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Petits et grands business du Ramadan

Mercredi, sixième jour du Ramadan, à Derb Sultan. Il est 13 heures et le soleil tape encore bien fort, cet automne.

Malgré le jeûne et le manque de sommeil, il y a foule dans ce marché populaire et la circulation est très difficile. Aux côtés des fournitures scolaires, des vêtements et de la vaisselle, on trouve des montagnes de chebbakias et de briouates. Dorés à souhait, ces mets sont particulièrement appréciés en cette période de jeûne. On peut même dire qu’ils sont incontournables. Pour l’occasion, tout le monde se met à faire de la chebbakia. Pour de nombreuses ménagères, c’est le bon moment pour arrondir la fin du mois. D’autant plus que, cette année, le Ramadan coïncide avec la rentrée scolaire, un évènement qui grève le budget familial. D’autres «occasionnels» s’organisent de manière plus professionnelle. Ils tiennent des stands et souvent toute la famille est mise à contribution pour confectionner des kilos de chebbakias. Pour tous les goûts et toutes les bourses. Mais, de manière générale, le succès de ce type de marché s’explique par le bon rapport qualité/prix.

Les petits métiers qui apparaissent durant ce mois sacré sont légion. Des activités que l’on peut désigner comme des métiers de survie et qui disparaissent avec l’Aïd dès la fin du jeûne. Et il y a de tout: confectionneurs de feuilles de pastilla, cuisiniers pour la harira, pâtissiers pour les crèpes en tous genres, etc. Ils prennent place dans les grands marchés de la ville et parfois n’hésitent pas à s’installer non loin de points de vente tout à fait conventionnels et huppés.

La pâtisserie est certainement l’activité qui marche le plus en cette période. Il n’y a qu’à voir la foule qui se presse dans les magasins. C’est un secteur qui génère de l’emploi. Beaucoup de professionnels et même les plus connus sur la place ont ainsi recours à cette main-d’œuvre occasionnelle.

Certains vont jusqu’à Fès ou Marrakech recruter des «petites mains» pour répondre à la forte demande. Ainsi, des contingents d’hommes et de femmes débarquent chaque Ramadan pour fabriquer cornes de gazelle, fekkas et plein d’autres spécialités marocaines. Ils sont logés chez la famille ou plus fréquemment par leur employeur dans l’unité même de production. Où ils fabriquent des quantités phénoménales de gâteaux, travaillant souvent jusque très tard le soir.

La motivation, ils la puisent dans les salaires qui peuvent atteindre jusqu’à 4.000 DH par mois. Le salaire moyen varie entre 250 et 400 DH/semaine. Certains employeurs payent cette main-d’œuvre à la tâche, c’est-à-dire au nombre de sacs de farine employés.

Pour les pâtissiers et les traiteurs aussi, le mois de Ramadan représente le mois le plus rentable de l’année, où les affaires marchent le mieux en termes de vente directe, les organisations de mariage, par exemple, restant des opérations ponctuelles.

Pour les grandes enseignes telles que Amoud, l’augmentation de chiffre d’affaires n’est pas significative. Elle est de l’ordre de 10 à 30%. Cela s’explique par le fait que certains produits se vendent mieux (la viennoiserie et les gâteaux salés en l’occurence), au détriment de la pâtisserie qui connaît un engouement hors Ramadan. Mais pour certains traiteurs qui approvisionnent les grandes surfaces, l’augmentation peut aller jusqu’à 50%.

Face à cette progression, des enseignes comme la maison Rahal qui, jusque-là, visait exclusivement une clientèle haut de gamme, ont décidé de cibler aussi les classes moyennes. Pour cela, le traiteur projette d’ouvrir des points de vente dans les centres villes pour ratisser plus large.

La recherche en nouveauté est importante puisqu’on voit chaque année ressurgir une nouvelle demande de produits. D’ailleurs, l’offre croissante de gâteaux salés en est l’illustration, offre que la clientèle de toute catégorie apprécie de plus en plus à l’heure de la rupture du jeûne. Qui ne rafollerait pas d’ailleurs de ces petites pizzas au saumon et de ces minipastillas de poisson ou de poulet? Selon la responsable de Faryan, traiteur à Rabat, les ventes pour ce type de produits sont plus importantes dans les points fréquentés par une classe plus aisée. L’engouement n’est pas aussi fort pour les classes moyennes qui vont s’approvisionner en grandes surfaces ou au souk où les prix sont plus modérés.

Dans tous les cas de figure, pour les gens aisés comme pour les classes populaires, les ménages préfèrent acheter «tout prêt». Les femmes travaillant et la difficulté à trouver des domestiques changent bien évidemment les comportements. Certains diront que les traditions se perdent; d’autres estiment que c’est une évolution normale de la société. Les purs et durs parleront, eux, de «révolution sociale». Par ailleurs, un autre commerce florissant: le transport interurbain et même à l’étranger des produits de Ramadan qui sont achetés en très grande quantité par des commerçants qui les acheminent enssuite vers les marchés des villes avoisinantes. Souvent aussi, ils sont envoyés à l’étranger, faisant ainsi la joie de nos compatriotes dans les pays d’accueil. D’ailleurs, les sociétés privées de service de courrier express et de messagerie lancent, pendant le mois sacré, des produits pour ceux qui veulent envoyer des chhiouates à leur famille ou leurs amis: «Délice express» pour la société DHL, «spécial Ramadan» pour Chronopost avec une réduction de 50% sur le prix de l’envoi.

Djellabas aussi
Ramadan est aussi synonyme de renouvellement de la garde-robe traditionnelle. Les femmes (et les hommes s’y mettent aussi) envahissent les boutiques pour faire le point sur leurs éventuels achats. Certaines couturières bouclent leurs carnets de commande bien avant le début du mois. Et l’innovation en la matière est grande. Tous les ans, on voit ressurgir de nouveaux modèles, de nouveaux motifs. Comment peut-on donc résister? Et il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Certaines femmes que l’on rencontre dans les marchés populaires, vont jusqu’à acheter des djallabahs d’occasion qu’elles recousent parfois elles-mêmes et les lavent pour les revendre à des prix défiant toute concurrence.

L’intérêt de la croissance de l’activité des couturières est le développement de toutes les chaînes de fournitures situées en amont (fils, tissus...).

Jihane Kabbaj
Source: L'Economiste

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