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Les enjeux de la visite officielle de Zapatero au Maroc

Après trois reports, le chef du gouvernement espagnol se rend au Maroc dans le cadre d'une visite officielle éclair. De Sebta et Meliiia à la question des immigrés en passant par l'affaire Yahya Yahya, les enjeux ne manquent pas.

Le président du gouvernement espagnol, José Luis Rodríguez Zapatero sera au Maroc le vendredi prochain, plus précisément à Oujda, où il devra s'entretenir avec le roi Mohammed VI et avec le Premier ministre Abbas El Fassi. Prévu depuis l'arrivée au pouvoir de Zapatero pour la deuxième fois, ce voyage a été repoussé pas moins de trois fois (la diplomatie marocaine dit n'avoir jamais été saisie à ce titre alors que les Espagnols parlent de problèmes d'agenda), au risque de rompre une véritable tradition diplomatique, la coutume voulant que le premier déplacement d'un nouveau chef de gouvernement espagnol se fasse au Maroc. Aux côtés de Zapatero, le ministre des Affaires étrangères du voisin du Nord, Miguel Angel Moratinos, est également attendu au Maroc. Ce sera dans le cadre tournée régionale qui devra le conduire dans les autres pays du Maghreb, l'Algérie et la Tunisie en premier. Dans un communique du gouvernement espagnol, le discours annonçant cette visite se veut on ne peut plus diplomatique. «Cette visite intervient pour souligner l'importance des relations entre l'Espagne et le Maroc et a pour objectif de consolider la coopération entre les deux pays», se contente-t-on d'y annoncer.

Au programme de Zapatero donc, le point sur les relations entre les deux pays, ainsi qu'une vague proposition hispano-marocaine en faveur de l'éducation dans la région du Maghreb, destinée notamment aux femmes et visant l'éradication de l'analphabétisme. Le déplacement du chef de l'Exécutif espagnol s'inscrit également dans le cadre, plus large, de nombreuses visites qui devront le conduire à Athènes les 9 et 10 juillet prochain et à Paris, le 13 du même mois, pour participer au sommet de l'Union pour la Méditerranée. Cet agenda chargé, cacherait-t-il pour autant le fond de tensions qui règne actuellement entre les deux pays ? Pas si sûr, surtout que les divergences, historiques comme celles apparues récemment, entre les deux royaumes, font actuellement fureur. À commencer par le dossier de Sebta et Melilia. Zapatero vient d'ailleurs d'annoncer une nouvelle visite aux deux enclaves. Et histoire d'enfoncer le clou, tout son gouvernement est derrière lui. A une question écrite au Parlement quant à l'avenir des relations entre les deux pays, à la lumière des «divergences» sur le statut de Sebta et Melillia, l'Exécutif espagnol se veut serein, mais reste ferme. «Sebta et Melilia, ainsi que les îles et îlots situés en Afrique du Nord sont et resteront des territoires espagnols» et «tes positions divergentes sur ce dossier ne sont nullement un obstacle au développement de la coopération bilatérale», peut-on lire dans une réponse relayée par l'agencé espagnole Europa Press. «La stratégie adoptée par l'Exécutif espagnol obéit à des considérations internes et vise à la fois à rassurer l'opinion publique et à contrer les attaques dont Zapatero fait l'objet, le gouvernement étant accusé par la droite de faire le jeu du Maroc et d'avoir un projet de co-souveraineté maroco-espagnole sur les deux enclaves dans ses tiroirs», explique ce fin connaisseur des relations entre les pays. Si la position espagnole est claire, celle de la partie marocaine reste floue. Tout en revendiquant la marocanité des deux présides, la diplomatie marocaine n'a toujours pas réagi à cette nouvelle «provocation».

Le manque de réactivité côté marocain est également enregistré sur une autre annonce espagnole, à savoir le nouveau projet de départ volontaire à l'adresse des immigrés, les Marocains en premiers. «Nous n'arrivons pas à comprendre les raisons de cette inertie de la part de nos officiels, à un moment où les actes de violence se multiplient», dit Kamal Rahmouni, président de l'Association des travailleurs et immigrés marocains en Espagne. Autre sujet qui fâche : la récente arrestation de Yahya Yahya à Melilia, malgré le statut de conseiller de ce dernier, ce qui a suscité un véritable tollé au Maroc. Cette fois, le gouvernement a réagi, demandant des explications à l'Espagne. Si entre-temps, Yahya Yahya a été libéré, les explications réclamées officiellement n'ont pas encore été données. La visite de Zapatero sera-t-elle l'occasion de le faire ? Tout porte à le croire.

Aux origines des nouvelles tensions

Tout a commencé en février 2006, quand le même Zapatero, alors porte-drapeau de l'embellie des relations entre les deux pays après une bien maussade ère José-Maria Aznar, s'est rendu à Sebta et à Mélilia. Ce déplacement n'avait toutefois pas empêché le renforcement des liens entre les deux pays. Il aura fallu attendre une autre visite, toujours à Sebta et Melilia, cette fois-ci du roi Juan Carlos pour que les tensions entre le Maroc et l'Espagne se ravivent. Le déplacement avait pour message de confirmer la souveraineté ibérique sur les deux présides, de fait depuis le 16e siècle. Cette visite sans précédent (Juan Carlos s'y était rendu comme prince héritier les 19 et 20 setembre 1970 pour présider le 50e anniversaire de la légion) a suscité la réprobation générale de la part du Maroc qui a rappelé son ambassadeur à Madrid pour consultation. D'aucuns se souviennent également du communiqué venimeux du Premier ministre Abbas El Fassi, appelant les autorités espagnoles à «renoncer» au voyage royal dans ces deux territoires, revendiqués depuis des décennies par le Maroc. Depuis, les relations entre Rabat et Madrid, sans être au bord d'une rupture diplomatique, ne cessent de passer par nombre de zones de turbulence. Celles-ci expliquent pour beaucoup la série de reports dont la visite de Zapatero a fait l'objet. Annoncé trois fois auparavant côté officiels espagnols, le déplacement n'a pu se fixer que pour cette semaine. Mieux vaut tard que jamais.

Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos

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