Menu

Appel pour une Communauté du Monde Méditerranéen

Un collectif comprenant Hassan Abouyoub, Pierre Beckouche, Jean-Louis Guigou, Abderrhamane Hadj Nacer, Radhi Meddeb, Michel K. Moubayed, Dario Valcarcel… et de nombreux autres collaborateurs des deux rives de la Méditerranée ont rédigé un appel pour une Communauté Méditerranéenne.

Nous nous exprimons – responsables politiques, économiques et culturels – parce que nous sommes inquiets.
Inquiets de constater que les propositions que l’Union européenne va faire lors du sommet de Barcelone +10 en novembre ne sont pas à la hauteur des enjeux du monde méditerranéen. Inquiets de voir progresser l’indifférence, le manque d’espérance voire la désespérance, notamment dans les pays arabes mais aussi en Turquie et en Israël.
Nous sommes pourtant convaincus que, les uns et les autres, nous pouvons construire ensemble, en Méditerranée, une des grandes régions du monde, et que la relance du projet européen comme du monde arabe passe par la Méditerranée. Convaincus que nous pouvons susciter l’espoir et reconstruire la confiance en proposant une vision réaliste et mobilisatrice, qui ne se réduise pas à la gestion des flux migratoires et financiers ou à des demandes d’adhésion à l’Union européenne.
Parce que le marché est aveugle, le présent n’a de sens que si l’horizon s’enrichit d’un destin commun. Une lumière, un espoir prochain doivent briller. Une vision prospective commune est nécessaire car les peuples n’avancent pas s’ils ne savent pas où ils vont.


AYANT CONSTATE QUE :

• le processus de Barcelone a le grand mérite d’exister mais n’est plus adapté à la marche de l’histoire. Comme seule enceinte de dialogue entre l’UE et le Sud de la Méditerranée, ce processus fut un succès ; mais, par suite d’une gestion politique montrant, par rapport aux pays d’Europe centrale et orientale, le peu d’intérêt de l’Union pour le Sud de la Méditerranée, il n’a pas réussi à réduire l’écart de développement entre les deux rives, ni à résister aux effets négatifs de la guerre du Proche Orient et du terrorisme international. Le déficit démocratique qui caractérise les pays du Sud perdure.

• La nouvelle politique européenne du voisinage (PEV) a elle aussi le mérite d’exister mais est perçue au Sud comme une compensation pour les pays qui n’ont pas vocation à adhérer à l’Union. Elle est mal acceptée par les opinions publiques faute d’avoir été élaborée dans une concertation similaire à celle qui avait précédé les accords de Barcelone de 1995, faute aussi d’un management associant les acteurs du Nord et du Sud, centraux et locaux, faute enfin de proposer une vision historique autre que la participation à un grand marché. La coopération bilatérale qu’elle propose présente en outre le risque d’une dilution du partenariat régional euroméditerranéen dans une vaste politique de voisinage dont les bénéficiaires seraient plutôt à l’Est de l’Europe.

• Les élites et les gouvernements, au Nord comme au Sud, se satisfont trop souvent du statu quo, alors que chacun reconnaît, en conscience, que la cogestion Nord-Sud des rentes (pétrolière, touristique, financière …) favorise la corruption de part et d’autre de la Méditerranée. Traiter les instabilités de la région exclusivement par une réponse sécuritaire entrave les progrès de la démocratie. La volonté de maintenir les différenciations culturelles ne doit pas conduire à renoncer aux valeurs universelles du développement humain.

• Les peuples souffrent et ont peur. Ils souffrent dans leur vie quotidienne où leurs besoins essentiels ne sont pas toujours satisfaits, avec le chômage comme seule perspective pour une majorité de jeunes, avec la peur du terrorisme, avec la défiance à l’égard de leurs élites qui, trop souvent, se taisent, se compromettent ou émigrent. Depuis deux siècles, les peuples des pays arabes sont confinés dans la souffrance et le mépris. La Méditerranée est disloquée, ses pays ballottés entre des influences extérieures concurrentes, ses richesses dilapidées. L’intolérance religieuse et les replis identitaires qu’elle nourrit font peur comme en leur temps les totalitarismes ont suscité la terreur en Europe. Cette violence ne cessera que si la pauvreté, le chômage et l’illettrisme sont combattus et si la mobilisation de tous les démocrates se conjugue pour offrir un nouveau dessein.

• Le nouveau contexte mondial exige un projet historique. La nécessité de régionaliser de manière cohérente une mondialisation qui malmène les pays restés isolés, la montée en puissance de la Chine, de l’Inde et des autres pays émergents, la demande grandissante de démocratie au Sud, la lutte contre le terrorisme international, exigent que les peuples européens définissent, avec les peuples du monde arabe, d’Israël et de la Turquie, un projet ambitieux qui ne saurait se réduire au simple prolongement des accords de Barcelone.

• Le concept de démocratie ne doit pas être galvaudé. Le multipartisme formel, le communautarisme et la guerre civile, sous couvert de démocratie, sont en train de tuer son idée même. Les peuples des deux rives ont les mêmes exigences, la bonne gouvernance consiste à promouvoir les mêmes valeurs démocratiques quelles qu’en soient les formes institutionnelles.


