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Scandale : Irrégularités et emplois fictifs au Parlement !

Le contrôle financier de l’hémicycle a suscité un remue-ménage au parlement. Plusieurs irrégularités d’ordre administratif et financier, ainsi que des emplois fictifs ont été découverts.

Depuis quelque mois un contrôleur financier a élu domicile au parlement pour vérifier les dépenses du budget, salaires, déplacements et autres rubriques lourdes, comme la construction d’un nouveau bâtiment pour la première Chambre et le siège de la deuxième Chambre. Un chantier lancé depuis cinq ans qui est toujours inachevé. A chaque année législative, la présidence parle d’ouverture imminente de ces locaux pour l’année législative d’après et cela dure depuis l’an 2000.

Or, dès l’arrivée du contrôleur financier, la réaction a été une résistance à cette ingérence de l’exécutif dans les affaires internes du législatif. Non pas par souci d’indépendance ou de suprématie constitutionnelle, semble-t-il, mais plutôt à cause des fraudes et détournements qui sévissent dans l’hémicycle depuis belle lurette.

Le dossier des fonctionnaires fantômes est le plus significatif. Les groupes parlementaires que le règlement interne autorise à recruter des fonctionnaires pour la gestion des affaires de leur groupe -communication, déplacement, prise de rendez vous et planning - se sont vite transformés en relais internes pour recruter des proches et des bras cassés du parti.

Cette catégorie de fonctionnaires qui sont normalement contractuels se transforme au fur et à mesure en fonctionnaires titulaires. Il suffit de proposer le fonctionnaire en question à la titularisation dans l’administration du parlement.

Depuis des années, le nombre des fonctionnaires gonfle au point que le départ volontaire est passé par là. Une source bien informée nous a révélé que lorsqu’un groupe parlementaire veut se débarrasser d’un fonctionnaire, il le propose à la titularisation. Lors des élections de la présidence des deux chambres, les parlementaires mettent la pression sur les candidats à la présidence pour recruter ou titulariser leurs proches au parlement.

Le phénomène est plus marqué à la chambre des conseillers puisque l’élection du président se fait tous les trois ans. Le parlement compte actuellement plus de 571 fonctionnaires dans les deux chambres, dont une majorité de fantômes. Parmi les 571, seules 50 personnes travaillent réellement. Dans la liste des fonctionnaires fantômes, il y a de tout, des universitaires, des journalistes et des fils de politiciens et autres personnalités influentes. Le parlement est devenu au fil du temps L’ANPE des fils à papa. Il faut dire que le chômage ne touche pas uniquement les fils des pauvres.

Le plus étonnant c’est quand des fonctionnaires fantômes se payent un salaire et vivent à l’étranger. Le cas le plus souvent évoqué par ceux qui dénoncent ces pratiques, c’est celui d’un sécuritaire à la retraite qui a fait recruter sa fille au parlement contre un service rendu à un « cabinard » de la deuxième Chambre.

Le contrôle financier a donc permis de découvrir des contradictions entre le registre des fonctionnaires et leurs salaires. Suite à ces irrégularités, les salaires des fonctionnaires du parlement ont été momentanément bloqués. Au point que les fonctionnaires des deux chambres ont organisé un sit-in de protestation à l’intérieur de l’hémicycle pour revendiquer le versement de leur salaire.

Même les députés ont été payés en retard depuis deux mois. Interrogé sur cette question, le chef du groupe parlementaire du Mouvement Populaire à la deuxième chambre, Mohamed Jouahari, a minimisé la chose, déclarant que « c’est juste un petit retard de rien du tout ».

Il faut dire que le linge sale du parlement est un sujet tabou où majorité et opposition font front commun. Il y va de leur image auprès des électeurs. Un député de l’opposition qui est membre de la commission des finances du parlement a, par exemple, nié toute connaissance du dossier.

