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Réunis à Bruxelles, cent rabbins et imams condamnent le terrorisme

Cent imams et rabbins : sous un titre accrocheur, un congrès réunissant à parité quelques-unes des plus hautes autorités du judaïsme et de l'islam dans le monde se tient jusqu'au jeudi 6 janvier à Bruxelles. L'initiative vient de la fondation laïque Hommes de parole. Elle est inédite : nouer un dialogue entre deux religions associées dans le même discrédit, en raison de la violence extrémiste au Proche-Orient, était un "rêve", une "utopie", mots qui revenaient le plus souvent, lundi, lors de son ouverture.

De fait, cette rencontre "de barbu à barbu" - comme a dit avec humour un orateur - tenait du miracle. Soumise à de fortes pressions politiques, annoncée à deux reprises en juin 2004 et janvier 2005 à Ifrane au Maroc, elle avait été reportée, avant d'être déplacée précipitamment dans la capitale belge. L'obstination des promoteurs, soutenus par la monarchie marocaine et les autorités belges (qui assurent la sécurité du rassemblement), a fini par payer.

Conscients de la dégradation de l'image de la religion, liée aux fondamentalismes, les responsables juifs et musulmans veulent donner à Bruxelles un coup d'arrêt à l'"instrumentalisation" du nom de Dieu à des fins de violence politique. D'entrée, Alain Michel, président d'Hommes de parole, a pressé ses invités de "délégitimer et mettre hors la loi toutes les violences commises au nom de Dieu et de la religion". Et d'agir pour combattre "l'ignorance de l'autre, génératrice de la haine et du rejet". Prêtant le geste à la parole, dans un ballet de kippas et de turbans, l'ancien grand rabbin d'Israël, Bakshi Doron, et cheikh Talal Sedir, imam d'Hébron et ministre palestinien des affaires religieuses, se sont donné l'accolade. Dénonçant les attentats-suicides en Israël, le grand rabbin a stigmatisé "des actes qui n'ont rien à voir avec la religion", rappelé que la protection de la vie était la loi la plus sacrée des trois monothéismes et conclu sur l'urgence d'arrêter ces "guerres de religion". A aucun moment il n'a mis l'islam en cause.

"ÉVITONS LA NAÏVETÉ"

Sur le même ton, le ministre palestinien a expliqué l'échec des plans de paix au Proche-Orient par l'aveuglement des responsables politiques sur le sort d'"une Terre sainte souillée du sang de ses populations" que juifs, chrétiens et musulmans ont en partage. Lui aussi a désavoué les actes de terrorisme commis pour des motifs religieux : "Les seuls qui se réjouissent de la mort d'un enfant israélien sont ceux qui ignorent tout de la parole de Dieu", a souligné Talal Sedir, très applaudi.

D'autres rabbins et imams se sont succédé pour dénoncer les amalgames politico-religieux, les interprétations fondamentalistes de la Torah et du Coran, les appels à la haine raciste, antisémitisme d'un côté, islamophobie de l'autre. Pour René-Samuel Sirat, ancien grand rabbin de France, il est temps de créer un Etat palestinien à côté d'un Etat juif, "car c'est de la paix de Jérusalem que viendra la paix du monde".

De son côté, le rabbin de Norvège, Michaël Melchior, initiateur d'un processus interconfessionnel de paix à Alexandrie (Egypte) après les attentats du 11 Septembre, est aussi venu demander à Bruxelles de faire cesser les "manipulations" sur le thème de la "sainteté" de la terre.

Cet enthousiasme est celui de tous les commencements, mais de telles rencontres ne touchent souvent que des personnalités déjà convaincues de leur utilité. Au nom d'un œcuménisme bon teint, les aspérités sont gommées. "Evitons la naïveté", a averti Albert Dupont, ministre belge de l'intégration.

Reste que ce genre d'initiative répond à l'impatience de l'opinion devant l'apparent mutisme des autorités religieuses. Elle peut créer "une dynamique de l'espoir", comme dit le professeur français Ady Steg, président de l'Alliance israélite mondiale.

Centre spirituel de l'islam sunnite, l'université Al-Azhar du Caire soutient cet "esprit de Bruxelles", de même que des personnalités d'Indonésie (comme l'ancien président Wahid) ou du Sri Lanka, venues témoigner de l'ampleur d'une catastrophe naturelle dans leurs pays qui, pour tout le congrès, rend plus absurdes les morts dus à la main et à l'intolérance de l'homme dans les conflits politico-religieux.

Jean-Pierre Stroobants et Henri Tincq
Source : Le Monde

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