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Affaire Ben Barka : les révélations des 95 pages du dossier secret

Quatre ving quinze pages de vieilles photocopies. Des agrafes rouillées. Vingt-cinq ans que ce dossier sommeille. La plupart des feuilles sont barrées du tampon "secret", "secret confidentiel", "diffusion restreinte". Ce dossier dont le JDD détient une copie relate les faits et gestes de la brigade de gendarmerie de Mennecy, dans l’Essonne, à partir du 2 novembre 1965, trois jours après la disparition de Ben Barka en face de la brasserie Lipp, boulevard Saint-Germain, à Paris.

Cette brigade est la plus proche du domicile de Georges Boucheseiche, dit « Gros Jo », le truand chez qui Ben Barka est conduit à Fontenay-le-Vicomte. "Je n’avais jamais vu ces documents, ils ne figurent pas au dossier judiciaire", réagit Me Maurice Buttin. L’avocat des Ben Barka "découvre" à la lecture de ces pages "une enquête parallèle", un "dossier oublié".

Les faits et gestes du juge
Premier constat, le juge Zollinger, qui hérite en octobre 1965 de l’enquête, est sous haute surveillance. "Monsieur le juge Zollinger a demandé d’appréhender et de mettre à sa disposition Michel V.", préviennent les gendarmes le jour même de la demande du juge, dans une note "secret confidentiel" à leur ministre. Autre exemple, le 30 avril 1966 "après-midi", le magistrat "convoque le colonel pour des problèmes concernant l’affaire Ben Barka". Zollinger demande en fait l’assistance des gendarmes pour "perquisitionner au domicile des policiers Souchon et Voitot", les deux fonctionnaires impliqués dans l’enlèvement. Manifestement le juge se méfie des fuites. Le soir même pourtant, à 20 h 30, un message "secret confidentiel" prévient le ministre des Armées. "On savait que cette enquête était sous haute surveillance, réagit Me Maurice Buttin. C’est vrai que les guerres de service ont tout parasité, mais aussi la toile de fond politique."

La piste de l’incinération
Le 6 mars 1966, un message "secret" remonte à Paris. Il y est question "d’un agent de renseignement désirant garder un strict anonymat mais apparemment digne de confiance". L’informateur dit avoir recueilli des informations de Henri D., un habitant de Mennecy. "Il lui aurait précisé que le nommé Maurice T., propriétaire d’une station essence demeurant à Fontenay-le-Vicomte aurait procédé lui-même à l’incinération du cadavre de M. Ben Barka et qu’il aurait fait disparaître les cendres dans un étang à Ballancourt." Selon l’informateur, Maurice T. aurait "touché pour cette opération la somme de 5 millions de francs".

Le 10 mars 1966, à peine quatre jours plus tard, les gendarmes, après audition des deux suspects désignés, écrivent dans un nouveau message "qu’ils nient les faits". "C’est néanmoins la première fois que j’entends parler d’une possible incinération du corps de Ben Barka", ajoute Me Buttin. Dans le dossier des gendarmes, pourtant, ce n’est pas la seule.

Le "morceau de tissu" et le "morceau de cuir"
"Le 24 mai 1966, à 19 h 50, le commissaire divisionnaire Bouvier, de la préfecture de police, a avisé le commandant de brigade de Mennecy que des fonctionnaires de son service se rendaient à Mennecy avec un informateur susceptible d’indiquer le lieu où aurait été déposé le cadavre de Ben Barka", écrivent les gendarmes dans un rapport "secret confidentiel" à leur ministre. L’équipe se rend à Villabé, "à la bifurcation de la voie ordinaire qui va d’Ormoy à Villemoisson et du chemin des Brettes", mentionne le rapport. Selon l’informateur, le corps de Ben Barka y aurait été d’abord entreposé "le long d’une clôture" dans une propriété "appartenant à Edgard Provins". Ce jour-là, les recherches ne donnent rien.

Ce jour-là aussi, deux autres messages sont envoyés vers Paris. Le premier mentionne que les recherches "entreprises de 14 h à 17 h 30 dans la propriété de Villabé" ont été "négatives". Pourtant, le deuxième message est plus explicite: "A l’issue des recherches effectuées le 25 à Villabé, les fonctionnaires de police Lecoq et Legris de la préfecture de police qui avaient assisté aux recherches se sont présentés à la brigade de Mennecy. Ils ont remis au commandant de brigade un morceau de tissu et un morceau de cuir qu’ils disent avoir découverts dans les cendres sur la propriété. Ils ont demandé au commandant de brigade de les conserver." Des pièces à conviction?

"Il n’y avait pas de recherches ADN à l’époque, réagit Me Buttin, surpris par ce texte. Et puis je ne vois pas ce que vient faire le commissaire Bouvier en mai 1966 alors qu’il avait été dessaisi du dossier", ajoute l’avocat. Ces deux objets sont-ils retrouvables aujourd’hui?

Source : lejdd.fr

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