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Presse : Accepter la liberté



Dans son rapport 2004 diffusé à l’occasion du 3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse, Reporters Sans Frontières (RSF) classe le Maroc 126ème sur 167. Mieux classés que nous : le Congo, le Togo, l’Afghanistan et le Liberia (respectivement 69ème, 75ème, 97ème et 123ème). Franchement, est-ce crédible ?

Mais il ne faut pas, pour autant, clouer RSF au pilori. L’organisation de Robert Ménard s’est contentée de faire son travail : recenser les atteintes à la liberté de la presse. Les atteintes enregistrées au Libéria ou en Afghanistan sont peut-être moins connues que les nôtres – ou reportées moins librement par les correspondants locaux de RSF. Nos atteintes à nous (de la condamnation de Ali Lmrabet à l’emprisonnement d’Anas Tadili) sont extrêmement visibles, et connaissent un maximum de publicité – ce qui, en soi, est déjà un signe de transparence, donc de liberté. Elles sont sans aucun doute regrettables. Mais elles restent isolées et relativement peu significatives, si on les rapporte aux avancées – qui ne font pas partie des critères de RSF. Et des avancées dans le domaine de la liberté de la presse, le Maroc en a connu de nombreuses et de spectaculaires, l’année dernière. On ne compte plus les tabous brisés par la presse indépendante – et ça continue.
Vu de l’extérieur, ce n’est peut-être pas si évident. Mais de l'intérieur, ça devrait l’être. Or, ce n’est pas le cas. La preuve par TelQuel : à de multiples occasions, le magazine que vous tenez entre vos mains a abordé, de front, des sujets qu’on aurait pensé inabordables : le salaire du roi, l’indépendance du Sahara, la relecture du Coran… à aucun de ces dossiers, le pouvoir n’a réagi négativement. Le public, depuis le temps, devrait avoir intégré cette donnée, et s’en réjouir. Et pourtant… À la sempiternelle question "vous n’avez pas de problèmes ?", les journalistes de TelQuel, dont l’auteur de ces lignes, passent leur temps à répondre "non". La plupart du temps, sans convaincre leurs interlocuteurs ! Parmi ces derniers, les plus malins ont même une réplique toute faite : "si vous n’avez pas de problèmes, c’est que vous êtes protégés par le Palais, y compris quand vous critiquez le roi". Avouez que c’est quand même tordu ! Ne serait-ce pas plus simple de se dire que le Maroc a progressé, qu’il n’arrive (presque) plus rien de fâcheux à ses journalistes, que ses dirigeants commencent à comprendre les règles du jeu médiatique… bref, que la liberté et la démocratie sont en progrès, et que c’est une bonne nouvelle ?
Apparemment non. Le meilleur semble plus difficile à admettre que le pire. C’est dire à quel point les années Hassan II nous ont collectivement traumatisées. En définitive, ce n’est pas le tout, d’arracher la liberté. Il s’agit maintenant de l’accepter…

Source: Telquel

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