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Musulmans de Belgique : Une caricature indigne, ces élections

Pour l'honneur de la démocratie en Belgique - pays laïc -, au nom du bons sens et du respect vis-à-vis de tous les musulmans, les dernières élections doivent être annulées

La majorité silencieuse des musulmans de Belgique se sent bafouée tous les jours dans ses droits. Peut-être cela permettra-t-il de voir sous un autre angle une problématique examinée par des responsables, je devrais dire des irresponsables, qui traitent la communauté musulmane en citoyens de seconde zone.

Une organisation exécrable

En 1998, un accord est intervenu entre l'Etat belge et les représentants de la Communauté musulmane de Belgique. Cet accord prévoyait que les élections pour la désignation de l'Exécutif, de même que le renouvellement du tiers de l'Assemblée générale, auraient lieu après 5 ans.

En 2003, et suite à une démarche auprès de la ministre de la Justice chargée du culte d'un groupe se prétendant représentatif, la ministre a décidé d'organiser des élections anticipées sans aucune vérification préalable des véritables motivations de ce groupe et de sa légitime représentativité.

Malgré l'opposition de l'Exécutif en place et les représentants des mosquées, la ligue des imans, la fédération des musulmans turcs, ainsi que d'autres représentants de la société civile musulmane en Belgique, la ministre a maintenu sa décision. Les élections ont été organisées le 20 mars 2005, malgré la réserve du Conseil d'Etat.

Pour minimiser ce camouflet, la ministre a soumis son projet au Parlement, qui, jeu de majorité oblige, l'approuva.

La Commission ad hoc, créée pour l'organisation des élections, a, contre toutes les règles de l'impartialité, confié la distribution des bulletins d'inscription aux seuls représentants de l'Union des mosquées en ce qui concerne Bruxelles. Chacun sait aujourd'hui que cette organisation ne représente presque rien, moins de 2 pc des votes. Des bulletins ont été déposés n'importe où, quand ils n'ont pas été quasiment jetés devant les mosquées... comme s'ils ne voulaient pas avoir de contact avec les responsables de certaines mosquées.

Ces conditions exécrables et bien d'autres irrégularités encore ont accompagné ces élections que je considère indignes dans un pays démocratique.

Des élections non représentatives

Dans ces circonstances - informations contradictoires, ingérences de fonctionnaires et de diplomates, doutes dans la population... - la proportion des inscrits par rapport aux votants potentiels fut dérisoire.

Si on examine le nombre de musulmans en âge de voter à l'échelle nationale (502152) (1), on constate que seuls 68466 (soit 13,63 pc) (2) se sont inscrits. Mais de plus, le nombre de votants réels est inférieur au nombre d'inscrits et ne représente que 43765 personnes, soit 8,72 pc du nombre de votants potentiels. Ce chiffre défie toute logique réellement démocratique et frise le ridicule dont on couvre les républiques bananières. Car si dans ces républiques, les élections sont réputées gagnées avec des taux de 99 pc, les élections organisées et validées par la ministre de la Justice en Belgique sont boudées par 91,28 pc.

S'agissant maintenant de la communauté d'origine marocaine, sur 225064 votants potentiels (1), seules 11500 personnes ont participé au vote et ceci à l'échelle nationale. Par conséquent le nombre d'abstentionnistes atteint le chiffre de 213564, soit 94,89 pc, alors que le taux de participation atteint le chiffre ridicule de 11500, soit 5,11 pc.

Examinant plus particulièrement la participation au vote de la communauté d'origine marocaine à Bruxelles, on constate que sur 116508 votants potentiels (1), seuls 2843 votants (2,44 pc) ont osé se présenter aux urnes. Une fois de plus, le taux des abstentionnistes atteint le chiffre éloquent de 97,56 pc.

