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Remaniement du gouvernement : Ajustement politique et recherche d’efficacité stratégique

La nomination de Taib Cherkaoui à l’Intérieur a une relation avec la justice. Celle de Saâd Alami et Lachgar avec les équilibres politiques. Celle de Naciri révèle la volonté du Palais d’assumer la responsabilité affichée de la réforme de la justice. Et enfin, celle de Znagui vise à trouver de nouveaux aménageurs propriétaires des murs pour les visions 2010 et 2020.

Voilà, le remaniement a eu lieu. La rumeur circulait depuis dimanche dernier et les noms des ministres candidats étaient connus depuis un moment. Donc pas de surprise quant aux changements opérés car ils s’inscrivent dans la logique politique et économique du pays. Les postes retouchés concernent les ministères de l’intérieur (Taib Cherkaoui), du tourisme (Yassir Znagui), de la justice (Mohamed Naciri), des relations avec le Parlement (Driss Lachgar) et enfin, celui de la réforme des services publics (Mohamed Saâd Alami).

La lecture des récentes nominations est très importante car elle éclaire sur les visées de la volonté du pouvoir. Si, sur les cinq nominations, deux sortent du lot, les trois autres sont de purs sacrifices politiques. Ainsi, le jeu de la « chaise musicale » entre l’Union Socialiste des Forces populaires et l’Istiqlal sert à maintenir l’équilibre politique au sein d’une formation gouvernementale fragile et incohérente. Le choix des hommes importe peu du point de vue de l’efficacité opérationnelle.

D’ailleurs, il ne faut pas s’attendre à grand-chose de deux des nouveaux ministres : Saâd Alami est là pour maintenir l’hégémonie gouvernementale de l’Istiqlal, Lachgar est présent pour compenser le départ de Abdelwahed Radi, certainement attendu sur le dossier de la réforme de son parti qui est en perte de vitesse depuis un moment.

Les changements les plus stratégiques sont ceux ayant concerné les départements de la Justice, de l’Intérieur et du Tourisme. D’abord l’Intérieur. Le choix de Taib Cherkaoui n’est pas fortuit ni dicté par la supposée compétence de l’homme. Il est incontestable que le nouveau « super flic » du pays n’a pas d’expérience préalable dans le domaine de la gestion territoriale et sécuritaire. Il a fait sa carrière dans le domaine de la justice et de la pratique du droit. Ce qui explique que le nom de Saâd Hassar, l’actuel secrétaire d’Etat à l’intérieur et ancien patron des collectivités locales à l’intérieur aussi, ait circulé comme remplaçant potentiel de Chakib Benmoussa. Ce qui aurait été logique, il faut le préciser au passage, vu le chantier colossal de la régionalisation. Le choix de Cherkaoui est donc lié à la réforme de la justice. Pour certains, c’est un signal fort du roi, qui fait du changement « réformateur » au sein de la famille de la justice un gage d’une grande importance pour le développement du pays.

Dans la foulée, l’arrivée de Naciri représente un retour à la normal dans le système politique marocain : une grande réforme aussi sensible que celle de la justice ne peut être portée à l’actif d’une formation politique. D’ailleurs, aucun parti au Maroc ne peut prétendre à une telle force de changement (du point de vue mécanismes institutionnels et outils), surtout pas dans le domaine de la justice. La grande magistrature est un domaine réservé à la monarchie (constitution oblige), et elle seule veut et peut endosser la responsabilité de ce chantier prioritaire.

En revanche, la nomination de Yassir Znagui au département du Tourisme ne peut-être expliquée que par la volonté de la monarchie d’aller plus vite sur le chantier de la vision 2010 et celui de 2020. Il est vrai que Mohamed Boussaïd, le ministre sortant, avait pris le train du plan stratégique en marche. Il a tenté, tant bien que mal, de redimensionner les réalisations de la vision 2010 à travers une nouvelle stratégie en cours de négociation avec les professionnels. Mais il n’a pas su imposer un rythme accéléré ni trouver des solutions aux blocages, nombreux, qui jalonnent la marche du plan de développement du secteur. Et en tête de ces blocages, figure le financement. Ni lui ni Adil Douiri n’ont réglé ce problème. Et si certaines stations balnéaires, à l’instar de celles de Mazagan, Saïdia ou encore Port-Lixus, ont pu voir le jour, c’est grâce à l’implication de groupes nationaux proches du pouvoir. Mais ces derniers ne peuvent pas tout faire. Znagui, lui, aura donc la lourde tâche de trouver de nouveaux aménageurs propriétaires de murs (surtout pour Taghazout et les futures stations de la vision 2020). La solution magique, il l’a peut-être dans ses valises. Mais attention, sa longévité dans ce poste ne dépend pas uniquement de son efficacité opérationnelle. Il aura besoin d’une grande capacité à gérer des intérêts économiques et politiques.

Khalid Tritki
De notre partenaire Maroceco.ma

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