Un « Yalta » des emplois fictifs existe-t-il entre les groupes parlementaires au Maroc ? En tout cas, le dernier à savoir quoi que ce soit sur ce dossier c’est le citoyen qui a pourtant donné, par son vote, la légitimité à son député.

Tout ce qui ne tourne pas rond

La liste des dépenses inutiles est longue. Il y a déjà le fait que des parlementaires et des chefs de services déposent des factures mensuelles de 1200 DH pour l’achat de journaux et revues que personne ne contrôle. Pour les cérémonies officielles et non officielles, il est fait chaque fois appel à un traiteur différent. Aucun marché n’est attribué conformément à la loi.

Ce qui génère beaucoup de dépenses. Des voitures de marque Mercedes, dernier cri, ont été achetées par le parlement pour servir au transport des invités étrangers du parlement. Or, il s’avère que des membres influents des deux chambres s’accaparent chacun plus qu’une voiture. Un des bénéficiaires utilise même à lui tout seul cinq voitures.

L’association des œuvres sociales de la première chambre connaît elle aussi une mauvaise gestion. Le parlement a bloqué la subvention annuelle de l’association : 40 millions de centimes. Ce qui a engendré la suppression de la prime de l’Aïd El Kébir bénéficiant aux fonctionnaires.

Le marché de l’assurance, pour tous les députés et fonctionnaires des deux chambres, est octroyé directement à une compagnie d’assurance. Cette dernière demande actuellement la revalorisation de la somme due au titre de la police d’assurance, sinon, a-t-elle prévenu, le contrat d’assurance ne sera pas renouvelé. Personne actuellement n’est assuré. Or, les responsables du dossier ne veulent pas changer d’assureur, ni lancer un appel d’offres pour retenir le prix le plus bas. Le motif, selon une source bien informée, c’est que le courtier d’assurance, qui empoche une commission importante, est la femme d’un ex-ministre de la majorité qui occupe un haut poste actuellement.

Le nouveau bâtiment devant être construit à l’intérieur de la première Chambre pour abriter les bureaux des fonctionnaires qui manquent aujourd’hui d’espace, est bloqué. L’entrepreneur demande une somme supplémentaire de 10 millions de dirhams. Le marché a été adjugé correctement à un entrepreneur mais les interventions et modifications successives ont mis l’entrepreneur dans des difficultés financières. Sans compter les retards de paiement, comme c’est le cas pour le bâtiment de la deuxième chambre.

Pour les déplacements à l’étranger, aucune coordination n’existe entre les deux chambres. Parfois, pour une invitation de trois députés à l’étranger, la délégation marocaine se retrouve avec quatre députés, deux de chaque chambre. Concernant ces déplacements de députés à l’étranger, ils coûtent au contribuable 6 000 DH d’indemnité journalière. Il est arrivé, racontent nos sources, que pour un déplacement de trois jours, les députés remplissent des papiers indiquant un déplacement de 20 jours !

8 600 candidats pour 46 postes

26 fonctionnaires non titulaires attendent depuis plus de 10 ans d’être titularisés, dont la majorité des fonctionnaires du groupe du PJD dans les deux chambres. Pour cela, ils ont été convoqués pour un concours de recrutement lancé pour 46 nouveaux postes. Le problème, c’est que légalement, le concours doit être ouvert même aux candidats externes. Du coup, ce sont 8600 candidats qui ont manifesté leur intérêt pour les postes à pourvoir.

Auparavant, pour les recrutements, les seuls critères qui prévalaient, c’était le clientélisme ou le degré de parenté avec un parlementaire ou un ministre. Cette fois-ci, par souci de transparence, le marché du recrutement a été donné à un cabinet de recrutement à Casablanca. Les principaux concernés (ceux qui attendaient d’être titularisés) se demandent donc comment ils vont pouvoir réussir face à 8600 candidats ?

