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L'affaire Ben Barka: Le secret-défense est levé

Mme Alliot-Marie a suivi l'avis favorable donné par la commission consultative du secret de la défense nationale.



Plus de trente-neuf ans après l'enlèvement à Paris, le 29 octobre 1965, du dirigeant de l'opposition marocaine, Mehdi Ben Barka, dont le corps n'a jamais été retrouvé, Michèle Alliot-Marie a donné son accord pour la levée du secret-défense sur tous les documents qui faisaient encore l'objet d'une classification. Par sa décision, rendue publique dimanche 14 novembre, la ministre de la défense met à la disposition de la justice la totalité du dossier détenu par les services secrets français sur l'affaire Ben Barka. Mme Alliot-Marie a suivi l'avis de la commission consultative du secret de la défense nationale, chargée d'examiner les demandes de levée du secret.

Le 14 octobre, en réponse à la demande de Claude Choquet, vice-président du tribunal de grande instance de Paris, qui instruit l'enquête sur la disparition de l'opposant marocain appréhendé par des policiers français à la sortie de la brasserie Lipp, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, la commission avait émis "un avis favorable à la déclassification des 73 documents regroupés dans le scellé fermé intitulé -Affaire Ben Barka-, soit au total 295 feuillets imprimés soit recto verso (3 pièces), soit simple recto (292 pièces), auxquels s'ajoutent deux enveloppes et trois photographies". Ces documents concernent des personnes nommément citées, et les relations entre les services français d'espionnage et de contre-espionnage, le SDECE et la direction de la surveillance du territoire (DST).

SORT TRAGIQUE

"Ce mort aura la vie longue, ce mort aura le dernier mot", écrivait l'historien Daniel Guérin, en commentant l'une des affaires d'Etat les plus troubles des années du gaullisme, dans laquelle des policiers français avaient été directement impliqués, aux côtés des services spéciaux du roi Hassan II. La levée complète du secret-défense va-t-elle apporter des éléments nouveaux ? Le sort tragique de Mehdi Ben Barka a déjà inspiré une bonne dizaine de livres, dont celui de témoignage d'un ancien agent secret marocain, Ahmed Boukhari, intitulé Le Secret (Ed. Michel Lafon, 2002). Ce dernier raconte en détail le récit de la traque de l'opposant, son enlèvement et sa mort dans une villa de Fontenay-le-Vicomte (Essonne), ainsi que le rapatriement de son corps au Maroc. D'abord publiés dans Le Monde du 30 juin 2001, ces déclarations ont valu à leur auteur des poursuites dans son pays pour diffamation.

En France, l'enlèvement de Mehdi Ben Barka a donné lieu à deux procès, en octobre 1966 et en avril-juin 1967. Mais il aura fallu plus de trente-cinq ans pour que le secret-défense soit entièrement levé. En 1975, une nouvelle plainte pour "assassinat, tentative et complicité d'assassinat" avait été déposée par le fils du disparu, Bachir. Sept ans plus tard, le premier ministre (PS), Pierre Mauroy, avait autorisé la réouverture d'une partie des dossiers, sous le contrôle des ministres de l'intérieur et de la défense et sous réserve que cela ne porte pas atteinte à "la sécurité nationale". Environ 200 pièces qui émanaient de la DST et de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), nouvelle appellation du SDECE, échappaient encore à la déclassification. En 1999, Lionel Jospin (PS), alors à Matignon, décidait de livrer à la connaissance du juge une partie de ces éléments. Mme Alliot-Marie vient de mettre fin à ce qui restait du mystère.

Pascal Ceaux
Source: Le Monde

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