à Dieu, je n'ai jamais eu de problèmes d'arbitrage, malgré les souffrances physiques que j'ai endurées», a-t-elle souligné, regrettant toutefois de n'avoir jamais été appelée à diriger des matches d'envergure internationale. Touria qui a également évoqué avec nostalgie son expérience en tant que joueuse a dit qu'elle s'était résolue à s'éloigner des terrains lorsqu'elle a eu deux côtes brisées à la suite d'un choc violent avec un joueur au cours d'un match où elle occupait le poste de défenseur.

Cette mordue du football s'est enorgueillie par ailleurs d'être parvenue à convaincre la présidence de la Banque Mondiale d'installer, lors des coupes du monde, des postes de télévision un peu partout afin de permettre aux nombreux fonctionnaires de suivre la retransmission des matches. «J'ai été souvent sollicitée par mes collègues pour leur commenter une action de jeu ou critiquer une décision d'arbitre «, a-t-elle lancé.

Rédactrice et traductrice à la Banque Mondiale depuis 18 ans, Touria aux milles ressources remplit aussi le rôle de conseillère et de médiatrice, à l'instar de dix autres fonctionnaires de l'institution financière internationale, pour régler à l'amiable les conflits pouvant surgir entre les 10.000 fonctionnaires et employés de la banque. «J'évite parfois d'intercéder dans des cas où il y a conflit d'intérêts ou dans des cas liés à des procédures de licenciement», a-t-elle avoué. «Les gens en conflit viennent à mon bureau ou me retrouvent dans un café pour m'exposer leurs problèmes. Je leur explique le processus à suivre pour trouver un terrain d'entente ou, le cas échéant, engager une procédure judiciaire.

Les cas qui m'ont été soumis par un conseil spécial de la Banque se sont souvent terminés par une réconciliation». Comme elle fera valoir son droit à la retraite, l'été prochain, Touria qui a déjà décroché un diplôme de traductrice à l'université George Washington, compte y retourner pour préparer un diplôme en management et prouver encore une fois son ardeur pour aller de l'avant, vivre une nouvelle expérience dans la continuité de son attachement à son pays, à sa marocanité. «Même si le Maroc est loin, je l'ai toujours porté en moi, dans mon coeur et chez moi où tout respire la tradition de vivre à la marocaine», confie Touria Nina-Sinkam d'une voix tremblant d'émotion.

Kaddour Fattoumi (MAP Washington)
Source: Le Matin

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