Menu

Le Front national "drague" la communauté maghrébine sur Beur FM

Un responsable du Front national (FN) sur une radio s'adressant en priorité aux Français d'origine maghrébine est inédit. Pas étonnant donc que la prestation de Marine Le Pen, vice-présidente du parti, sur Beur FM le 6 juin soit commentée dans les milieux d'extrême droite.

Minute dans son édition du 14 juin lui consacre trois pages ainsi que sa couverture, où on peut lire : "Un million de voix en jeu : quel sera le vote "beur" ?" "Marine Le Pen fut mieux que bien accueillie", s'émerveille l'hebdomadaire d'extrême droite, qui voit là le fruit de l'opposition du président du FN à l'intervention américaine en Irak. Minute développe l'idée selon laquelle l'électorat "d'origine immigrée" et "soucieux de s'assimiler" supporte de moins en moins les "incivilités" dont il serait, "comme les Gaulois", la "première victime". Il aspirerait "à voir l'ordre rétabli", mission à laquelle la gauche et le ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, auraient "failli". Selon Minute : "Les suffrages beurs qui s'étaient portés sur Chirac en 2002 ont peu de chance d'être accordés à Nicolas Sarkozy en 2007. Ils ne le seront pas plus à Philippe de Villiers, qui mène une campagne pro-israélienne assez stupéfiante. Reste qui ? l'éventuel candidat "altermondialiste"; le candidat socialiste s'il s'agit de Ségolène Royal, et seulement d'elle ; et Jean-Marie Le Pen ."


En résumé, pour l'hebdomadaire d'extrême droite, l'émission "Forum débat" animée par Ahmed El Keiy, sur Beur FM, à laquelle Mme Le Pen a participé, aurait prouvé que l'horizon entre le FN et les beurs est dégagé.

Ce que Minute omet cependant de mentionner, c'est que cadres et militants frontistes ont très largement contribué au "bon accueil" de Mme Le Pen. Et cela en profitant, lors de l'émission, des 35 minutes de questions posées en direct par les auditeurs, sans qu'il y ait de sélection préalable. Ainsi a-t-on eu la surprise d'entendre un certain "Louis de Toulouse" évoquer le codéveloppement entre la France et l'Afrique pour stopper "les flux migratoires". "Il a un peu de mal, Louis", s'est étonné M. El Keiy devant les hésitations de ce dernier à poser sa question. "Oui, il est très timide" a répliqué Mme Le Pen en réprimant difficilement un fou rire car elle avait reconnu dans ce Louis toulousain Louis Aliot, le secrétaire général du FN.

A deux reprises, M. El Keiy s'est amusé à démasquer des imposteurs : "J'aime bien votre accent, Mustapha, mais il faut un peu le travailler", a-t-il lancé à l'un d'entre eux qui venait de déclarer à "Mme Li Pen (sic)" qu'il voterait pour elle. "Vous avez le discours qui vous permet d'être membre du FN" a-t-il répliqué à un certain Mourad de Paris qui venait d'expliquer qu'il en avait assez "d'être agressé par des cousins dans le métro".

Ces intrus ne sont tout de même pas parvenus à occulter les interventions d'authentiques Français d'origine étrangère. Certains ont montré leur intérêt pour la nouvelle égérie du Front. La plupart ont parlé du racisme dont ils sont victimes. D'autres se sont inquiétés des relations entre le FN et l'Algérie, si d'aventure il arrivait aux affaires. Hormis un auditeur qui a menacé d'une "frappe stratégique pendant deux cents ans" toute personne "essayant d'exercer une pression" sur les musulmans, le ton est resté courtois. Y compris quand une auditrice évoquant la fable du "Petit Chaperon rouge" s'est demandé si Beur FM, en invitant Mme Le Pen, ne permettait pas au "loup" frontiste de "draguer les Beurs". "Ce serait naïf de penser le contraire, mais c'est de bonne guerre" lui a répondu M. El Keiy, qui tient au pluralisme de son émission.

Source: Le Monde

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com