AU MOMENT OÙ SE PRÉPARE LE DIXIÈME ANNIVERSAIRE DE LA DÉCLARATION DE BARCELONE, NOUS VOULONS EXPRIMER NOS CONVICTIONS SUR LE RÔLE D’AVENIR DU MONDE MÉDITERRANÉEN

• Nous avons la conviction que notre diversité culturelle nourrit notre identité de destin. La Méditerranée est le berceau de la démocratie, également le berceau des trois religions monothéistes qui ont en partage le respect de la pensée humaine et la dignité de l’individu, le refus de la haine, la culture de l’espérance. Même si, presque deux siècles durant, la révolution industrielle a marqué une rupture entre Nord et Sud, même si elle a rompu les apports nourriciers entre l’Orient et l’Occident, la région géopolitique de la Méditerranée perdure et ne demande qu’à s’enrichir de la diversité de ses cultures.

• Il est temps de donner, à l’échelle régionale, une solution internationale aux conflits violents (Israël-Palestine) ou latents (Chypre, Sahara occidental…). Tout comme la France et l’Allemagne naguère, tout comme de nombreux autres pays européens qui se sont affrontés pendant des siècles, il est temps en Méditerranée de retrouver les chemins de la confiance.

• L’avenir de l’Europe, du monde arabe, d’Israël et de la Turquie se joue en Méditerranée. La proximité géographique et la complémentarité jouent dans les deux sens : l’Europe a besoin du dynamisme démographique et des marchés émergents de la rive méridionale ; le Sud a besoin du savoirfaire de l’Europe et d’une Europe solidaire pour affronter le choc de l’ouverture commerciale, le défi des emplois à créer et des réformes politiques et sociétales que la modernité exige. L’alternative pour les deux rives est claire : s’associer et devenir une des régions majeures du globe (un milliard d’hommes d’ici un demi siècle), ou être éclatées donc marginalisées.

• Nous sommes convaincus qu’il faut à court terme donner la priorité à l’économie de production, inscrite dans la perspective du développement durable, seule créatrice d’emplois dans les pays du Sud – comme dans ceux du Nord. Convaincus que l’économie durable a des vertus de transformation.
Convaincus que là où il n’y a pas d’économie de marché régulée par la démocratie, on est sûr de trouver mafia et corruption. Convaincus que cette économie de marché régulée peut seule venir à bout de toutes les formes de rente. Les pays du Sud n’attendent plus des discours généraux et généreux sur la culture et la démocratie, ils attendent des projets concrets, contrôlables et « traçables » dans le temps, mobilisant les acteurs locaux ; des projets qui démontreraient que l’Union européenne sait, quand elle le veut, améliorer la vie quotidienne des populations. Les pays du Sud n’attendent pas nécessairement de l’argent, ils en ont. Ce qu’ils souhaitent c’est un engagement politique, une assistance technique, la parité décisionnelle, la reconnaissance de leur contribution, l’affirmation d’un avenir commun.


PROPOSITIONS CONCRÈTES POUR RAPPROCHER LES DEUX RIVES DE LA MÉDITERRANÉE

• Que soit officialisée la création d’une Communauté du Monde Méditerranéen, établie sur la base d’une charte définissant les valeurs communes : Etat de droit, démocratie. Elle peut se concrétiser à court terme par une coopération renforcée fondée sur la parité entre, d’une part, les Etats membres de l’Union européenne et, d’autre part, les Etats du Sud les plus enclins à lier leur destin, sans fermer la porte aux pays qui souhaitent les rejoindre. Pourront y adhérer librement et à leur rythme tous les pays de l’Union européenne et les pays de la Ligue arabe, la Turquie et Israël s’ils en manifestent le souhait.

• Qu’un dispositif institutionnel minimal mais nécessaire garantisse la crédibilité et l’efficacité de ce projet. Ce dispositif peut se composer d’un secrétariat politique et paritaire permanent, d’un « G-Med », d’une institution financière dédiée au monde méditerranéen, et d’une instance consultative rassemblant les représentants de la société civile (collectivités locales, communautés d’affaires, ONG, …).

• Qu’un programme ambitieux d’infrastructures économiques et sociales (logements, éducation), dit « gagnant-gagnant » pour les deux rives, impliquant une coresponsabilité et décliné sur une durée minimale de six ans, affronte les vrais défis du développement industriel dans les pays Méditerranéens : éducation de masse, formation professionnelle, création de champions économiques nationaux et constitution de pôles de compétitivité technologique au Sud, grands équipements.

• Que deux ou trois politiques communes dans les secteurs d’intérêt régional (gestion durable de l’eau, échanges agricoles, migrations qualifiantes et enseignement supérieur) donnent son sens à cette nouvelle Communauté.

Les acteurs politiques, économiques et scientifiques du monde méditerranéen doivent oser des projets ambitieux, et les inscrire dans une perspective historique qui offre un ancrage irréversible au sein de leur région. Ils pourront alors être exigeants sur la qualité et le rythme des réformes économiques, sociales et politiques à engager. Ainsi ils libéreront les forces de progrès et de convergence.
L’Union européenne doit lancer ce mouvement : elle seule en a aujourd’hui la capacité stratégique. Elle joue ici son propre avenir et celui de notre région.

Pour plus d'information :
http://www.calame.coop/images/PDF/appelpourunecommunautmediterraneenne.pdf
Pour signer la pétition :
http://www.calame.coop/index.php?option=com_wrapper&Itemid=64

Source : Communiqué de presse

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com