Quels sont maintenant les voix recueillies par les candidats d'origine marocaine à Bruxelles? M. Kissi a recueilli 363 voix sur les 116508 personnes d'origine marocaine en âge de voter (soit 0,31 pc). M. Allaf, 321 voix (soit 0,28pc). M. Adahchour, 303 voix (soit 0,26 pc). M.Adine, 253 voix (soit 0,22 pc). M. Med Larbi, 174 voix (soit 0,15 pc) et M. Fathallah, 170 voix (soit 0,15 pc). Ce qui fait un total de 1584 voix recueillies, soit 1,36 pc des personnes d'origine marocaine en âge de voter.

Ces chiffres se passent de commentaires. On peut cependant souligner la grande performance de M. Kissi, l'initiateur des élections anticipées, celui-là même qui a fait croire la ministre de la Justice à son omnipotence et grande représentativité auprès des musulmans de Belgique. A n'en pas douter, en recueillant 0,31 pc des voix, il a démontré au grand jour sa supercherie. Cela aurait dû faire réfléchir la ministre et la conduire à annuler immédiatement les élections au nom de l'honneur de la démocratie en Belgique.

L'objet de discriminations

En ma qualité de musulman de Belgique, adhérant aux principes démocratiques de ce pays, j'accepte les règles du jeu démocratique et les respecte en toute loyauté mais je suis choqué de constater que la règle de deux poids, deux mesures est appliquée à l'égard des musulmans comme si nous n'étions pas assez matures pour participer à part entière à l'organisation de notre culte de la même façon que les autres communautés et sans ingérence de l'Etat.

On nous dit que les gouvernements des pays d'origine ne peuvent intervenir. Mais il n'est un secret pour personne que la représentation diplomatique turque a joué un rôle déterminant auprès de la communauté turque lors de ces élections.

On nous dit également que les règles du jeu ne peuvent être changées pendant le jeu. Mais on a changé les règles du jeu pendant un mandat avant son échéance.

On nous dit qu'en pays laïc, l'Etat ne peut s'immiscer dans les affaires religieuses. Mais le ministère de la Justice, tout- puissant, s'immisce dans les affaires religieuses de la communauté musulmane impunément. Est-ce parce qu'il s'agit de la communauté musulmane?

On nous dit qu'en pays démocratique, les citoyens sont égaux devant la loi. Mais nous constatons que les musulmans sont moins égaux que les autres.

On nous dit que les citoyens peuvent choisir leurs représentants comme ils peuvent se présenter aux élections. Mais le contrôle (screening) imposé à notre communauté est un fait sans précédent dans l'histoire des élections des autres cultes en Belgique.

On nous dit que, par ces élections, on veut une représentation qui tienne compte de la proportion des nationalités. Mais les chiffres démontrent que la communauté marocaine est sous-représentée, que les Algériens, les Tunisiens, les Egyptiens et les sub-Sahariens ne sont même pas représentés.

Comment croire, dès lors, que nous ne faisons pas l'objet de discriminations? Ou alors, qu'on nous dise comment on peut interpréter ce traitement.

On pourrait être flatté par toutes ces attentions particulières de la part des pouvoirs publics, si ces attentions ne bridaient pas notre liberté de culte garantie dans la Constitution.

La ministre de la Justice, au nom du bon sens, de la règle de l'égalité de traitement, des principes démocratiques, des droits de l'homme, de l'amitié des peuples, de l'apport de l'Islam à la civilisation occidentale, devrait faire amende honorable et annuler purement et simplement ces élections car elles sont une caricature indigne de notre pays.

Dans l'histoire de l'Occident, des hommes politiques prestigieux ont fait preuve de sagesse en retirant des décisions entachées d'erreurs. Ils en sont sortis grandis, l'Histoire leur a réservé des pages d'or et les peuples leur ont témoigné leur gratitude.

Ces élections, dont les chiffres révèlent l'insignifiance, doivent être annulées. La ministre de la Justice, qui a des comptes à rendre non seulement à sa conscience mais à l'Histoire, y gagnerait des centaines de milliers d'amis... musulmans.

(1) Source: INS 2004.

(2) Source: Commission pour l'organisation des élections de l'Exécutif des musulmans de Belgique.


KEBIR BENCHEIKH, Membre de l'Assemblée générale des musulmans de Belgique

Source: La Libre Belgique

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