La réunion des présidents des groupes parlementaires, prévue jeudi 27 avril essaiera de répondre à cette question. Le débat sera houleux surtout que la question des emplois fictifs sera posée. Et vu l’approche des élections, le dossier sera utilisé dans la campagne électorale prématurée, au moment où la guerre des media fait déjà rage entre l’USFP et le PJD, impliquant même le PPS. Selon une source interne, les contractuels seront tous titularisés, mais en même temps, 8 postes de complaisance seront octroyés, selon le mécanisme ancien... On verra.

Une liste nationale pour les vieux

Le débat sur le mode de scrutin réserve bien des surprises. Les Zaïms et autres vieux de la vieille qui ne veulent plus du marathon de la campagne électorale, demandent une liste nationale, avec les femmes et les jeunes, qui leur garantisse un siège au parlement. Pour la liste nationale des « cadres », la limite d’âge sera de 60 ans et pas plus. Le motif est que le départ volontaire a laissé des gens dans l’oisiveté et qu’ils ont de l’énergie à revendre.

Commentaire de militants concernant cette revendication : aujourd’hui, après l’assassinat de la démocratie interne dans leurs partis c’est le renouvellent des élites qu’ils veulent assassiner, si se n’est la démocratie elle-même...

Les Escobars au parlement

Le parlement doit refléter la réalité de la société marocaine. En principe, un député doit être choisi parmi les gens les plus compétents et les plus honnêtes. Or, au Maroc, depuis les années quatre vingt, les « Escobars » sont prêts à tout pour avoir un siège de député.

Ils ont introduit la corruption à l’intérieur des partis, achetant en monnaie sonnante et trébuchante la députation (tazkia) au nom d’un parti politique généralement trop heureux de renflouer ses comptes avec cette manne...

Encore à l’ère de la dactylographie !

Pour Lahcen Daoudi, vice-président de la Chambre des représentants, le parlement manque de cadres qualifiés, surtout des ingénieurs et informaticiens. Or, actuellement, aucune informatisation n’est faite. Les PV des réunions et séances sont dactylographiés par des secrétaires qui restent jusqu’à 11 h du soir. « Il y a un effort à faire. On veut suivre l’évolution, on n’a pas de site Internet ». Il explique : « pour suivre l’évolution, il faut investir dans les NTIC. Pour cela, il faut de nouveaux profils de jeunes développeurs et éditeurs en ligne. Les 571 fonctionnaires que paye le parlement ne sont ni dans la première catégorie ni dans la deuxième. Une chose est sûre, une armée de serviteurs, de chaouchs et autres fonctionnaires très officiels encombrent le parlement sans rien ajouter à la modernisation de l’administration ».

Et dans la foulée des critiques, Lahcen Daoudi ajoute : « le parlement travaille en boite fermée, le vrai travail, ce n’est pas le mercredi, sous les caméras, c’est dans les commissions... Il y a souvent des absences, même les ministres sont souvent absents. Le parlement doit être un modèle de transparence. Pour cela, la presse doit faire son travail et dénoncer les irrégularités ».

Les tableaux du parlement dans la joutia de Bab El Had

Des toiles de peintres marocains célèbres ont été dérobées du parlement à l’instar des manuscrits de la bibliothèque générale de Rabat. Les voleurs qui ont agi de l’intérieur de l’hémicycle utilisent une technique simple : ils prennent uniquement la toile et se débarrassent du cadre en bois. Ils roulent la toile en cigare et la glissent dans la manche de leur veste. Il ne reste plus qu’à sortir par la grande porte, les mains dans les poches, directement vers la joutiya de Bab El Had où la toile est vendue à des marchands spécialisés.

Une récompense pour services rendus à la nation

Les parlementaires jugent leur retraite dérisoire. Ils avancent qu’ils méritent mieux pour services rendus à la nation. Il est vrai que tout leur parcours de parlementaires, ils ont une vie de SDF, ils vivent sous les cartons d’invitations qui pleuvent de toutes parts. Sans compter que certains d’entre eux souffrent en plus d’être en déplacement constant, voyageant en première classe d’avion et logeant dans des hôtels cinq étoiles...

Mohamed El Hamraoui
Source : Le Reporter

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