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L’exception de la diplomatie marocaine

Depuis l’indépendance, y-a-t-il jamais eu une véritable diplomatie marocaine ? La question semble saugrenue, voire absurde. Pourtant, elle mérite réflexion. Et un peu de raison fait apparaître qu’elle est loin d’être absurde.

Certains, pourtant, ne manqueront pas de crier que l’on ne discute pas les évidences. Bien sûr, diront-ils, il y a toujours eu une diplomatie marocaine. Voyez le rôle joué par le Maroc tout au long de ces quarante dernières années en Afrique, au Moyen-Orient et sous bien d’autres cieux. Notre pays a ainsi été de tous les grands événements. Je ne le conteste pas. Je reconnais que nous avons eu une action diplomatique et multiple de surcroît. Mais je réfute le fait de lui accoler l’adjectif « marocain ». Car de cette action, le peuple, ses partis et ses syndicats ont toujours été exclus sauf dans un seul et unique cas, et je reviendrai sur cette exception qui, en fait, confirme la règle. Notre diplomatie a été celle de la monarchie car elle a toujours constitué un domaine ultra-réservé. C’est le Roi qui planifie, qui décide, qui agit et mène cette diplomatie en toute indépendance et sans en référer ni aux partis, ni au Parlement. Bien entendu, il n’est pas seul : y sont associés ses conseillers et ses proches collaborateurs, lesquels n’ont de compte à rendre qu’à lui et rien qu’à lui seul.

C’est pour cela qu’il serait plus honnête de parler de diplomatie royale. Et c’est là où réside le problème ou les problèmes. D’une part, agissant en toute liberté, le Monarque jouit d’une marge de manœuvre totale. Ce qui lui permet une intervention rapide et efficace. Mais, ces avantages ont leurs handicaps. Ainsi est-il seul responsable de tous les actes dans ce domaine, et par conséquent, en est l’unique comptable, vu que ses conseillers ne sont que les exécutants de ses directives. Autre revers de la médaille, le Roi peut être facilement induit en erreur par ses conseillers qui, parfois, ont des intérêts propres ou des sympathies propres pour tel pays ou tel autre.Les uns penchent pour les USA, d’autres pour la France et l’Europe par exemple. Ce qui peut avoir des conséquences fâcheuses, voire catastrophiques dans certains cas.

Ainsi, sous le règne de Hassan II, certains de ses proches lui ont affirmé que seul le lobby juif au Congrès américain pourrait influencer les décideurs de la Maison-Blanche en faveur des thèses marocaines. Et pour cela, il fallait se montrer conciliant envers Israël et soutenir la politique américaine au Moyen-Orient. Aujourd’hui, on se rend compte que cette analyse était complètement fausse et que ce lobby n’a jamais rien fait. Ceux qui ont inspiré et imposé cette approche l’ont-ils fait en toute connaissance de cause, par naïveté, par imbécilité ? La question mérite d’être posée. Ces messieurs ont juste oublié ou feint d’oublier que les grandes puissances n’ont ni amis, ni alliés durables. Ils n’ont que des intérêts et ces intérêts sont fluctuants, comme chacun sait.

Aujourd’hui, il semble que, malgré les revers subis, on continue à privilégier cette approche et à tout miser sur Washington. Résultat : nous sommes devenus ceux que l’on charge des basses besognes, ceux qui multiplient les actions qui décrédibilisent le pays vis-à-vis des peuples arabo-musulmans et principalement le peuple palestinien. Ce suivisme aveugle est l’une des causes de la détérioration dramatique de nos relations avec Ryad, soit dit en passant. Et c’est dans ce combat qu’il faut aussi placer nos déboires avec les pays africains. Bien entendu, l’effet n’est pas direct, mais en misant tout sur Washington, on a « snobé » l’Afrique du SUd, le Nigéria et bien d’autres pays africains. Aujourd’hui, on en paie le prix. Les USA sont une grande puissance, mais ce n’est pas une raison pour que nous soyons son instrument docile et son factotum. Aucune diplomatie sérieuse ne met tous ses oeufs dans un même panier.

Il est temps de faire une halte et d’opérer un réexamen total de notre diplomatie. Celle-ci doit cesser d’être menée par une poignée de personnes et devenir le résultat d’une réflexion commune à laquelle participent partis politiques, spécialistes des relations internationales, société civile, etc. Il faut en faire un débat national. Une stratégie issue de cette réflexion commune engagera l’ensemble du peuple marocain. Et ce peuple, lorsqu’il est convaincu, est prêt à tous les sacrifices. C’est grâce à lui qu’a pu être organisée la Marche Verte et la récupération de nos provinces du Sud a pu avoir lieu. C’est l’exception dont je parlais au début de cette chronique.

Source : Le Journal Hebdomadaire

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